
Après un passage par le drame historique, Mike Leigh, 81 ans, revient au temps présent avec Hard Truths ( en version sous-titrée en français), un drame familial campé dans le milieu ouvrier londonien.
D'habitude réservée aux rôles de soutien ( RoboCop de José Padilha, 2014 ; The Book of Clarence de Jeymes Samuel, 2023), la comédienne anglaise Marianne Jean-Baptiste, déjà dirigée par Leigh dans Secrets & Lies en 1996, tient ici le rôle de Pansy Deacon, une cinquantenaire afro-descendante rongée par une profonde dépression.
Hypocondriaque, mal lunée du matin au soir, Pansy ne sourit jamais, n'a goût à rien et ne perd pas une occasion d'envoyer promener tous ceux qu'elle croise. À la maison, ce n'est pas mieux : elle ne supporte plus l'apathie de son mari plombier et se désole de voir son fils obèse sombrer dans l'oisiveté. Sa sœur, incarnée par Michele Austin (également présente dans Secrets & Lies), tente de lui remonter le moral, mais rien n'y fait.
Hard Truths est une œuvre austère et intense, mais surtout déstabilisante. Austère en raison de sa mise en scène minimaliste, intense par la manière dont elle aborde les troubles psychiques de sa protagoniste et illustre les conflits familiaux larvés, alourdis par un passé que l'on devine pesant. Fidèle à son style simple et efficace, Leigh propose un portrait qui se voudrait réaliste qui, pourtant, ne m'a convaincu que partiellement. La colère qui anime Pansy m'a semblé très écrite, parfois artificielle. Les mots sont souvent d'une grande dureté, et les réflexions sur la vie empreintes d'une amertume presque accablante.
Au final, les dialogues paraissent émaner davantage d'une frustration personnelle du cinéaste envers la société que d'une logique interne au récit. De plus, l'absence de réaction du mari de Pansy, qui encaisse sans broncher - y compris dans des situations où une confrontation aurait été naturelle - manque cruellement de vraisemblance.
Mais ce qui m'a le plus dérangé, c'est le manque de justification à la rage sourde qui anime Pansy. Ni le deuil qu'elle porte, ni les vieilles rancœurs envers sa sœur n'expliquent pleinement son agressivité permanente. Bref, en dehors d'un dénouement légèrement plus lumineux qui ouvre des perspectives heureuses pour le fils, Hard Truths offre peu d'échappatoire. C'est une œuvre éminemment théâtrale, difficile à supporter par moments, qui se démarque surtout pour les performances de ses deux comédiennes, Marianne Jean-Baptiste en tête. À la fois touchante et troublante, sa prestation est la véritable colonne vertébrale du film.
Sortie en salle au Québec: 24 janvier 2024 (Métropole Films)
Image d'en-tête: Tuwaine Barrett, David Webber et Marianne Jean-Baptiste dans Hard Truths de Mike Leigh - Courtesy of Simon Mein - Copyright Thin Man Films Ltd
