Les années précédentes je n’avais passé qu’une journée sur Wine Paris.Si quelques heures permettent de faire beaucoup de choses c’est insuffisant pour combiner les découvertes de nouveaux domaines, avec des entretiens avec ceux qu’on connait déjà (et dont je tiens à suivre les nouveautés), quelques discussions avec les amis et connaissances qui sont sur le salon eux aussi, d’assister à disons deux master-class, de participer à une dégustation collective et, comme si ce n’était pas déjà suffisant, d’accepter de se rendre aux soirées privées, ce qui est avouons-le, très agréable, et qui plus est instructif. Bien entendu en consommant avec modération.
Compte tenu de ces paramètres j’ai opté pour cette édition de venir chacun des trois jours, en programmant des temps de pause. Et je ne regrette pas, même si j’ai dû faire l’impasse sur des régions entières (comme l’Alsace à mon grand regret, mais j’ai longuement parlé de ses vins dans le passé) parce que Wine Paris est immense.
Je suis heureuse d'avoir pu participer à une master-class passionnante, dirigée par Victor Ulrich, directeur France Riedel intituléeL'expérience des verres de vin Riedel qui démontre combien le contenant est déterminant dans l'appréciation du breuvage.
Egalement cette autre,
sur l'association entre Comté et les vins du Jura animée par Philippe Troussard MOF 2015 Sommelier des Caudalies qui m'a fait regretter de ne pas connaitre davantage les vins de sa région. Je poursuivrai la découverte à la prochaine occasion.
Par contre je ne me suis pas attardée cette année dans l’espace Be Spirits parce qu’il faut faire des choix. J’ai néanmoins été voir qui était présent en matière de Tequila ou Mezcal puisque mes séjours réguliers au Mexique m’en apprennent chaque fois davantage sur l’alcool fait à partir de l’agave.De toute la gamme de Mezcal Sentir, créée en 2016 à Oaxaca, j'ai préféré le Tepeztate, très aromatique et bien équilibrée, avec des saveurs fruitées, florales et minéralesavant une finale légèrement huileuse avec des nuances de réglisse.
La 1800 serait la troisième tequila la plus vendue dans le monde, en toute logique puisqu’elle est produite par l’énorme groupe Jose Cuervo dont j'ai d'ailleurs visité les installations lorsque j'étais à Tequila. Sa couleur provient du temps de conservation en fûts de chêne américains et français. La Cristalino, limpide, a presque un goût sucré, évoquant la guimauve, peu commun pour cette boisson.Si je ne demande jamais combien vaut une bouteille avant dégustation (car je ne veux pas être influencée et ce n’est pas l’étiquette que j’achète mais le contenu) je suis de plus en plus sensible au juste prix. Quand un domaine travaille en bio, présente d’excellents vins et les commercialisent en dessous de 10 euros j’ai vraiment envie de le féliciter et de l’aider à se faire connaître. Je ne mentionnerai pas les prix mais j’en tiens compte.Sans entrer dans les détails on peut tout de même signaler que le raisin de champagne s’achète 7 à 8 euros le kilo et qu’il faut entre 1,2 et 1,5 kilo pour obtenir le volume d’une bouteille. Sans compter le prix de tout le travail et de l’emballage. Il est donc inimaginable d’acheter un champagne de qualité en-dessous d’un certain prix, d’où le succès des mousseux de type Proseco dont le raisin s’achète à 40 centimes le kilo.Je voudrais pointer quelque chose dont personne ne parle, à savoir l'importance de la relation qui s’établit (ou pas) avec celui qui présente le vin, force la dégustation (vous l’interrogez sur un nom de domaine, il ne l’a pas mais va insister lourdement pour vous détourner de votre objectif), ou confond votre passage avec une master-class (imposant de déguster 5 ou 6 bouteilles avant de vous servir le vin pour lequel vous êtes venue). Il y a de ce fait des rencontres qui confortent ou bouleversent l’opinion que l’on a d’un terroir ou d’une appellation et d’autres qui sont de vraies catastrophes.Etant le roi des vins je vais commencer par "le" -que dis-je, "les"- champagnes pour lesquels plus de 300 maisons de champagne, vignerons et coopératives étaient attendus. Autant dire qu’il y a de quoi être … noyée. J’en ai sagement retenu 4. Cheurlin pour la découverte, Konrat pour la spécificité de leur positionnement, Chassenay d’Arce pour leur admirable travail en coopérative, Charpentier par fidélité et pour la typicité de leurs propositions.

