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Paul McCartney et son hommage émouvant à John Lennon dans “Desert Island Discs”

Publié le 27 décembre 2024 par John Lenmac @yellowsubnet

La relation entre Paul McCartney et John Lennon, au cœur de l’aventure des Beatles, ressemble à s’y méprendre à une histoire d’amour de jeunesse. Les deux hommes se sont rencontrés à l’adolescence, à Liverpool, alors qu’ils n’avaient pour tout bagage que leurs guitares et leur passion naissante pour le rock’n’roll. Rapidement, leur amitié va servir de fondation solide pour l’un des groupes les plus influents de l’histoire de la musique, devenant le tandem créatif Lennon-McCartney. Une entité qui signera, entre autres, quelques-uns des plus grands classiques du XXe siècle.

Pourtant, à l’image de nombreux jeunes couples, leur lien ne pouvait rester indéfectible à mesure que grandissaient leurs aspirations personnelles. Les divergences artistiques, les égos et la pression d’une célébrité mondiale finissent par éroder cette complicité hors norme. Après la dissolution des Beatles, le ressentiment qu’ils éprouvaient l’un envers l’autre finit toutefois par s’apaiser, et John comme Paul renouent une amitié plus intime, loin des projecteurs de la scène pop. Malheureusement, cette phase de réconciliation sera brutalement interrompue par l’assassinat de John Lennon, devant le Dakota Building à New York, le 8 décembre 1980.

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L’hommage discret mais sincère de McCartney

Après la mort de Lennon, Paul McCartney choisit, par respect et par douleur, d’évoquer très rarement les moments de tension qui ont pu exister au sein des Beatles. Devenu lui-même une figure incontournable de la musique, Macca préfère honorer la mémoire de son partenaire, évitant toute polémique publique ou évocation trop négative.

C’est dans cet état d’esprit qu’il participe, en 1982, à l’émission Desert Island Discs de la BBC. Cette émission-phare, qui est une véritable institution au Royaume-Uni, invite des personnalités de tous horizons à choisir huit disques qu’ils emporteraient sur une île déserte, ainsi qu’un livre et un objet de leur choix. Deux ans seulement après la tragédie qui a emporté son ami, McCartney évoque alors librement son parcours musical et, dans une atmosphère teintée de nostalgie, raconte ses souvenirs, de leurs débuts à Liverpool sous le nom des Quarrymen jusqu’au succès planétaire des Beatles.

Un parcours émaillé de confidences

Durant l’émission, Paul se montre particulièrement candide. Il évoque ses influences de jeunesse, la scène de rock and roll qui vibrait à Liverpool, et la formation progressive du groupe phare des années 1960 : des Quarrymen à Johnny and The Moondogs, puis les Silver Beetles, pour finalement devenir les Beatles. Il décrit ces années formatrices comme un match local qu’il raconterait à un proche : une suite de rencontres fortuites, de concerts improvisés et de fougue créative qui ont conduit, presque par miracle, à la naissance de l’un des groupes les plus célèbres de l’histoire.

L’ambiance nostalgique s’épaissit à mesure que McCartney se rapproche de ses sélections musicales. Il précise au passage ne pas avoir choisi de chansons des Beatles, faute de place – l’émission n’en autorisant que huit –, et qu’il n’a pas non plus retenu de titre provenant de son propre répertoire, préférant mettre en avant d’autres compositions qui ont jalonné son cheminement et son épanouissement personnel.

La cinquième sélection de Macca : « Beautiful Boy »

C’est au moment de révéler sa cinquième sélection que le musicien surprend et émeut tout le monde. Alors qu’on pourrait s’attendre à un standard du rock ou à un classique issu de l’âge d’or de la pop britannique, Paul McCartney choisit « Beautiful Boy (Darling Boy) », chanson de John Lennon tirée de l’album Double Fantasy (1980). Le choix est doublement symbolique : il rend hommage à son partenaire de toujours, tragiquement disparu deux ans plus tôt, et révèle en même temps sa profonde admiration pour la maturité émotionnelle dont Lennon faisait preuve dans cette œuvre.

