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Les secrets de la paternité des chansons des Beatles révélés par la science : quand les mathématiques se penchent sur les mélodies du mythique duo Lennon/McCartney

Publié le 10 décembre 2024 par John Lenmac @yellowsubnet

Qui a vraiment écrit certaines des plus grandes chansons des Beatles ? Cette question, qui hante les passionnés de musique depuis plus d’un demi-siècle, a longtemps semblé relever davantage de la légende que de la vérification factuelle. La mention “Lennon/McCartney” sur les pochettes ne faisait qu’alimenter les débats, donnant l’impression que les deux génies créatifs étaient toujours main dans la main, unis dans la conception de leurs chefs-d’œuvre. Pourtant, à l’abri des regards, John Lennon et Paul McCartney se sont parfois écharpés sur leurs contributions respectives. Au fil des ans, alors que la mémoire flanche, que les interviews se contredisent et que les témoignages se brouillent, les fans se sont retrouvés dans une zone grise, incertains de l’identité réelle de l’auteur principal de certains standards intemporels. Aujourd’hui, une méthode scientifique, inspirée des sciences exactes et de la stylométrie littéraire, vient bouleverser le mythe : en mobilisant les mathématiques et l’analyse statistique appliquées aux partitions, chercheurs et universitaires parviennent à distinguer, avec une précision surprenante, la “signature musicale” de chacun des deux compositeurs.

Sommaire

Les mythes et les réalités derrière la signature Lennon/McCartney

Les Beatles ont bâti leur succès sur une équation aussi simple qu’explosive : mêler des mélodies inoubliables à une créativité débridée, le tout porté par la personnalité forte de quatre musiciens en pleine effervescence artistique. Parmi eux, John Lennon et Paul McCartney forment l’axe central de la composition. On attribue souvent à John Lennon le côté plus introspectif, brut et parfois mélancolique, tandis que Paul McCartney serait le champion de la mélodie raffinée et des ambiances lumineuses. Cette lecture simplifiée du duo se vérifie sur de nombreux titres : “Strawberry Fields Forever” est pratiquement un étendard du style lennonien, profondément introspectif, tandis que “Penny Lane“, pétri d’images et de détails pittoresques, incarne magnifiquement l’univers mélodique et poétique de McCartney.

Cependant, tous les titres des Beatles ne se laissent pas catégoriser avec autant d’aisance. Certaines chansons ont alimenté les disputes entre les deux auteurs, parfois relayées des années plus tard dans des interviews ou des biographies. Sur des morceaux comme “In My Life” ou “Eleanor Rigby“, la paternité de la mélodie, des accords ou de tel passage harmonique a régulièrement fait couler de l’encre. Bien que leurs souvenirs respectifs divergent, la signature “Lennon/McCartney” apposée sur les albums reste le symbole d’une création commune, brouillant volontairement les pistes. Face à ces incertitudes, un nouveau champ de recherche tente d’établir des faits objectifs, chiffrés, et reproductibles, afin de lever le voile sur l’identité réelle de leurs créateurs.

Quand la stylométrie devient juge musical : l’émergence de l’analyse statistique

La stylométrie n’est pas un concept nouveau. Née dans le domaine littéraire, cette méthode consiste à décortiquer l’écriture d’un texte en un ensemble de variables mesurables – fréquence de mots, récurrence de tournures, etc. Appliquée à la musique, il s’agit d’examiner la fréquence des accords, les motifs mélodiques, les enchaînements harmonieux et les variations de hauteur des notes. C’est précisément cette idée qu’ont eue des chercheurs comme Mark Glickman (statisticien à Harvard) et Jason Brown (mathématicien à l’université Dalhousie). Leur intuition : si la stylométrie permet de distinguer Shakespeare de ses contemporains, pourquoi ne pas l’appliquer aux Beatles ?

