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All Things Must Pass : Le chef-d’œuvre monumental de George Harrison

Publié le 17 mai 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Sorti en 1970 après la séparation des Beatles, All Things Must Pass marque l’émancipation artistique de George Harrison. Premier triple album d’un ex-Beatle, il allie rock, spiritualité et orchestrations grandioses sous la production de Phil Spector. Porté par des classiques comme My Sweet Lord et Isn’t It a Pity, il connaît un immense succès critique et commercial. Malgré une production jugée parfois excessive, il reste une œuvre intemporelle et influente, célébrée à travers de nombreuses rééditions et reconnue comme un chef-d’œuvre du rock.


L’album All Things Must Pass représente sans conteste le point culminant de la carrière solo de George Harrison. Publié le 27 novembre 1970 au lendemain de la séparation des Beatles, ce triple album est bien plus qu’un simple recueil de chansons ; il constitue une véritable déclaration d’indépendance artistique et spirituelle. à travers une mosaïque de morceaux, allant des hymnes rock aux ballades méditatives, Harrison offre au monde une œuvre monumentale qui a redéfini non seulement son image, mais aussi le paysage musical de l’époque. Cet article se propose de retracer, avec minutie et passion, l’histoire de cet album emblématique en explorant son contexte, ses coulisses d’enregistrement, sa production, ses influences multiples ainsi que son impact durable sur la musique moderne.

Sommaire

  • Une Genèse Marquée par l’émancipation et la Soif de Liberté
  • Un Triple Album, Une œuvre Monumentale
  • Le Contexte des Dernières Années des Beatles et l’émergence d’un Artiste Libre
  • Un Processus de Création Laborieux et Intense
  • La Production Spectorienne : Un Mur de Son époustouflant
  • L’Influence des Rencontres et des Collaborations
  • Les Thèmes Spirituels et la Quête de Sens
  • Des Paroles comme Miroir de l’Âme et de l’ère
  • La Dimension Visuelle : Un Packaging Innovant et évocateur
  • Un Impact Commercial et Culturel Sans Précédent
  • L’Héritage d’un Chef-d’œuvre et sa Résonance à Travers les Décennies
  • Un Processus de Production d’Exception
  • Les Contributions Inestimables d’un Casting d’Exception
  • La Dimension Spirituelle et Intellectuelle de l’œuvre
  • Les Paroles : Témoignages d’une Âme en Quête de Vérité
  • L’Héritage et l’Influence dans la Culture Rock et au-Delà
  • Les Rééditions : Une Nouvelle Vie pour un Classique
  • L’Art de l’Arrangement : La Main Invisible de Phil Spector et de John Barham
  • Les Jams et l’Âme Collective d’Apple Jam
  • Les Défis Techniques et l’Innovation en Studio
  • Le Parcours émotionnel d’un Artiste et les Adieux aux Compagnons du Passé
  • L’Impact sur la Culture Pop et la Réinvention du Rock
  • Les Rééditions et la Transmission d’un Héritage
  • Un Hommage Visuel à l’ère et à l’Indépendance Artistique
  • La Réception Critique et l’Acclamation Universelle
  • Une Influence Durable sur la Musique Moderne et la Culture Pop
  • Les Réflexions d’un Artiste sur sa Propre œuvre
  • L’Héritage Visuel et l’Innovation Packaging
  • Des Objets de Collection et des Rééditions qui Révèlent l’Histoire
  • L’Influence sur les Musiciens et la Scène Internationale
  • Un Regard Rétrospectif sur la Production et les Techniques d’Enregistrement
  • Les Défis Humains et Techniques : Un Parcours Semé d’Embûches
  • La Dimension Collaborative : Un Réseau de Talents Unis
  • L’Héritage Spirituel et Philosophique : Une Quête d’Absolu
  • La Réception Critique et l’Acclamation Universelle
  • Une Influence qui Traverse les Générations
  • L’Après et la Transmission de l’Héritage
  • L’Essence d’un Chef-d’œuvre : Un Voyage Sensoriel et Spirituel
  • Conclusion Ouverte : Un Héritage Qui Continue de Vivre

