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Crache le morceau, disait Sophie.

Publié le 14 mai 2025 par Paulo Lobo
Crache morceau, disait Sophie.
 Quand on n’attend plus rien de rien,

on est envahi d’une étrange sensation

de paix

et de sérénité.

Si l’esprit n’est tourné

ni vers le passé

ni vers le futur,

mais simplement posé

sur l’instant présent —

aussi fugace soit-il —

une sensation d’inquiétude diminue.

L’inquiétude surgit souvent

dans l’anticipation d’un danger,

d’une douleur à venir.

Si, dans l’instant présent,

le corps et l’esprit bénéficient

d’une quiétude —

d’où qu’elle vienne —

alors il n’y a pas d’inquiétude.

Tout du moins

pour l’instant.

Mais que compose,

quels sont les éléments

qui composent cet instant

par rapport à un être,

un individu,

moi-même,

qui occupe ce lieu ?

Premièrement, de mon intérieur :

l’équilibre tranquille

des flux sanguins,

des flux corporels,

la conscience des cinq sens,

le rythme respiratoire.

Il fait beau dans mon être.

Il fait beau à l’intérieur de moi.

Et pourtant,

il fait une couleur terrible ce matin.

Les hirondelles ignorent les signes des temps.

Ensuite,

l’extérieur.

Les choses semblent exister à part entière,

pour ce qu’elles sont,

pour la beauté qu’elles irradient.

Il faut regarder,

écouter.

Il faut surtout se dire :

Je ne suis tenu à rien.

Je ne suis dans aucune obligation.

Je me laisse simplement porter

par les eaux du matin.

Je me laisse emporter

par la force de la gravité,

sans résister.

Je me laisse emporter

par le flux de la rivière,

sans nager à contre-courant.

Faire fi de tout bois.

Même du plus tordu.

Je ne suis pas fou,

quand même.

J’ai la nette impression

d’avoir vu la lune pleine.

Mais il faisait nuit.

Une nuit noire,

estampillée d’encre,

dense

et ténébreuse.

Alors je ne sais pas.

J’étais terrible chez moi.

Et il n’y avait aucun bruit.

Aucune musique.

Aucun son.

La télé était éteinte.

La radio ne grésillait plus.

Les silences étaient…

assommants.

Alors,

je décidai de faire un tour

au plus profond,

au très fond de mon âme.

Et, surprise :

je n’y trouvai qu’un tunnel sans fin,

avec une perspective indéfinissable.

Infinie.

Une perspective incroyablement

filandreuse.

Filandreuse.

Dans les champs,

tu retrouveras la paix intérieure.

Je ne suis pas le dernier des hommes.

Je ne suis pas l’étudiant.

Je ne suis pas le soldat.

Je ne suis pas le pirate.

Je ne suis pas l’agent secret.

Je ne suis pas l’acteur.

Je ne suis pas le réalisateur.

Je ne suis pas l’auteur.

Oui, je suis un imposteur.

Cheminement

et falsification :

même combat.

Je me dis qu’il n’y a aucun souci.

Une seconde dure une seconde.

La deuxième seconde, la suite,

est tout aussi belle.

Puis vient la troisième,

puis la quatrième.

Et à un moment,

j’atteins la minute.

Une minute

qui a ressemblé

à un siècle.

La dernière farce

n’a rien perdu de sa force.

Je ne veux rien.

Je n’attends rien.

Je ne désire rien.

Je n’ambitionne rien.

Je ne convoite rien.

Je n’envie personne.

Je n’admire personne.

Et je ne me projette

dans aucune oasis 

à l’avance.

Mon esprit cesse de palpiter.

Il n’y a plus de hâte.

C’est comme si

j’avais entamé une conversation tranquille

avec un ami

en qui j’ai confiance.

On parle de choses.

Et d’autres.

Le temps s’arrête

parce qu’on le veut bien.

Le temps s’arrête.

Il a une sensation d’éternité,

et rien

ne peut le chambouler

ni le chagriner.

As-tu déjà connu cette sainte douleur ?

Aies confiance

dans les lendemains qui déchantent.

Il n’y aura jamais d’abandon

si tu gardes

le mors aux dents.

L’argent dans ta poche,

sème-le aux quatre vents.

Marche

aussi longtemps

que tu ne crèves pas.

Crache le morceau,

exhortait Sophie.

Comment sauvegarder mon souffle ?

Comment protéger

cette quiétude ?



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