Pour ce faire, ils ont sélectionné un corpus de 70 chansons enregistrées entre 1962 et 1966, une période clé pour l’évolution musicale du groupe. Ils ont répertorié pas moins de 149 critères précis : fréquence des accords, complexité des motifs mélodiques, amplitude des intervalles, récurrences rythmiques, etc. L’objectif : capturer la “grammaire musicale” propre à John Lennon et à Paul McCartney, tout comme un linguiste isolerait les caractéristiques d’un dialecte. Ainsi, l’analyse statistique appliquée aux compositions permet de dégager une empreinte sonore propre à chacun des deux musiciens, mettant en lumière leurs préférences mélodiques, leurs choix harmoniques et leurs schémas de composition récurrents.

Démêler les fils d’une œuvre commune : les premiers résultats

L’un des cas les plus célèbres concerne “In My Life“, figurant sur l’album Rubber Soul (1965). Au fil des décennies, John Lennon a affirmé en être le principal auteur, paroles et musique comprises, tandis que Paul McCartney a souvent soutenu avoir imaginé la mélodie. Cette chanson emblématique a fait l’objet de débats passionnés. L’analyse statistique a toutefois livré un verdict clair : il existerait une probabilité de 98 % que “In My Life” porte la signature musicale de Lennon. Ce chiffre, quasiment sans appel, permet de trancher un mystère vieux de plusieurs décennies.

D’autres surprises émergent de ces recherches. Par exemple, des sections de “Michelle” et de “And I Love Her“, majoritairement attribuées à McCartney, présentent ponctuellement des caractéristiques plus proches du style lennonien. Inversement, “The Word“, souvent considérée comme une collaboration exemplaire entre les deux hommes, afficherait une empreinte plus proche de McCartney. Ces découvertes révèlent que les frontières entre les styles des deux compositeurs ne sont pas toujours étanches, et qu’il a pu exister des zones d’influence réciproque, conscientes ou non.

Une méthode qui s’étend au-delà des Beatles

L’approche stylométrique ne se limite pas au plus célèbre groupe de Liverpool. Les outils conceptuels et les méthodes d’analyse statistique développées par Glickman et Brown peuvent s’appliquer à d’autres formations, d’autres époques et d’autres genres musicaux. Par exemple, on pourrait les utiliser pour étudier le répertoire des Rolling Stones, afin de distinguer la part de chacun dans le tandem Jagger/Richards. On pourrait également les mobiliser pour retracer l’évolution stylistique d’un artiste sur toute sa carrière, ou encore pour étudier les emprunts entre différents genres musicaux.

Les chercheurs restent toutefois prudents. Un compositeur peut volontairement ou inconsciemment imiter le style de son collaborateur, cherchant à s’approprier certaines techniques d’écriture ou, au contraire, à explorer d’autres registres. Ces imitations rendent l’interprétation des données plus complexe. Malgré tout, la mise en évidence d’une “grammaire musicale” demeure une avancée significative, permettant de mieux comprendre les processus créatifs à l’œuvre au cœur même des compositions.

L’héritage immatériel d’une quête artistique commune

En fin de compte, savoir avec précision qui a posé le premier accord ou imaginé la première ébauche d’une mélodie ne changera pas fondamentalement la manière dont nous apprécions les chansons des Beatles. Leur univers sonore, leur impact culturel et l’émotion qu’ils suscitent demeurent intacts. Ces analyses n’en demeurent pas moins fascinantes, car elles offrent un éclairage inédit sur les rouages internes d’un tandem créatif hors norme, permettant de se glisser au plus près de la source même de leur inspiration.

La science, en dévoilant quelques mystères sur la genèse de ces chefs-d’œuvre, ne brise pas la magie. Au contraire, elle contribue à enrichir notre compréhension de la chimie singulière entre John Lennon et Paul McCartney, deux artistes dont la complémentarité a façonné la bande-son d’une génération. Et si les mathématiques et la stylométrie nous aident à mieux cerner les contours de leur contribution respective, elles ne pourront jamais altérer la puissance émotionnelle de ces chansons, ni la place qu’elles occupent dans l’imaginaire collectif. Les Beatles resteront les Beatles, et leurs mélodies, peu importe leur auteur exact, continueront de vivre, de vibrer et de résonner à travers le temps.


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