Pour commencer le « Printemps des artistes » en beauté, je vous propose un petit tour du côté de la Nouvelle Vague, avec ce célèbre film d’Agnès Varda (1928-2019), sorti en salles en avril 1962.
Ce film prend place dans le défi en question car l’héroïne, Cléo, est une jeune et belle chanteuse et nous entendons plusieurs de ses chansons au cours de cette heure et demie. De plus, lors d’une séquence mémorable, Cléo reçoit chez elle son compositeur (Michel Legrand) et son parolier « plumitif » (Serge Korber) qui lui proposent de nouveaux morceaux.
Note pratique sur le film
Nationalité : française
Année de sortie en salles : avril 1962
Acteurs : Corinne Marchand (Cléo), Antoine Bourseiller (Antoine), Michel Legrand (Bob).
Durée : 1h30
Résumé du début de l’histoire
La première scène du film se déroule chez une cartomancienne, Madame Irma. Nous voyons à l’écran le tirage de tarots fait par une jeune femme, Cléo, et l’interprétation donnée par la magicienne. Nous apprenons ainsi, dès les toutes premières minutes, que cette jeune femme travaille dans la musique, qu’une dame veuve est dans son entourage proche, qu’elle vit avec un homme fortuné et qu’elle va bientôt rencontrer un homme amusant qui va la distraire. Mais, sur la fin de la prédiction, les choses deviennent beaucoup plus inquiétantes : Cléo est malade. Elle attend le résultat d’un examen médical, un dépistage de cancer, qu’elle doit aller chercher à l’hôpital de la Salpêtrière deux heures plus tard, c’est-à-dire à la dernière minute du film. La cartomancienne tire le tarot qui représente la mort et elle brouille les cartes sans vouloir aller plus loin. Cléo pleure puis elle redescend de chez cette tireuse de cartes. Dans l’escalier, elle se sourit à elle-même en se disant qu’elle est belle et vivante. Elle va rejoindre dans un café son amie Angèle (la veuve citée plus haut) qui est en fait sa gouvernante et qui ne prend pas du tout au sérieux ces craintes de la maladie et de la mort. Elle la prend seulement pour une enfant capricieuse. (…)
Mon Avis
Grâce à la scène initiale chez la cartomancienne, nous avons l’image de la mort qui plane au-dessus de l’héroïne pendant toute la durée du film. Cette durée est celle de l’attente de Cléo et, en même temps, la nôtre en tant que spectateurs. Comme elle, nous attendons son diagnostic, qui représentera pour nous la fin de l’histoire et pour elle la fin de son incertitude. Ces deux heures d’attente, de 5 à 7, seront l’occasion pour Cléo de voir successivement (et souvent en tête à tête) les personnes les plus importantes de sa vie : sa gouvernante qui ne la prend pas au sérieux, son compositeur et son parolier qui tournent tout à la plaisanterie, son amoureux qui est trop occupé pour lui consacrer du temps, sa meilleure amie avec qui elle fait une balade en voiture dans Paris puis avec qui elle va regarder un petit court-métrage muet et en noir et blanc, à la fois macabre et rigolo, etc.
Cléo aimerait trouver quelqu’un à qui confier ses angoisses mais les personnes de son entourage n’ont visiblement pas la tête à ça : ils ne l’écoutent pas ou prennent les choses à la légère.
C’est seulement vers la fin du film, avec le personnage d’Antoine, rencontré au Parc Montsouris, que Cléo trouve quelqu’un qui la comprend. En effet, Antoine est un soldat en permission, engagé dans la guerre d’Algérie. Il doit repartir à la guerre le soir même et on peut supposer que lui aussi a peur de la mort. On suppose aussi que c’est lui l’homme amusant dont la cartomancienne parlait au début.
La juxtaposition de l’humour, de la légèreté, des thèmes macabres et des signes de mauvais augure m’a paru très caractéristique de ce film, qui a vraiment cette double humeur simultanée, une humeur paradoxale.
La musique de Michel Legrand, elle aussi, fait alterner le sourire et les larmes.
Un film dont chaque détail mériterait certainement une longue analyse, car on sent que tous les dialogues, sous leurs airs frivoles et décousus, sont très minutieusement pesés.
Une œuvre complexe à voir, à revoir et à décrypter en détail.