Cheurlin est installé à Celles-sur-Ource, sur la Côte des Bars, pas très loin de la ville de Troyes. C’est une belle histoire familiale, Thomas Cheurlin ayant repris il y a un an le domaine à la suite de ses parents qui vendaient leurs bouteilles surtout dans le circuit CHR-cavistes. Il s’est attaché à créer une marque qui parlerait aux professionnels en se détachant de ce qui se faisait auparavant. Il est ressorti des discussions préalables avec les ministères et ambassades clientes de ses parents que la présence d’un cordon bleu-blanc-rouge, à l’instar de la collerette des MOF serait un signe distinctif très fort. Voilà pourquoi elle apparaît sur les bouteilles. On remarquera aussi une étoile évoquant la rose des vents qui fait lien avec l’histoire du vignoble quand la mer s’est retirée il y a 80 millions d’années en arrière.
Thomas a vite intégré le fait que le nom de Cheurlin, qui est son patronyme, pouvait prêter à confusion du fait qu’ils sont 5 ou 6 à le porter dans le village, et à exercer le même métier. Voilà comment est née Vaucelle qui est le nom de la plus petite parcelle du domaine et qui signifie vallon en vieux pâtois champenois. Ce récoltant-manipulateur travaille majoritairement en Pinot noir et blanc, et en Chardonnay. Il propose 6 cuvées, dont une éphémère et une prestige. Elles sont HVE et VDC (nouvelle certification champenoise) et seront prochainement certifiées bio.
Terre natale (à gauche) est un 100% Pinot noir, dont le côté nacré au breuvage est lié au sol jurassique coquillier. Il sera proposé sur une viande, un gigot ou une pintade en sauce.
Terre de nuances (à droite) est annoncé Blanc vrai, qui est le terme champenois pour désigner le Pinot blanc. Il accompagnera un poisson, par exemple un bar.







Celui-ci est composé de moût de raisin à 86% pinot noir, 10% Chardonnay et 4% Pinot blanc mais Romain travaille à isoler les cépages pour tenter une déclinaison dans l'avenir. Une illustratrice a été sollicitée pour expliquer le process de fabrication sur l'étui qui est réalisé à partir de restes de raisins écrasés.



Implanté sur 200 hectares à Préhy, dans l'Yonne, où se trouvaient des vignes depuis le XVI°, le Domaine Brocard a été fondé en 1974 et est celui qui offre le plus de diversité dans la région. Julien travaille depuis 15 ans dans la lignée de son père. Il est pionnier depuis 2004 de la biodynamie dans le Chablisien, à tel point qu'il est le plus grand producteur biologique de toute la Bourgogne, oeuvrant pour réintroduire du racinaire et favoriser tout ce qui va développer la biodiversité et alléger les sols durs qui ne filtrent pas suffisamment. Il pratique aussi depuis l'an dernier de la vitiforesterie, avec l'objectif de planter 10 000 arbres d'ici 10 ans. Mais aussi les jardins filtrants et le tressage des vignes qui n'arrête pas la sève et permet une ombre naturelle, tout en facilitant la circulation du vent.
Sa gamme se développe autour de 6 vins, avec un septième sans soufre, ce qui autorise à employer la métaphore des 7 lieux pour caractériser l'offre.

