
Quand on n’attend plus rien de rien,
on est envahi d’une étrange sensation
de paix
et de sérénité.
Si l’esprit n’est tourné
ni vers le passé
ni vers le futur,
mais simplement posé
sur l’instant présent —
aussi fugace soit-il —
une sensation d’inquiétude diminue.
L’inquiétude surgit souvent
dans l’anticipation d’un danger,
d’une douleur à venir.
Si, dans l’instant présent,
le corps et l’esprit bénéficient
d’une quiétude —
d’où qu’elle vienne —
alors il n’y a pas d’inquiétude.
Tout du moins
pour l’instant.
Mais que compose,
quels sont les éléments
qui composent cet instant
par rapport à un être,
un individu,
moi-même,
qui occupe ce lieu ?
Premièrement, de mon intérieur :
l’équilibre tranquille
des flux sanguins,
des flux corporels,
la conscience des cinq sens,
le rythme respiratoire.
Il fait beau dans mon être.
Il fait beau à l’intérieur de moi.
Et pourtant,
il fait une couleur terrible ce matin.
Les hirondelles ignorent les signes des temps.
Ensuite,
l’extérieur.
Les choses semblent exister à part entière,
pour ce qu’elles sont,
pour la beauté qu’elles irradient.
Il faut regarder,
écouter.
Il faut surtout se dire :
Je ne suis tenu à rien.
Je ne suis dans aucune obligation.
Je me laisse simplement porter
par les eaux du matin.
Je me laisse emporter
par la force de la gravité,
sans résister.
Je me laisse emporter
par le flux de la rivière,
sans nager à contre-courant.
Faire fi de tout bois.
Même du plus tordu.
Je ne suis pas fou,
quand même.
J’ai la nette impression
d’avoir vu la lune pleine.
Mais il faisait nuit.
Une nuit noire,
estampillée d’encre,
dense
et ténébreuse.
Alors je ne sais pas.
J’étais terrible chez moi.
Et il n’y avait aucun bruit.
Aucune musique.
Aucun son.
La télé était éteinte.
La radio ne grésillait plus.
Les silences étaient…
assommants.
Alors,
je décidai de faire un tour
au plus profond,
au très fond de mon âme.
Et, surprise :
je n’y trouvai qu’un tunnel sans fin,
avec une perspective indéfinissable.
Infinie.
Une perspective incroyablement
filandreuse.
Filandreuse.
Dans les champs,
tu retrouveras la paix intérieure.
Je ne suis pas le dernier des hommes.
Je ne suis pas l’étudiant.
Je ne suis pas le soldat.
Je ne suis pas le pirate.
Je ne suis pas l’agent secret.
Je ne suis pas l’acteur.
Je ne suis pas le réalisateur.
Je ne suis pas l’auteur.
Oui, je suis un imposteur.
Cheminement
et falsification :
même combat.
Je me dis qu’il n’y a aucun souci.
Une seconde dure une seconde.
La deuxième seconde, la suite,
est tout aussi belle.
Puis vient la troisième,
puis la quatrième.
Et à un moment,
j’atteins la minute.
Une minute
qui a ressemblé
à un siècle.
La dernière farce
n’a rien perdu de sa force.
Je ne veux rien.
Je n’attends rien.
Je ne désire rien.
Je n’ambitionne rien.
Je ne convoite rien.
Je n’envie personne.
Je n’admire personne.
Et je ne me projette
dans aucune oasis
à l’avance.
Mon esprit cesse de palpiter.
Il n’y a plus de hâte.
C’est comme si
j’avais entamé une conversation tranquille
avec un ami
en qui j’ai confiance.
On parle de choses.
Et d’autres.
Le temps s’arrête
parce qu’on le veut bien.
Le temps s’arrête.
Il a une sensation d’éternité,
et rien
ne peut le chambouler
ni le chagriner.
As-tu déjà connu cette sainte douleur ?
Aies confiance
dans les lendemains qui déchantent.
Il n’y aura jamais d’abandon
si tu gardes
le mors aux dents.
L’argent dans ta poche,
sème-le aux quatre vents.
Marche
aussi longtemps
que tu ne crèves pas.
Crache le morceau,
exhortait Sophie.
Comment sauvegarder mon souffle ?
Comment protéger
cette quiétude ?
