Pour son premier roman, l’autrice Franco-Marocaine nous emmène dans son pays natal afin de suivre la destinée de deux fillettes qui ont grandi comme des sœurs dans un pays où les hommes et les traditions sont encore rois.
Kenza, la petite-fille de l’ancien gouverneur de Casablanca, qui a donc grandi dans une famille aisée, s’est liée d’amitié avec Fatiha, la fille de Milouda, la bonne au service de leur famille. Au fil des années, les deux gamines vont néanmoins progressivement se heurter aux barrières qui séparent leurs milieux… trop différents pour en balayer les frontières.
« La Poule et son Cumin » entremêle l’histoire de ces deux fillettes dont les trajectoires s’éloignent inexorablement au fil des pages. L’amitié et l’innocence qui ont bercé leur enfance se heurte progressivement à la dure réalité de leur environnement. Le cloisonnement social et le respect de coutumes ancestrales qui les privent encore de certaines libertés finissent par mettre à mal leurs liens d’amitié…
Zineb Mekouar dresse le portrait d’une jeunesse marocaine qui se cherche, rêvant d’une part de liberté et de modernité, mais devant d’autre part vivre dans le respect de traditions et de coutumes dont elle se retrouve inévitablement héritière. C’est avec grande justesse que l’autrice dépeint ce tiraillement incessant, tout en dressant le portrait d’un pays où les femmes vivent dans la hantise de « la hchouma », ont intérêt à conserver leur virginité jusqu’au mariage, ne peuvent bien évidemment pas avoir de relations sexuelles hors mariage et où l’avortement est interdit.
En invitant à suivre Kenza hors du Maroc, lors de ses études à Paris, l’autrice dépeint également avec grande justesse la crise identitaire traversée par ces jeunes qui arrivent plein d’espoir, rêvant de vivre dans ce pays prônant la liberté, l’égalité et la fraternité, mais qui se retrouvent vite comme des pestiférés au cœur d’un pays qui bascule lentement vers l’extrême droite.
Quand je vois des gamins nés ici arborer le maillot de joueurs de l’équipe nationale du Maroc alors que ceux-ci affrontent la nation qui est pourtant censée être la leur, cela démontre non seulement à quel point notre pays fait faux bond au niveau de l’intégration, mais surtout à quel point ces jeunes doivent se sentir rejetés de notre société et tiraillés entre leur pays et leurs origines. Ce livre fait indéniablement partie de ceux qu’il faut lire afin de mieux comprendre l’étendue du problème car il m’aura permis de me glisser dans leur peau durant quelques heures, de voir notre société à travers leur regard… et je n’ai pas vu grand-chose dont on peut être fiers.
Coup de cœur !
La Poule et son Cumin, Zineb Mekouar, JC Lattès, 280 p., 19€
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