C'est toujours avec joie que je me rends à une invitation de Marianne, Michel et Jean Philippe Cros propriétaires du Domaine Saint Georges d'Ibry. Profitant de leur séjour sur Wine Paris ils proposaient de découvrir la dernière cuvée venant compléter leur gamme.Elle a été vendangée avec le Floréal qui est un nouveau cépage, obtenu par hybridation, né du mariage de cépages déjà existants, sélectionnés pour leurs caractéristiques. Il est résistant aux principales maladies de la vigne (mildiou, oïdium) et permet de réduire de 90% l’utilisation des produits phytosanitaires. Les vignerons en avaient parlé l'an dernier et c'est un plaisir de constater que le projet est concrétisé à travers ce vin unique respectant à la fois les enjeux environnementaux et les attentes du consommateur. Comme ils ont eu raison de prendre l’initiative de planter deux hectares et demi !On pourrait être un peu induit en erreur en ouvrant le carton de 6 bouteilles : chacune porte une étiquette différente, composant un bouquet printanier déclinant les deux mêmes fleurs dans une gamme de couleurs. Aucune n'est véritablement identifiable, évoquant pour moi la délicatesse des pétales de l'escholzia et la rondeur d'un trèfle champêtre.

Ce vin blanc est fruité, surtout sur les fruits jaunes, alors que, dans la parcelle, les grains ont un goût un peu herbacé, presque muscat. Il est également festif. Le découvrir est plus qu'une dégustation, c'est une rencontre. Mais il ne doit pas faire oublier les autres vins de la gamme.

La robe est étonnamment très claire, ponctuée de reflets rose pâle. Le nez est délicat, dominé par les fleurs blanches, et la finale plus fraîche surprend avec des notes d'agrumes en particulier de pamplemousse. La bouche est vive. Il sera parfait sur les plateaux de coquillages et les huitres.


Dans mon souci d'approfondir mes connaissances, il y a celui de mieux comprendre les vins Corses qui avaient été presque une révélation pour moi l'an dernier. Il me reste beaucoup à apprendre sachant que 176 références étaient présentes.

Et plus tard le bleu Impérial, Bio, 100 % Cinsault, venant de 8 hectares de vignes sur des arènes granitiques, en coteau de 30% de déclivité. Sa robe est d'un beau grenat prononcé, aux reflets brillants. Le nez est concentré sur le fruité rouge très mûr, gelée de cassis, pruneau, cerise kirshée. La bouche est ample et généreuse, sur la liqueur de myrte, les tanins subtils structurant le milieu de bouche juteux. Son côté floral et rare.
Le Domaine Novella compte 20 ha en bio, avec une production répartie en rouge (40%), blanc (20%), rosé et muscat. Propriété familiale depuis 1920, le domaine se transmet de génération en génération, l’une des transmissions étant d’ailleurs en cours puisque Pierre-François Novella a récemment repris les rênes de l’exploitation. L’encépagement est résolument corse, avec en particulier le cépage endémique "biancu gentile" très peu répandu sur l’île de Beauté.




La vendange est ramassée de façon manuelle, triée consciencieusement sur la parcelle et à la cave, afin de n'en sélectionner que le meilleur. Les raisins sont ensuite égrappés puis encuvés séparément. Le froid est alors maintenu pendant 24h afin de réaliser une macération pré-fermentaire. Les fermentations se déroulent en cuve inox thermo-régulée, à température moyenne. L'assemblage et la fermentation malo-lactique sont réalisés après pressurage. L'élevage s'effectue, quant à lui, en cuve inox sur lies fines.
La robe est d'un rouge pâle limpide, avec des reflets de rubis brillant. Au nez, on retrouve des notes de fruits rouges et de grenade, en s'associant à celles de viande fumée et de cuir. L'attaque en bouche se distingue par des tanins soyeux et de son côté confituré : de fraise cuite, de cerise noir... Le milieu de bouche offre, lui, des saveurs torréfiées et chocolatées, avec une pointe de romarin. La finale en bouche révèle une fraîcheur qui se caractérise par des arômes de réglisse et de menthe. Ce soupçon d'amertume me laisse penser que ce vin s'accorderait avec un plat d'artichauts.
Wine Paris a donné cette année davantage de visibilité aux vins étrangers dont la surface d'exposition augmente de 64% par rapport à l'édition précédente (sans parler de l'invité d'honneur l'Italie qui s'est déployé sur un bâtiment entier). Plusieurs sommeliers en devenir ont pu comprendre les différents terroirs et les challenges.
Je ne savais rien des vins autrichiens avant que Victor Ulrich ne me mette l'eau à la bouche avec le Grüner Veltliner qui est le cépage blanc autochtone le plus important de ce pays, exprimant une alliance piquante de fruit à noyaux (comme l'abricot) et de poivre blanc, complétée par une acidité harmonieuse, lui valant une réputation mondiale.