Le contexte de « Beautiful Boy »

« Beautiful Boy » est l’une des chansons les plus intimes et les plus personnelles de John Lennon. Elle est dédiée à son fils, Sean Ono Lennon, né en 1975 de sa relation avec Yoko Ono. Après les tumultes de la fin des années Beatles, puis la période de militantisme et de “Bed-Ins” pour la paix, Lennon choisit volontairement de mettre sa carrière musicale entre parenthèses pour s’occuper de Sean durant ses premières années de vie. La chanson reflète cette nouvelle priorité : être père, transmettre de l’amour, et s’émerveiller du bonheur simple d’éduquer un enfant.

Loin de l’attitude rebelle et révolutionnaire qu’on lui connaissait dans les années 1960, Lennon se décrit comme un homme apaisé, focalisé sur le rôle le plus gratifiant selon lui : veiller au bien-être de son fils. Dans plusieurs interviews, il confesse même considérer Sean comme sa plus grande fierté, à l’origine d’une joie jamais égalée. « Beautiful Boy » célèbre cette douceur et cette quiétude retrouvée, offrant un point de vue délicat sur ce nouveau chapitre de sa vie.

La portée émotive du choix de McCartney

Lorsque Paul McCartney déclare à l’antenne de Desert Island Discs : « Pour résumer le tout, j’ai choisi une chanson de John Lennon, Double Fantasy, qui est une très belle chanson, très émouvante pour moi. J’aimerais donc résumer le tout en jouant “Beautiful Boy” », il rend hommage à l’ami et au père. En sélectionnant ce morceau parmi ses huit disques, il affirme à quel point la sensibilité de Lennon pouvait toucher son cœur. Contrairement à la période Beatles, où les deux compositeurs se stimulaient et se défiaient souvent, on sent ici la nostalgie d’une fraternité créative.

C’est aussi une manière implicite de prolonger l’héritage de John, décédé bien trop tôt, en saluant l’artiste qu’il était devenu. McCartney souligne ainsi combien les dernières œuvres de Lennon – plus douces, plus intimes, plus tournées vers la famille – étaient tout autant révolutionnaires que leurs premières aventures musicales. Il convient également de rappeler que Sean n’avait que cinq ans au moment de l’assassinat de son père. Par ce choix, Paul McCartney s’adresse discrètement à Sean, reconnaissant la perte immense qu’il représente de grandir sans la présence de John, tout en préservant la flamme de son héritage.

Une amitié qui résonne au-delà de la tragédie

En fin de compte, la sélection de « Beautiful Boy » par Paul McCartney lors de cette émission radiophonique prouve que, malgré les brouilles et les tensions inévitables d’une relation très médiatisée, l’amitié profonde entre Lennon et McCartney n’a jamais vraiment disparu. Ils s’étaient retrouvés, plus sages, moins préoccupés par la gloire, souhaitant simplement redevenir John et Paul, loin de la pression du tandem Lennon-McCartney qui pesait sur leurs épaules.

Ce choix, réalisé seulement deux ans après la disparition de Lennon, témoigne de la douleur encore vive de McCartney, mais aussi de sa volonté d’honorer la mémoire d’un ami, d’un frère d’armes et d’un père aimant. Plus largement, il illustre la complexité et la grandeur d’une relation unique dans l’histoire de la musique populaire, relation qui a modifié en profondeur le visage de la pop et du rock, et dont l’écho continue de résonner des décennies plus tard.

Écouter pour comprendre

Pour ceux qui le souhaitent, il est possible de réécouter l’intégralité de l’épisode Desert Island Discs de 1982, au cours duquel Paul McCartney dévoile ses huit chansons indispensables et raconte, avec la douce ironie qu’on lui connaît, ses souvenirs de Liverpool et des Beatles. On y ressent toute la tendresse que Macca voue encore à Lennon, et la sincérité de ses mots lorsqu’il présente « Beautiful Boy ». Cette chanson, l’une des plus émouvantes de John, apparaît alors comme un lien indéfectible entre deux êtres qui, malgré les tumultes, ont toujours su faire de la musique le plus beau langage de l’amitié.


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