« GPS » de Lucie Rico

« Tu marches un moment dans la foule. Les gens arrivent à avancer en criant : « Non au plan de licenciement. » Ça t’impressionne. Tu cries avec eux : « Non à la réalité. »

« GPS » de Lucie Rico est ce genre d’objet littéraire un peu loufoque à la française tel que Sophie Divry, Yasmina Reza ou Fabcaro savent en produire (j’attends de découvrir Philibert Humm et Paul de Saint-Bris qui m’ont l’air de faire partie du club).

Son sujet est quelque peu surréaliste. Ariane est une journaliste au chômage, spécialisée en faits divers. Elle accepte à contrecœur de se décloîtrer de son appartement parisien pour assister aux fiançailles de Sandrine, sa meilleure amie. Cette dernière lui fait un partage de sa localisation GPS pour être sûre qu’elle arrive bien à destination. Le lendemain, la fiancée est introuvable mais le partage de localisation est toujours actif sur le portable d’Ariane et le point rouge représentant Sandrine se balade sur l’écran… Désormais notre narratrice suit son amie par écran interposé, quadrillant l’espace en deux dimensions de l’application de géo-localisation, tellement plus rassurant et ordonné que l’espace réel qui lui fait si peur.

La forme est originale : rédigée à la deuxième personne du singulier comme une prise à partie comique de la narratrice par elle-même, elle permet d’entrer dans l’intériorité d’Ariane dont la raison semble divaguer au fil des déambulations du point GPS, seul lien la reliant au monde extérieur (voyez la ref, le fil d’Ariane, etc). Avouerais-je que ça m’a parfois fait penser aux chroniques hilarantes de Sophie Hénaff dans le magazine féminin Cosmopolitan des années 2000 (oui il m’arrivait de lire Cosmopolitan à l’époque. On y trouvait des pépites !)

Habile satire de notre dépendance aux outils technologiques, ce court roman ouvre des pistes de réflexion fascinantes sur la façon dont ceux-ci façonnent notre appréhension du réel. C’est d’ailleurs ce roman qui m’a permis de découvrir la fonction time machine de Google street view. Mais c’est aussi une ode émouvante aux grandes amitiés de jeunesse.

Bref, un ton très drôle sur des sujets qui le sont moins, une lecture à la fois légère et profonde que j’avais piquée il y a longtemps chez Cléanthe, je recommande !

« GPS » de Lucie Rico, Folio, 2024, 208 p.

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