Par contre j'avais commencé à explorer les terroirs suisses lors d'une master-class dirigée par Paolo Basso il y a quelques mois et je voulais confirmer certaines opinions. J'avais sélectionné quelques domaines et ne m'attendais pas à être déçue …




L’Italie était le pays invité de Wine Paris. Je n’ai pas eu la disponibilité pour arpenter le hall 4 qui lui était dévolu mais j’ai gouté quelques bouteilles. A commencer par inévitablement un Proseco et ce fut le Sorelle Bronca, brut (bouteille de droite), un vin gastronomique "very dry".




Les déclarations présidentielles destinées à soit-disant protéger les viticulteurs américains va avoir des effets négatifs. En effet les bouteilles viennent d'Europe, du Mexique ou de Chine, les bouchons de liège sont portugais, les capsules sont françaises et le prix de revient va fortement augmenter. Il est possible que les mesures ne soient pas appliquées et reste en effet d'annonce mais on sent l'inquiétude. Quant aux vins français, une hausse de leur prix ne devrait pas beaucoup déranger le consommateur américain qui est habitué à acheter ses vins à un certain niveau.
J’avais l’an dernier découvert quelques vins de Virginie au cours d’un dîner donné à l'ambassade des Etats-unis en l'honneur de l'héritage viticole de la Virginie, le 12 février 2024, et j'étais heureuse de cette occasion de retrouver des exploitants avec qui j'avais sympathisé, notamment avec Matthieu Finot du domaine King Family Vineyards dont je voulais regoûter ce Sauvignon Blanc dont j'avais apprécié la richesse de sa texture, "creemy texture" comme dit son éleveur. Il présente une complexité nuancée, une acidité vive et des caractéristiques d'agrumes prononcées. Il ne fait aucun doute que le vigneron a été inspiré par les vins blancs de la vallée de la Loire. Je me suis promis de faire bientôt une association personnelle mets-vin avec lui.


Barboursville est la propriété de la famille Zonin, qui produit du vin depuis des générations en Italie, et leur domaine est un des plus réputés de Virginie dont la cuvée Octagon un des vins phares de Virginie.



Parmi les quatre vins rouges qui nous avaient été proposés conjointement pour savourer la viande se trouvait un Cabernet Franc 2013 de Rosemont Vineyards (81% Cabernet Franc, 12% Cabernet Sauvignon, 4% Petit Verdot, 3% Merlot) fort agréable avec ses arômes de cerise noire, de prune, de figue, de tabac, de cuir et de vanille, avec un soupçon de poivre blanc, enveloppés de tanins bien structurés et d'une finale douce et veloutée. Sa robe est d'un rubis profond. Le cabernet franc est l'un des cépages préférés des établissements vinicoles virginiens, car il met vraiment en valeur le climat et les conditions pédologiques uniques de cet Etat. Au domaine, les sols sont optimaux pour la culture d'un cabernet épicé et fruité qui se marie bien avec toutes les viandes rouges. Je l'apprécie toujours autant mais cela ne m'a pas empêchée de découvrir leur vermouth avec lequel j'ai, de retour chez moi, proposé un cocktail.










