Ce récit à la première personne dresse le parcours faussement banal d’une femme née dans l’entre-deux guerre en Europe Centrale dans une famille juive. On y devine en filigrane l’histoire possible de la mère de l’autrice. La guerre, la déportation, Auschwitz, forment la trame de fond des premières années de cette biographie anonyme. Puis le quotidien du temps ordinaire s’installe avec les années qui s’écoulent. Les relations mère-fille deviennent le centre du récit. La vieillesse enfin dans une maison de retraite européenne. Une même vie, un même individu, dont toutes les dimensions sont condensées en ce seul roman.
On appréciera particulièrement la neutralité de ton tout au long du récit. Aucune recherche de sensationnel dans la narration des événements les plus inquiétants. La banalité de la Shoah, pourrait-on dire, se juxtapose à la banalité de la vie de famille, à la banalité d’une vieillesse en EHPAD. Cette mise à plat des événements sans effet de relief renforce la dimension profondément humaine de ce roman. Esther Orner offre une conscience du parcours intime de l’autre, celle ou celui que l’on croise chaque jour, à travers son discours en « je » et cette focale posée juste derrière son regard. Le lecteur est totalement immergé dans cette personnalité dont il devine plus qu’il ne découvre le parcours.
Autobiographie de Personne est un excellent roman, une plongée dans nos solitudes et interrogations contemporaines, non exemptes d’un passé qu’il nous faut encore apprendre à intégrer non pas comme une époque exceptionnelle, mais comme une partie intégrante de ce qui constitue l’anonyme dont nous croisons le regard dans une chambre d’EHPAD.
***
Autobiographie de Personne – Esther Orner
Metropolis, 2004, 160 p.
Première édition : 1999
Présentation sur le site de l’éditeur : https://www.editionsmetropolis.com/livre/autobiographie-de-personne/
En savoir plus sur Synchronicité et Sérendipité
Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.
Saisissez votre adresse e-mail…