Une Genèse Marquée par l’émancipation et la Soif de Liberté

La création d’All Things Must Pass naît du désir profond de George Harrison de se libérer de l’ombre imposante des Beatles. Durant les dernières années du groupe, ses compositions, souvent reléguées à deux ou trois chansons par album, demeuraient trop souvent négligées au profit des duos Lennon–McCartney. Pourtant, dès 1968, Harrison commençait à accumuler un stock impressionnant de chansons personnelles, fruits de ses rencontres, de ses voyages et de son immersion dans diverses influences musicales. Ainsi, des titres comme «Isn’t It a Pity» et «Art of Dying» remontent à 1966, tandis que d’autres, comme «Wah-Wah» ou «My Sweet Lord», puisent dans les expériences vécues lors des tumultueuses sessions du Get Back/Let It Be. Selon Phil Spector, lorsqu’il fut invité chez George à Friar Park au début de 1970, il se souvint :

«Je suis allé chez George, à Friar Park… et il m’a dit : ‘J’ai quelques petites chansons à te faire entendre.’ C’était interminable ! Il en avait littéralement des centaines, et chacune était meilleure que la précédente. Il avait accumulé toute cette émotion, prête à exploser.»
Ce témoignage illustre combien Harrison se sentait empli d’un potentiel créatif libéré, prêt à s’exprimer pleinement désormais qu’il était seul.

Un Triple Album, Une œuvre Monumentale

All Things Must Pass se distingue par son format audacieux : il s’agit du premier album triple en solo d’un ancien Beatle. Composé de deux disques de chansons finement travaillées et d’un troisième consacré aux improvisations de studio, surnommé «Apple Jam», l’album dévoile une multiplicité d’univers. Le premier et le deuxième disque abritent des morceaux soigneusement conçus, dans lesquels Harrison explore des thèmes aussi variés que l’amour, la spiritualité, et la désillusion des relations humaines. Le troisième disque, quant à lui, rassemble des jams instrumentales, des improvisations spontanées qui témoignent de l’atmosphère décontractée et d’un temps où la créativité ne connaissait aucune contrainte. Ce format novateur, qui rappelle en partie la liberté d’un live, permet à l’auditeur d’appréhender l’étendue du répertoire de Harrison et la richesse de son inspiration.

Le Contexte des Dernières Années des Beatles et l’émergence d’un Artiste Libre

Les dernières années du groupe avaient été marquées par des tensions et une lutte de pouvoir qui avaient laissé peu de place à l’expression individuelle. Pour Harrison, qui s’était toujours senti relégué au rang de «troisième Beatle», cette situation était intolérable. Alors que Lennon et McCartney se partageaient la vedette, il trouvait dans ses projets parallèles – la bande originale Wonderwall Music (1968) et l’album expérimental Electronic Sound (1969) – la possibilité d’exprimer sa vision personnelle. L’annonce publique du départ de Paul McCartney en avril 1970 fut le signal que le groupe était définitivement à l’agonie, et offrit à Harrison l’opportunité rêvée de faire valoir son talent en solo. Il devint ainsi le premier ancien Beatle à occuper simultanément les sommets des classements des singles et des albums aux états-Unis, un exploit qui ne sera réitéré par ses ex-collègues que par Paul McCartney avec Wings en 1973.

Un Processus de Création Laborieux et Intense

Les sessions d’enregistrement d’All Things Must Pass se sont étalées de mai à octobre 1970, dans un contexte de travail intensif et parfois chaotique. Dès le 26 mai 1970, dans les studios EMI d’Abbey Road, Harrison se met au travail. Entouré d’un casting impressionnant de musiciens – Eric Clapton, Ringo Starr, Billy Preston, Klaus Voormann, Jim Gordon, Carl Radle, et bien d’autres – il profite de cette effervescence collaborative pour enrichir ses compositions. La production fut confiée à Phil Spector, dont la technique «Wall of Sound» apporta une dimension grandiose aux enregistrements, transformant chaque piste en une véritable fresque sonore.
La présence de Spector, cependant, fut source de tensions et de retards. Son comportement imprévisible, ponctué de moments de dérive alcoolisée – «il avait besoin de dix-huit cherry brandies pour se remettre en route» selon les dires de Harrison – força ce dernier à prendre en charge une partie considérable de la production lui-même. Malgré ces difficultés, l’ambiance dans le studio était survoltée par la liberté créative. Les musiciens, profitant de cette atmosphère quasi festive, enregistraient en live de nombreuses parties, parfois dans des conditions quasi improvisées, pour parvenir à capturer la magie de l’instant. Comme l’explique Joey Molland de Badfinger, un des guitaristes présents lors des sessions :

«Nous nous retrouvions dans une pièce, on apprenait la chanson à mesure que George nous la présentait, et après deux ou trois essais, nous comprenions parfaitement comment elle devait sonner.»
Ces instants de pure créativité live, immortalisés sur le disque Apple Jam, témoignent de l’esprit de camaraderie et d’expérimentation qui régna durant ces mois de travail acharné.

