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The Substance de Coralie Fargeat

Par Mespetitesvues
Substance Coralie Fargeat

L'histoire: Elisabeth Sparkle (Demi Moore), n'est plus dans la fleur de l'âge. À cinquante ans, l'animatrice vedette d'une émission de fitness est soudainement renvoyée par le chef de studio (Dennis Quaid). Elle est alors attirée par l'opportunité que représente un médicament mystérieux : La Substance. Il suffit d'une injection pour qu'elle renaisse - temporairement - sous les traits de la superbe Sue (Margaret Qualley), âgée d'une vingtaine d'années. La seule règle ? Le temps doit être divisé : exactement une semaine dans un corps, puis une semaine dans l'autre. Pas d'exception. Un équilibre parfait. Qu'est-ce qui pourrait aller de travers ?

Sortie en salle au Québec: 19 septembre 2024 - Sortie en VOD: 31 octobre 2024 (MUBI)

Mon avis

Depuis son passage à Cannes, où il a remporté la palme du meilleur scénario, tout ou presque a été dit et écrit sur The Substance, deuxième long métrage de la Française Coralie Fargeat sorti hier en VOD en Amérique du Nord, mais que l'on peut encore voir sur une quinzaine d'écrans du Québec.

Jouissif, tordu et grotesque, The Substance est avant tout un trip de cinéaste qui laisse parler la cinéphile qui est en elle. On avait déjà pu constater son irrépressible envie de rendre hommage aux styles et aux cinéastes qu'elle aime dans Revenge, son inégal premier long sorti en 2018. Ici, elle multiplie par mille les références et jongle avec pas mal de genres et sous-genres, de plus en plus en vogue dans le cinéma d'auteur.

Dans The Substance, on passe donc allègrement de la science-fiction à la comédie satirique, du gore à l'horreur corporelle, dans un récit qui n'a qu'un seul but : dénoncer le culte entourant la jeunesse et la perfection des corps (de la femme, évidemment) dans les médias américains, plus particulièrement à la télé. Sur le fond, strictement rien de neuf. On a vu ce sujet mille fois, traité de mille manières différentes, de Vox Lux (Brady Corbet, 2018) à The Neon Demon (Nicolas Winding Refn, 2016), j'en passe.

Fargeat, coproductrice, scénariste, réalisatrice et co-monteuse, va plus loin en développant un discours finalement très consensuel et très à la mode sur un ton en complète rupture avec les canons de l'écriture acceptable et reconnaissable par tous. Inutile donc de s'étonner que tout est exagéré, amplifié, maltraité et, c'est malheureusement une évidence, très manichéen.

Sans nuance aucune, Fargeat dépeint le producteur nommé Harvey comme un gros porc sans manière ni savoir-vivre. Les actionnaires de la télé sont des octogénaires blancs lubriques, tandis que la séduisante Sue est une écervelée à la fesse impeccable avide de gloire et prête à tout pour gagner son petit bout de célébrité. La star vieillissante est, à contrario, une cinquantenaire humaine et fragile qui ne correspond plus aux canons de la beauté.

À mes yeux, c'est dans cette façon binaire de parler d'une indéniable réalité que The Substance prête le plus le flanc à la critique. Outre le fait qu'elle n'apporte rien de vraiment original à une réflexion déjà bien engagée, sa critique du showbizz et de la misogynie ne pèse pas lourd en comparaison avec les excès dans lesquels elle se vautre et dans les innombrables clins d'œil cinématographiques qui la propulsent.

Faisant appel à Stanley Kubrick, Brian Yuzna, David Cronenberg, et en s'en remettant également à The Elephant Man, Vertigo, Le portrait de Dorian Gray, Carrie et tant d'autres, la réalisatrice livre une évocation jouissive de la force et du pouvoir de fascination que le cinéma exerce depuis toujours. Surtout lorsqu'il est ambigu et excessif, à l'image de l'interminable dénouement, absolument dégueulasse, et bien entendu totalement improbable.

On pourrait discuter longtemps de l'approche qui ne sera certainement pas du goût de tous, même des plus aguerris. Plusieurs plans horrifiques sont totalement gratuits. L'objectivation des corps est dénoncée, mais elle est en même temps utilisée comme outil de séduction du film lui-même.

Alors, est-ce que l'on se souviendra de The Substance dans 20 ans? Peut-être pas pour son propos, mais sans doute parce que, comme rarement auparavant, une femme cinéaste a choisi de ne rien se refuser pour choquer son auditoire, de ne rien censurer et d'aller à fond de train explorer les extrêmes de l' "hénaurmité " qui sous-tend sa démarche. En ce sens, Coralie Fargeat a réussi à marquer un grand coup.


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