
Critique de Pixel, de Mourad Merzouki, Adrien Mondot & Claire Bardainne, et Armand Amar, vu le 2 janvier 2024 au 13e Art
Avec la compagnie Käfig, dirigée par Mourad Merzouki
Pixel fait partie de ces spectacles que j’aurais pu conseiller sans le voir. C’est un spectacle que je savais que j’allais aimer. C’est un peu de la triche, mais que voulez-vous, c’est ainsi. Mais le truc chouette, c’est que j’ai beau être en confiance, je ne sais pas vraiment où je vais tomber. Mieux : je ne peux pas deviner où je vais tomber. Parce que je n’ai jamais vu le travail de Mourad Merzouki ni d’Adrien M et Claire B, parce que je n’ai pas voulu me renseigner outre mesure pour garder la surprise, parce que le monde de la danse et de l’art numérique m’est complètement inconnu. Bref, j’entre dans les meilleures dispositions possibles : j’ai hâte, et je ne sais rien.
Je crois de toute façon qu’il aurait été difficile de deviner avant de voir. Et que je vais avoir du mal à raconter. Est-ce qu’on explique un tour de magie ? Jusqu’où on analyse une poésie ? Pixel prend tour a tour des allures de jeux vidéo, de conte pour enfant, de piste enneigée. On pourrait parler de hip hop, de cirque, de numérique et d’effets 3D, mais ce serait avant d’avoir vu le spectacle. Après, plus question de les différencier. Ce qu’ils inventent, c’est une nouvelle dimension.
© Patrick Berger / ArtComArtLà, c’est le moment où on va avoir un peu l’air bête. Parce qu’on va essayer de décrire ce qu’on a vu mais ce qu’on a vu ne s’explique pas. Ce ne sont que des impressions. Quand le langage vient du corps, et l’intonation du numérique, le cerveau essaie d’abord de ramener à ce qu’il connaît. Alors on voit. On voit la buée, on voit la pluie, on voit le vent, on voit la mer. On voit une onde qui se propage. Et cette onde se propage tellement, dans les corps des danseurs, sur le plateau, dans les airs, dans nos yeux, que la voilà en nous.
Et c’est à ce moment, peut-être, qu’on arrête d’analyser. Jusque-là, le cerveau essayait de comprendre. De traduire. De mettre des mots sur ce que l’image évoquait en nous. Mais on perd, en faisant ça. Il y a trop de dimensions. Il y a trop de promesses au mètre carré. Ce semblant de distorsion de l’espace nous trompe et on le sait, à quoi bon lutter ? Il faut lâcher prise. Se laisser emporter par le mouvement, les couleurs, les lumières et la musique. Intellectualiser rapetisse l’image. Soudain, on n’a envie de ne parler plus que vibration. Soudain, les mots se taisent, et on se laisse envahir par la beauté.
Je comprends pourquoi on nous dit de ne pas rester trop sur les écrans. Complètement hypnotique, ce Pixel.