C’est une scène presque anodine, un moment fugace entre deux hommes que tout sépare en apparence : d’un côté, Barry Keoghan, acteur irlandais à l’ascension fulgurante, tout juste auréolé du succès de Saltburn ; de l’autre, Richard Starkey, alias Ringo Starr, dernier batteur des Beatles, légende vivante d’un siècle de musique. Ce jour-là, entre regards fuyants et silences nerveux, une page d’histoire se prépare à s’écrire. Car Keoghan n’est pas venu simplement saluer une idole : il s’apprête à devenir Ringo.
Sommaire
- Un projet inédit : quatre Beatles, quatre films, quatre regards
- Le vertige de l’incarnation
- Ringo Starr, entre humour et sagesse
- Une équipe d’élite pour une fresque d’envergure
- Entre héritage et recréation : l’enjeu d’une relecture
- 2028 : une date qui fera date ?
Un projet inédit : quatre Beatles, quatre films, quatre regards
L’annonce de Sam Mendes, début 2024, avait fait l’effet d’un séisme dans l’univers du biopic musical. Plutôt que de livrer une énième évocation linéaire et romantisée des Beatles, le réalisateur oscarisé (American Beauty, 1917) propose une vision fragmentée et audacieuse : quatre films, chacun centré sur l’un des Fab Four, tous racontant une même époque, mais depuis des perspectives distinctes.
Ce choix narratif est tout sauf anecdotique. Car si les Beatles forment, à jamais, une entité collective dans l’imaginaire populaire, leur histoire — de l’intérieur — n’a jamais été univoque. Les tensions, les contradictions, les sensibilités artistiques divergentes ont façonné leur légende autant que leur musique. En livrant quatre portraits subjectifs et interconnectés, Mendes entend faire surgir la vérité dans sa complexité.
C’est dans ce cadre que Barry Keoghan a été choisi pour incarner Ringo Starr. À ses côtés, trois acteurs de la nouvelle génération britannique : Paul Mescal (Paul McCartney), Harris Dickinson (John Lennon), et Joseph Quinn (George Harrison). Quatre talents acclamés, quatre visages pour réincarner une mythologie.
Le vertige de l’incarnation
Sur le plateau de Jimmy Kimmel Live, Barry Keoghan a récemment évoqué, pour la première fois, ce rôle hors normes. Le ton est hésitant, l’humilité palpable. “Il m’a joué de la batterie”, confie-t-il en parlant de sa rencontre avec Ringo. “Il m’a demandé d’en jouer aussi, mais… je n’allais pas jouer de la batterie devant Ringo !”
On imagine aisément le malaise. Comment tenir les baguettes devant celui qui, depuis “Rain” jusqu’à “Come Together”, a redéfini l’art de la pulsation pop ? Comment imiter l’un des batteurs les plus discrets et pourtant les plus influents du XXe siècle ? Keoghan, qui se distingue justement par sa capacité à révéler les failles humaines de ses personnages (The Killing of a Sacred Deer, The Banshees of Inisherin), résume bien l’enjeu : “Je ne veux pas l’imiter. Je veux l’humaniser, lui donner des émotions.”
C’est là tout l’intérêt de cette approche : ne pas fétichiser, mais comprendre. Ringo Starr, souvent relégué dans les récits à un rôle périphérique, mérite plus qu’un simple hommage. Keoghan, avec sa sensibilité atypique, semble être le choix parfait pour incarner cette force tranquille, ce musicien sous-estimé, cet homme d’une loyauté sans faille dont l’humour, la discrétion et la bienveillance ont souvent maintenu l’équilibre du groupe.
Ringo Starr, entre humour et sagesse
Si Ringo a longtemps été perçu comme “le Beatle drôle”, il est aujourd’hui, à 84 ans, le dernier à porter la mémoire vivante du groupe avec constance et dignité. Son regard sur le projet Mendes est à la fois bienveillant et lucide. L’année dernière, dans une interview à Entertainment Tonight, il glissait avec son ironie habituelle : “Je crois qu’il [Keoghan] prend des cours de batterie, et j’espère qu’il n’en prend pas trop.”
Ce trait d’humour en dit long sur le rapport décontracté mais vigilant de Ringo à son propre héritage. L’homme sait ce que représente son image dans la culture populaire — il l’a, d’ailleurs, souvent tournée en dérision dans ses apparitions médiatiques — mais il veille aussi à ne pas la figer. Voir un jeune acteur, étranger à son monde, tenter de l’incarner est sans doute un exercice à la fois étrange et émouvant.
Une équipe d’élite pour une fresque d’envergure
La force du projet Mendes ne réside pas uniquement dans son dispositif narratif, mais aussi dans l’équipe qui l’accompagne. Trois scénaristes renommés ont été choisis pour articuler cette tétralogie : Jez Butterworth (Ford v Ferrari, Spectre), Jack Thorne (Adolescence), et Peter Straughan (Conclave). Chacun apporte une touche singulière, entre précision dramatique, sens du rythme et profondeur psychologique.
L’objectif est clair : éviter le biopic-musée, et proposer un cinéma vivant, incarné, fidèle à l’esprit inventif des Beatles. Les films, dont la sortie est prévue pour avril 2028, devraient être tournés dès 2026, dans une logique de production parallèle, à l’image de la narration entrecroisée.
Entre héritage et recréation : l’enjeu d’une relecture
Faire revivre les Beatles à l’écran est un défi artistique majeur. Depuis A Hard Day’s Night jusqu’au documentaire Get Back, leur image a été mille fois filmée, disséquée, sublimée. Mais rarement dramatisée avec justesse. Le pari de Mendes et de son équipe est de sortir du cadre documentaire, sans trahir la réalité.
Keoghan, en choisissant de ne pas “imiter” mais d’interpréter, incarne cette nouvelle voie. Il ne s’agira pas de reproduire mécaniquement les mimiques ou l’accent de Ringo, mais de faire ressentir ce que cela signifie d’être lui : au cœur d’un ouragan culturel, entre exubérance et effacement, entre le besoin de jouer et celui de survivre.
2028 : une date qui fera date ?
Avec une telle ambition, le risque est grand — mais le potentiel, immense. En choisissant de raconter l’histoire des Beatles à travers quatre regards individuels, Sam Mendes rappelle que ce mythe collectif s’est construit sur des sensibilités irréductibles. Si Paul McCartney est souvent vu comme le mélodiste solaire, Lennon comme le rebelle intellectuel, Harrison comme le mystique introverti, Ringo est le lien, le cœur battant, le gardien de l’équilibre. Lui donner une voix, un film entier, c’est enfin reconnaître sa place dans l’architecture du groupe.
Et peut-être que, dans quelques années, on regardera la performance de Barry Keoghan non comme une imitation fidèle, mais comme une incarnation juste — le moment où, face au vertige de la légende, un acteur a su trouver l’humain.
Souhaitez-vous que je vous rédige également un article sur chacun des autres acteurs incarnant les Beatles dans ce projet ?
