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« Wonderful Christmastime » : l’étrange cadeau de Noël né de l’arrestation de McCartney au Japon

Publié le 17 décembre 2024 par John Lenmac @yellowsubnet

Il n’existe peut-être pas de chanson de Noël plus clivante que « Wonderful Christmastime » de Paul McCartney. Pour certains, c’est un incontournable des fêtes, synonyme de magie et de retrouvailles. Pour d’autres, elle est devenue la hantise des bacs de disques et des playlists saisonnières, déclenchant des réactions épidermiques chaque fois que ses premières notes résonnent en décembre. Pourtant, au-delà des querelles esthétiques, « Wonderful Christmastime » fait partie intégrante de l’héritage de McCartney, rappelant une période charnière de sa carrière solo – une époque marquée par l’expérimentation, mais aussi par un épisode judiciaire inattendu qui influa indirectement sur le destin du morceau.

Sommaire

Une chanson que McCartney n’avait pas prévue d’écrire

À l’aube des années 1980, Paul McCartney aurait pu se laisser porter par le confort de sa gloire passée. Après une décennie de succès planétaires avec les Beatles, puis avec les Wings, il jouit d’un statut d’icône, mais il se trouve dans une zone de turbulence. Au tournant des années 70-80, il s’interroge sur son futur créatif. C’est dans ce contexte qu’il se retrouve brutalement arrêté à l’aéroport international Narita de Tokyo, en janvier 1980, pour possession de cannabis. Cette arrestation est un coup dur : McCartney passera plus d’une semaine en détention au Japon. Sa tournée asiatique avec les Wings est immédiatement annulée, plongeant l’avenir du groupe dans l’incertitude. Cette mésaventure, bien que peu festive, va pourtant influer indirectement sur la naissance d’une des chansons de Noël les plus connues de l’époque moderne.

À son retour forcé en Angleterre, McCartney n’a plus le cœur à continuer comme avant. Il commence à esquisser ce qui deviendra McCartney II, son second album solo, loin de la dynamique de groupe des Wings, et bien entendu éloigné de ses anciens camarades Beatles. Cet album, publié en 1980, fait table rase des schémas classiques : McCartney s’y autorise des explorations sonores, joue avec des synthétiseurs, lorgnant vers la new wave et la synthpop. C’est un tournant, une volonté d’évoluer avec son temps, de ne pas s’enfermer dans le passé.

« Wonderful Christmastime » : légèreté festive née d’un moment de trouble

C’est au cours de ces sessions de création, à la fin des années 1970, que McCartney a l’idée de composer une chanson de Noël. Loin de l’ambition d’un manifeste politique ou social – comme l’a fait Lennon avec « Merry Xmas (War Is Over) » –, McCartney opte pour une simplicité assumée. « Wonderful Christmastime » sort en novembre 1979, soit avant la parution de McCartney II, et surprend par sa naïveté. Ici, pas de message engagé, juste une évocation guillerette de chœurs d’enfants, de fêtes joyeuses, d’une atmosphère chaleureuse autour du sapin. Sur le plan musical, la chanson repose largement sur les synthétiseurs, un choix cohérent avec le tournant expérimental que McCartney prend à cette époque, mais qui la rend à la fois kitsch et reconnaissable entre mille.

L’ironie veut qu’une telle simplicité festive soit née dans le sillage d’une arrestation pour détention de drogue, épisode pas franchement conforme à l’esprit enfantin de Noël. Mais, dans un sens, c’est peut-être cette secousse dans la vie de McCartney qui l’a poussé à embrasser un projet plus léger, moins stressant. Ce morceau, qui s’éloigne des ambitions poétiques ou avant-gardistes que l’on pourrait attendre de lui, se veut un “ver d’oreille” avant tout, sans prétention lyrique. Il est d’ailleurs le deuxième single que McCartney écrit totalement seul, sans l’apport de Linda ou des Wings, affirmant ainsi son autonomie en tant que créateur solitaire.

Un accueil ambivalent et un succès durable

À sa sortie, « Wonderful Christmastime » n’atteint pas de sommets exceptionnels dans les charts, mais parvient tout de même à se glisser dans le Top 10 britannique, grimpant jusqu’à la sixième place. Loin d’être un triomphe commercial à la hauteur des anciens standards de McCartney, elle s’impose néanmoins avec le temps. Année après année, quand arrivent les fêtes, la chanson ressurgit, diffusée dans les magasins, sur les ondes, dans les playlists festives. Elle est devenue un symbole de la saison, à l’instar de nombreux autres standards de Noël. Et, comme souvent pour les chansons de Noël, c’est sa répétition et sa longévité qui forgent son statut, plus que son impact initial.

Cette omniprésence finit par rendre « Wonderful Christmastime » controversée. Certains louent son insouciance, sa simplicité, son caractère festif et amical. D’autres la trouvent terriblement ringarde, manquant de la profondeur et du génie mélodique auxquels McCartney les avait habitués. Pourtant, l’objectif n’était pas de rivaliser avec « Yesterday » ou de proposer un chef-d’œuvre lyrique : McCartney a toujours assumé que cette chanson était un simple plaisir saisonnier.

Une contradiction assumée : légèreté et contexte difficile

Ce décalage entre la genèse du morceau et son ambiance joyeuse constitue une curiosité historique. Alors que McCartney vivait un moment de doute et de remise en question après son arrestation à Tokyo, il a choisi de composer une chanson qui incarne l’opposé de ces tourments : une célébration festive, loin des polémiques, des contraintes, du sérieux. Au lieu d’une catharsis sombre, il livre une bulle d’insouciance. On peut y voir une forme de résilience artistique : face à la difficulté, McCartney opte pour l’évasion musicale la plus candide.

À l’image de McCartney II, qui marque un tournant dans son esthétique, « Wonderful Christmastime » s’inscrit dans un moment de transition dans la carrière du musicien. Le contexte – la fin des Wings, la parenthèse solitaire, les expériences synthétiques – explique la nature un peu déroutante de cette composition de fin d’année. Le fait qu’elle ait perduré dans les mémoires, qu’elle soit toujours diffusée chaque Noël, rappelle la capacité unique de McCartney à composer des mélodies simples et efficaces, même lorsque la situation ne s’y prête pas.

La nostalgie perdure, peu importe les polémiques

Aujourd’hui, plus de quarante ans après, « Wonderful Christmastime » continue de diviser. Certains ne peuvent s’imaginer un Noël sans ce refrain synth-pop un peu sirupeux, tandis que d’autres grincent des dents à la simple évocation de cette rengaine. Mais la chanson a bel et bien trouvé sa place dans le répertoire des fêtes, côtoyant des standards anglo-saxons plus anciens. C’est l’une des rares compositions de McCartney qui, chaque année, retrouve une visibilité dans les charts, confirmant son statut de classique saisonnier.

En fin de compte, « Wonderful Christmastime » n’est pas un grand texte pacifiste comme « Happy Xmas (War Is Over) » de Lennon, ni un exploit mélodique à la hauteur des classiques Beatles. Cependant, elle représente un moment précis dans la carrière de McCartney, une lueur colorée et insouciante dans un contexte personnel troublé. Son existence prouve qu’une chanson, même sans ambition démesurée, peut traverser les décennies, servir de décor sonore à des milliers de réveillons, et s’inscrire durablement dans la bande-son collective de nos hivers.


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