Le rêve du jaguar : Un voyage dans l’Histoire du Venezuela

Miguel Bonnefoy peint une fresque touffue dans un récit plusieurs fois primé. Le rêve du jaguar retrace la vie étonnante des ancêtres de l'auteur. Antonio Borjas Romero est abandonné à sa naissance dans une boîte, sur le parvis d'une église de Maracaibo, au Venezuela. Il est recueilli par une vieille femme muette qui prend soin de lui jusqu'à ce qu'il quitte la maison pour gagner sa vie. Un enchaînement improbable de métiers et de rencontres le mènera jusqu'à l'université, où il deviendra un chirurgien illustre et admiré de tous au point où une rue de la ville sera nommée en son honneur. Antonio épousera Ana Maria Rodriguez, la première femme médecin du Venezuela. Ensemble, ils mèneront des actions révolutionnaires pour renverser le dictateur Juan Vicente Gómez. Ils auront une fille qu'ils prénommeront Venezuela, témoignant ainsi de leur amour du pays, et un petit-fils, Cristóbal, qui écrira l'histoire que nous venons de lire.

Ce bref résumé rend bien peu justice à ce livre foisonnant de personnages et de péripéties et qui intègre de grands pans de l'histoire du Venezuela. Bien que tracé d'une plume ne s'embarrassant pas toujours de réalisme (dans un réalisme merveilleux cher à plusieurs auteurs sud-américains), ce récit est basé sur des faits étayés de différentes sources documentaires. Résultat : un récit étourdissant porté par une écriture somptueuse, mais qui suscite peu d'émotions. Il plaira particulièrement à ceux qui s'intéressent à l'histoire du Venezuela et à la littérature sud-américaine.

Extrait

Elle n'aurait jamais imaginé que ce garçon dont elle ignorait le nom, ce garçon plus âgé qu'elle et issu des entrailles de la pauvreté, plus remarquable par la douceur de ses yeux que par son visage de conquérant, lui poserait demain sur les genoux un cahier rempli d'histoires d'amour et lui proposerait de l'accompagner dans les montagnes houleuses du désir, dans un pays où l'on meurt enlacés. Elle ne se doutait pas qu'il serait présent dans ses combats les plus intimes, que leurs noms seraient à tout jamais placés côte à côte sur les portiques de la médecine vénézuélienne, que ce jeune homme qui lui semblait grossier et effronté serait aussi celui qui lui offrirait les plus grands instants de tendresse, dans les heures noires, quand Ana Maria, seule et fatiguée, déciderait de ne plus livrer ses batailles. Mais tout ceci adviendrait bien plus tard. À cette heure, Ana Maria n'aurait gardé qu'un très vague souvenir d'Antonio si un événement secondaire n'était venu projeter son destin contre le sien. (p. 104)

Ce livre a obtenu le prix Femina 2024 et le Grand prix du roman de l'Académie française.

Pour plus de détails, consultez ce segment de Pénélope, un article du Devoir ou du Journal de Montréal.

Miguel Bonnefoy, Le rêve du jaguar, Rivages, 2024, 295 pages