À Hollywood, certaines rencontres ne se produisent qu’une fois, comme un alignement fugace d’astres un peu ivres de liberté. En 1970, sur le plateau coloré de Happy Days, l’une des séries les plus populaires de la télévision américaine, un jeune acteur roux rêve déjà de mise en scène. Ce garçon, c’est Ron Howard. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que ce décor de carton-pâte aux airs de diners rétro va être visité un jour par deux icônes de la musique britannique : Ringo Starr, batteur des Beatles, et Keith Moon, tornade incontrôlable des Who. Ce moment inattendu, cocasse et presque absurde, aurait pu déboucher sur un caméo légendaire. Il restera finalement à l’état de souvenir joyeux… et d’hommage différé.
Sommaire
- Ron Howard : du petit écran aux grands noms du rock
- Quand deux rock stars débarquent sur le plateau d’Happy Days
- Des rires partagés à un hommage documentaire : Eight Days a Week
- Howard, Ringo, et l’amitié discrète des créateurs
- Quand l’histoire aurait pu basculer… pour une scène non tournée
Ron Howard : du petit écran aux grands noms du rock
Ron Howard n’est pas un inconnu du public lorsqu’il incarne Richie Cunningham dans Happy Days, sitcom-phare des années 1970. Déjà repéré enfant dans The Andy Griffith Show, il s’est taillé une place dans le cœur des téléspectateurs américains. Mais derrière l’acteur candide se cache un futur cinéaste déterminé. En 1977, il réalise Grand Theft Auto — modeste succès critique, mais point de départ d’une carrière exceptionnelle, jalonnée de films comme Splash, Apollo 13, Willow, A Beautiful Mind ou Cinderella Man.
Si Howard a su gagner ses galons à Hollywood, c’est aussi parce qu’il n’a jamais perdu son regard émerveillé sur la culture populaire. Il appartient à cette génération de jeunes artistes qui ont vu la Beatlemania surgir comme un ouragan, bouleversant l’équilibre de l’industrie musicale, mais aussi de la société tout entière.
Quand deux rock stars débarquent sur le plateau d’Happy Days
C’est dans ce contexte, au cœur des années 1970, que survient cette anecdote singulière racontée par Howard dans The Mail. Happy Days bat alors son plein, porté par le charisme de Fonzie (Henry Winkler) et l’ambiance nostalgique d’un Amérique fantasmée des années 1950. La série, aussi populaire chez les étudiants que dans les familles, finit par séduire jusqu’à deux figures tutélaires de la scène rock britannique : Ringo Starr et Keith Moon.
Les deux musiciens, alors au sommet de leur notoriété — l’un sortant d’un passé fabuleux avec les Beatles, l’autre vivant dans une autodestruction presque mythique — débarquent sur le plateau comme des adolescents curieux. Howard, fasciné, tente l’impensable : les convaincre de faire une apparition dans la série.
« Ils ont débarqué un jour sur le plateau. Henry Winkler et moi essayions de les faire enfiler des vêtements des années 50 pour tourner une scène. Mais impossible de les convaincre. » Un regret teinté d’humour, surtout lorsque Howard rapporte la réaction de Ringo, des années plus tard : « Je suis surpris qu’il se souvienne de cette visite. Il m’a dit : “Je suis sûr que Keith ne savait même pas où il était, mais moi, je me suis bien marré !” »
Le fantasme d’un caméo de Ringo et Moon dans Happy Days restera donc un rêve de fan, mais il témoigne d’une époque où les sphères de la télévision et du rock s’entremêlaient dans une joyeuse insouciance. Deux mondes, deux formes de culte populaire, réunis le temps d’un clin d’œil.
Des rires partagés à un hommage documentaire : Eight Days a Week
Quarante ans plus tard, Howard retrouve Ringo Starr dans un tout autre contexte. Devenu cinéaste accompli, il se lance dans un projet ambitieux : un documentaire retraçant les années de concerts des Beatles, de 1962 à 1966. Intitulé The Beatles: Eight Days a Week – The Touring Years, ce film sort en 2016 et remporte un succès critique considérable.
Pour Howard, ce projet est bien plus qu’un documentaire. C’est une déclaration d’amour à un groupe qui a changé sa perception de la musique et de l’art. « J’adorais leur musique. Et comme j’étais déjà acteur enfant, j’étais familier du processus créatif. J’ai vraiment ressenti l’évolution des Beatles, leur maturité artistique au fil du temps », confie-t-il dans Parade.
Le film revient sur la folie des tournées, la Beatlemania, la pression médiatique et politique, mais aussi l’incroyable résilience créative du quatuor. Howard y souligne un point essentiel : « Dans ce tumulte incessant, au milieu de toute cette hystérie collective, leur progression artistique n’a jamais cessé. Elle s’est même accélérée. »
Le documentaire, ponctué d’images d’archives restaurées et de témoignages rares, replace les Beatles dans leur époque, mais les rend aussi intemporels. La démarche de Howard est sensible, sincère, humble. Il ne cherche pas à les mythifier davantage, mais à comprendre comment, malgré l’enfer logistique, la fatigue et l’exposition constante, ces quatre garçons ont su se réinventer, encore et encore.
Howard, Ringo, et l’amitié discrète des créateurs
Derrière ces collaborations et ces souvenirs partagés, c’est une certaine forme de fraternité artistique qui se dessine entre Ron Howard et Ringo Starr. Deux hommes issus d’univers très différents — la télévision américaine pour l’un, la scène de Liverpool pour l’autre — mais unis par une même fidélité aux émotions simples, à l’humour, et à une certaine idée de la création comme jeu et comme défi.
Ringo Starr, figure désormais presque totemique, a gardé de son passé fabuleux cette capacité à rire de tout — y compris de Keith Moon, son compagnon de beuverie et d’excès, dont les frasques continuent d’alimenter la mythologie du rock. Son souvenir d’Happy Days ? Flou pour Moon, hilarant pour lui : “I had a laugh!” — phrase anodine, mais qui résume à elle seule l’esprit de cette époque bénie où les Beatles pouvaient surgir sur un plateau de sitcom sans que personne ne sache trop pourquoi.
Quand l’histoire aurait pu basculer… pour une scène non tournée
La rencontre de Ron Howard avec Ringo Starr et Keith Moon aurait pu donner lieu à l’un de ces caméos cultes dont l’histoire de la télévision regorge. Mais si la scène n’a jamais été tournée, elle a tout de même laissé une empreinte. Elle illustre parfaitement le carrefour où se croisent la télévision populaire et le rock’n’roll, deux piliers de la culture de masse des années 60 et 70.
Elle révèle aussi ce que le public oublie souvent : que derrière les figures iconiques, il y a des hommes — parfois surpris d’être là, parfois ivres de liberté, toujours en quête d’un instant de plaisir partagé. Cet instant, même s’il ne s’est pas gravé sur pellicule, demeure dans la mémoire de Ron Howard. Et c’est peut-être là, dans cette mémoire fidèle et dans son hommage filmé, que le caméo rêvé a finalement pris vie.
