Paul McCartney rend un vibrant hommage à Chuck Berry, qu’il considère comme un magicien du rock’n’roll, révélant l’influence fondatrice du pionnier américain sur les Beatles et sur sa propre carrière.
Dans l’histoire vertigineuse du rock’n’roll, il est des figures qui dépassent leur propre mythe pour devenir des points cardinaux, des phares éternels dans la nuit créative de générations d’artistes. Paul McCartney, monument vivant de la pop moderne, n’a jamais caché son admiration pour ces géants qui, bien avant que les Beatles n’écrivent la grammaire du XXe siècle musical, avaient déjà taillé les premiers mots du lexique rock. Et s’il est un nom que McCartney évoque avec un respect quasi mystique, c’est celui de Chuck Berry. Pas simplement une idole, mais un magicien, selon les mots même de Macca.
Sommaire
- Le souffle fondateur du rock : Chuck Berry, plus qu’une influence
- Une admiration réciproque : du pastiche à l’hommage
- Chuck Berry, entre provocation et sophistication
- Une rencontre inoubliable à Saint-Louis
- Du mythe à l’héritage : la magie continue
- Une révérence lucide d’un géant à un autre
Le souffle fondateur du rock : Chuck Berry, plus qu’une influence
On ne comprend pas les Beatles sans comprendre Chuck Berry. Dès les premiers jours de la formation des Quarrymen à Liverpool, les vinyles du chanteur de St Louis tournaient en boucle. Pour McCartney comme pour Lennon, Berry incarnait une forme d’idéal artistique : un compositeur doué, un interprète flamboyant, un conteur hors pair. En 1956, alors que le Royaume-Uni pansait encore les plaies de la guerre, les guitares de Berry résonnaient comme une révolution venue d’outre-Atlantique. Les adolescents britanniques, fascinés, découvrirent un univers où les paroles devenaient des récits, les riffs des slogans, et la scène un espace de transgression.
John Lennon disait souvent : « Si tu devais donner un autre nom au rock’n’roll, tu pourrais l’appeler Chuck Berry. » Cette phrase, emblématique, traduisait le consensus chez les Beatles : Berry n’était pas un simple modèle, il était l’alpha du rock moderne. Ce n’est pas un hasard si le groupe reprend Roll Over Beethoven lors de ses premiers passages télévisés. À travers Berry, les Beatles construisaient leur légitimité et affichaient leurs racines.
Une admiration réciproque : du pastiche à l’hommage
Chez McCartney, l’admiration pour Chuck Berry s’est exprimée de mille façons, parfois discrètes, parfois flamboyantes. L’une des plus emblématiques reste Back in the U.S.S.R., pastiche assumé du Back in the U.S.A. de Berry, sur l’album blanc des Beatles. Derrière cette relecture parodique, il y a un clin d’œil affectueux, un hommage tissé avec la finesse et l’ironie qui caractérisent McCartney.
Plus encore, c’est dans l’intimité de son discours posthume, prononcé après la disparition de Berry en 2017, que McCartney livre les clés de cette fascination. S’adressant à Rolling Stone, il déclare : « Nous avons appris tellement de choses de lui, des choses qui nous ont conduits dans ce monde onirique du rock’n’roll. » Et d’ajouter avec cette émotion feutrée qui n’appartient qu’à lui : « À nos yeux, il était un magicien, un faiseur de musique à la fois exotique et normale. »
Dans cette phrase se cache tout l’art de Berry : faire surgir, de la banalité du quotidien, une poésie électrique. Ses chansons, comme Johnny B. Goode ou Maybellene, étaient plus que des refrains – elles étaient des fragments de récit, des scènes de vie, des légendes modernes.
Chuck Berry, entre provocation et sophistication
Ce que McCartney semble admirer par-dessus tout chez Chuck Berry, c’est cette capacité rare à conjuguer simplicité formelle et profondeur narrative. Là où d’autres se contentaient de fredonner des « baby I love you », Berry injectait dans ses textes une richesse lexicale et une malice syntaxique qui frôlaient parfois la littérature. Lennon le disait lui-même : « Il écrivait de bons textes, intelligents, dans les années 1950, à une époque où la plupart chantaient encore do wah diddy. »
Cette sophistication déguisée en insouciance est sans doute ce qui fascine encore McCartney aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement d’une reconnaissance musicale – Berry était également un showman, un performer incandescent, dont la fameuse démarche du duck walk électrisait les scènes. En cela, il offrait une vision complète de ce que devait être un artiste de rock : à la fois conteur, technicien, et icône visuelle.
Une rencontre inoubliable à Saint-Louis
Parmi les souvenirs personnels que Paul McCartney évoque avec émotion, il en est un qu’il chérit tout particulièrement : sa rencontre avec Chuck Berry à Saint-Louis, la ville natale du pionnier du rock. « C’est un souvenir que je chérirai pour toujours », confie-t-il. Cette rencontre, au-delà de la symbolique, représente un passage de relais entre deux générations d’architectes du rock.
Dans cette étreinte fugace, dans ce regard échangé, il y avait toute une histoire commune. Celle d’un gamin de Liverpool qui, un jour, a entendu les premières notes de Sweet Little Sixteen et qui, sans le savoir, venait de trouver sa vocation. Celle d’un homme qui, quelques décennies plus tard, retrouverait ce même frisson sur une scène mondiale, devant des milliers de fans, mais avec dans le cœur la gratitude intacte pour celui qui avait tout initié.
Du mythe à l’héritage : la magie continue
Aujourd’hui, le nom de Chuck Berry continue de flotter comme une incantation dans les mémoires de ceux qui font et aiment la musique. Pour McCartney, ce n’est pas une formule vide : la magie de Berry, il la ressent encore. Elle est dans le phrasé d’une guitare, dans la rythmique d’un refrain, dans cette façon si particulière de raconter la vie avec un riff de trois accords et un clin d’œil malicieux.
La grandeur de Chuck Berry ne tient pas seulement à ses succès. Elle réside dans son influence structurelle. Sans lui, pas de Beatles. Sans lui, pas de Rolling Stones. Pas de Springsteen, pas de punk, pas de pop. Il est la source, l’étincelle primitive. McCartney, avec sa lucidité légendaire, en est parfaitement conscient. Et c’est sans doute pour cela qu’il parle de lui non pas comme d’un simple musicien, mais comme d’un magicien. Un homme qui, par le seul pouvoir d’un son, pouvait transformer le quotidien en épopée.
Une révérence lucide d’un géant à un autre
Dans cette révérence que Paul McCartney adresse à Chuck Berry, il y a une noblesse rare. Celle d’un artiste immense qui sait reconnaître ce qu’il doit à ses prédécesseurs. Dans un monde souvent dominé par l’ego, cette humilité n’est pas anodine. Elle rappelle que la musique, aussi sacrée soit-elle, est toujours une transmission. Un feu qu’on porte, qu’on reçoit, qu’on entretient.
Et si McCartney continue d’illuminer les scènes du monde entier, c’est aussi grâce à cette étincelle première, celle que Chuck Berry a allumée dans son cœur d’adolescent. Une étincelle qui, des rues de Saint-Louis aux clubs enfumés de Hambourg, a traversé les océans, les modes, les décennies.
Chuck Berry est mort, mais sa magie, elle, est immortelle. Et tant que Paul McCartney montera sur scène, quelque part, dans une variation de basse, un clin d’œil rythmique ou un sourire discret, on entendra encore résonner l’ombre bienveillante de ce magicien du rock’n’roll.
