Et bonne année 2025 🎊
Que retenir de 2024 au cinéma ? Après la retombée de l'énorme phénomène Barbenheimer de l'an dernier, il est vrai que cette année a été plus calme, et a manqué, peut-être, d'un ou plusieurs films-évènements aussi marquants. Il faut dire que 2024 s'est voulue marquante autrement, en France et ailleurs, par son contexte sociopolitique et un été fortement accaparé par le triomphe des JO de Paris, qui ont laissé - à leur corps défendant - peu de place au reste du monde culturel.
Les grandes attentes qui auraient pu prétendre au titre ont été loin de livrer toutes leurs promesses. On pense entre autres à Joker : Folie à Deux, véritable opération d'auto-sabotage magistrale ; ou à l'immensément anticipé Megalopolis de Francis Ford Coppola qui part dans tous les sens sauf, semble-t-il, le bon. Qu'à cela ne tienne, ça aura ainsi laissé plus de place à d'autres films moins attendus au tournant, qui se sont faufilés entre les mailles et ont fait de très belles découvertes tout au long de l'année.
Mon bilan de 2024 atteint donc 95 films, dont 32 sortis cette année en France et un nouveau record de 50 (!) séances de cinémas, indéniablement boostés par ma présence assidue à mes deux festivals préférés : Cinéma du Réel en mars avec 13 séances, dont la géniale rétrospective de James Benning ( Ruhr, The United States of America, 13 Lakes) ; puis le Festival International du Film d'Amiens en novembre avec 13 séances également avec une compétition internationale très riche, soutenue par les très beaux Cu Li Never Cries ou Kyuka - Before Summer's End. On retiendra d'autres séances notables comme la projection de l'extraordinaire Les Chaussons Rouges à la Cinémathèque Française en présence de la non-moins remarquable Thelma Schoonmaker (monteuse attitrée de Scorsese), Notre-Dame de Paris en ciné-concert ou la projection sur pellicule des très rares Songs du cinéaste expérimental Stan Brakhage au Centre Pompidou.
C'est devenu une tradition ici, voici donc mon double programme annuel ! Une sélection de paires de films nouveaux et anciens, réunis par le hasard des visionnages et la sérendipité de fils rouges, avec pour seul critère déterminant le fait d'avoir été découverts pour la toute première fois en 2024. C'est parti mon Billy, suivons le flot, défions la gravité et replongeons dans une folle année cinématographique. OooooOoOooOOO~ ♫
FLOW (2024) & LE BALLON ROUGE (1956)
LE ROBOT SAUVAGE (2024) & L'INDOMPTABLE FEU DU PRINTEMPS (2019)
SOUNTRACK TO A COUP D'ETAT (2025*) & BORN IN FLAMES (1983)
* Compté pour 2024 car vu en festival, Soundtrack to a Coup d'Etat sortira officiellement en 2025 en France.
DAHOMEY (2024) & NATIONAL GALLERY (2014)
Dans Dahomey, Mati Diop file la métaphore de son grandiose Atlantique, celle de peuples africains aux destins perdus, pour qui le mystique est une réalité tangible. Sa dernière œuvre accompagne le retour d'œuvres béninoises pillées pendant l'époque coloniale dans leur pays d'origine, et interroge le rapport de la société à elles. Dans National Gallery, Frederick Wiseman ausculte le sens d'un musée contemporain et sa place dans le monde qui l'entoure, parcourant les salles au fur et à mesure qu'elles s'animent sous le regard des employés, guides et visiteurs. Avec une même force d'image et de montage, ces deux immenses documentaires définissent l'art, non comme un objet statique et objectif, mais au contraire vivant et intimement lié à sa société.
LA ZONE D'INTÉRÊT (2024) & OCCUPIED CITY (2024)
HERE (2024) & A GHOST STORY (2017)
Here et A Ghost Story étirent leur temporalité à l'échelle d'un seul et unique lieu - une maison ordinaire américaine - dont ils explorent l'histoire et les habitants d'un passé lointain à un futur plus ou moins proche. Tous deux se concentrent surtout sur un couple, à travers l'histoire duquel se tisse un récit d'amour et de perte. À ceci près que l'un d'entre eux est mal exécuté et malhonnête, prétendant trouver un réconfort dans une maison que les personnages passent pourtant l'entièreté du film à détester et vouloir quitter. L'autre au contraire se déploie tout en délicatesse, avec une grande retenue et transcendant son économie de moyen pour convoquer une image de cinéma indélébile. Le premier est une vision d'horreur ressurgie du passé à l'aide d'effets visuels franchement douteux. Le second est A Ghost Story.
BREATHLESS (2024) & RUHR (2009)
Breathless et Ruhr tutoient les extrêmes du cinéma de James Benning, cinéaste paysagiste qui s'est rendu maître du plan fixe et de la longue durée. Et si en apparence, l'unique plan fixe d'une heure et demie du premier semble côtoyer le plan final d'une heure du second, un monde les sépare. Breathless frustre et languit, là où Ruhr captive et immerge. Pourquoi une image, aussi longue qu'elle soit, parle-t-elle et pas l'autre ? Peut-être est-ce une histoire de lumière, d'atmosphère, de cadre. Peut-être est-ce simplement une merveilleuse histoire du temps, le temps du cinéma.
GASOLINE RAINBOW (2024) & ROUTE ONE/USA (1989)
C'est l'histoire de deux road-trips à travers les contrées désœuvrées des États-Unis. L'un (Gasoline Rainbow) se vit d'est en ouest vers la côte Pacifique aux côtés d'une bande d'ados enivrés de l'insouciance de la jeunesse. L'autre longe la route nationale nord-sud qui relie le Maine à la pointe de la Floride, sur les pas d'un vrai-faux docteur philosophe aux airs d'ermite moderne. Visions impressionnistes d'une certaine Amérique que dépeignait aussi , ces deux œuvres ni tout à fait fictives ni tout à fait documentaires valent surtout pour l'éternelle richesse des rencontres fortuites faites en chemin, et des dizaines de visages qui s'en font les personnages, le temps d'un film.
KYUKA - BEFORE SUMMER'S END (2024) & PERFECT DAYS (2023)
PAUVRES CRÉATURES (2024) & LA PASSION DE JEANNE D'ARC (1928)
WICKED (2024) & LES CHAUSSONS ROUGES (1948)
Bouquet final pour clôturer cet article ? Les Chaussons Rouges et Wicked existent à des pôles opposés du monde du cinéma. L'un, un film de prestige réalisé au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, tout droit sorti de l'imaginaire du duo légendaire Powell & Pressburger, un pilier du panthéon cinématographique britannique. L'autre, un blockbuster moderne dans toute son extravagance, festival populaire grand public haut en couleurs. Mais tous deux ont pour eux une même volonté de faire du cinéma un spectacle total, de l'image à la musique et la danse, et livrent un grand moment de cinéma. Leur graine germe d'ailleurs d'une même paire de souliers rouges, laissée quelque part... over the rainbow !
Je le dis chaque année et le répète encore, merci à tous mes lecteurs fidèles ou de passage, qui continuent de me motiver à partager ma passion et mes réflexions. Sur ce, excellente et cinéphile année 2025, et à bientôt, comme toujours, au 7ème Café bien sûr !
- Arthur