La Production Spectorienne : Un Mur de Son époustouflant

Phil Spector, figure légendaire de la production musicale, apporta à All Things Must Pass toute sa signature sonore, mêlant instruments en masse, échos et reverbérations qui créèrent un effet de «mur de son» digne des grandes symphonies rock. Ce traitement, souvent comparé à celui d’un orchestre classique moderne, fut qualifié par Ben Gerson de Rolling Stone de «Wagnerien, brucknéen, la musique des sommets de montagne et des horizons infinis». Spector s’efforça de sublimer chaque morceau, en ajoutant des chœurs, des cuivres, et des textures sonores d’une richesse incroyable, transformant ainsi des chansons individuelles en véritables épopées musicales.
Pourtant, avec le recul, Harrison conférait à cette surproduction un goût quelque peu excessif. Dans la réédition de 2001, il exprimera son désir de libérer certaines de ses chansons de ce voile de réverbération et d’effets, afin de retrouver la pureté originelle de ses compositions. Ainsi, ce triple album se présente comme un produit de son temps, empreint de l’ambition démesurée des années 1970, mais également comme une œuvre intemporelle qui continue de fasciner par sa complexité et sa profondeur.

L’Influence des Rencontres et des Collaborations

L’album se nourrit des rencontres et des collaborations qui ont jalonné le parcours de Harrison durant les années 1968–70. Sa proximité avec Bob Dylan, dont il aura co-écrit des chansons lors d’un séjour à Woodstock en 1968, se reflète dans des titres tels que «I’d Have You Anytime», premier morceau de l’album. La présence d’Eric Clapton, invité de marque et collaborateur fidèle, apporta une touche supplémentaire d’excellence guitaristique. Les membres de Delaney & Bonnie and Friends, récemment intégrés à l’entourage de Harrison, contribuent également à l’atmosphère décontractée et intimiste des sessions.
Dans ses propres mots, Harrison se souvient avoir déclaré :

«J’ai eu la chance d’être entouré de mes vieux amis, de musiciens incroyables, et de pouvoir enfin faire ce que je voulais, sans avoir à me soucier de ce que les autres attendaient de moi.»
Ces collaborations ne furent pas simplement techniques ; elles furent également le reflet d’une nouvelle ère d’échanges artistiques, où chaque musicien pouvait apporter sa touche personnelle à une œuvre collective, transcendante par sa richesse.

Les Thèmes Spirituels et la Quête de Sens

Au cœur d’All Things Must Pass se trouve la quête spirituelle de George Harrison. Influencé par son engagement envers la tradition hindoue et le mouvement Hare Krishna, l’album résonne d’une ferveur mystique et d’un désir de transcender les limites matérielles. Des titres comme «My Sweet Lord» incarnent parfaitement cette dualité, mêlant chants dévotionnels et mélodies pop accessibles. Harrison y fusionne la tradition des bhajans indiens avec l’énergie du gospel, créant un hymne universel qui saura toucher l’âme de millions d’auditeurs à travers le monde.
Il est intéressant de noter que, dans une interview, Harrison expliqua :

«J’ai commencé à écrire ‘My Sweet Lord’ en Europe, à la fin de la tournée avec Delaney & Bonnie, inspiré par le funk et le gospel de ‘Oh Happy Day’ des Edwin Hawkins Singers. Cette chanson est une expression sincère de ma recherche du divin.»
Ces mots témoignent de l’authenticité et de la profondeur des sentiments qui imprègnent l’album, faisant de All Things Must Pass une œuvre où la musique se fait vecteur de spiritualité et de recherche de vérité.

Des Paroles comme Miroir de l’Âme et de l’ère

Les textes d’All Things Must Pass abordent des thèmes aussi variés que la spiritualité, la réconciliation, la nostalgie des temps passés, et le constat amer de la désintégration des relations humaines, en particulier au sein des Beatles. «Wah-Wah», par exemple, est le reflet d’un moment de rupture, écrit dans la foulée des disputes qui marquèrent la fin du groupe. Harrison y exprime la douleur et la résignation face à l’effondrement d’un idéal collectif. De son côté, «Isn’t It a Pity» est un appel poignant à la compréhension et à la réconciliation, une méditation sur la fragilité des liens humains.
Ainsi, les paroles deviennent un miroir de l’âme de Harrison, mais également le reflet d’une époque où la quête d’authenticité et la recherche de sens étaient au cœur des préoccupations de toute une génération. Comme l’exprime l’un des critiques contemporains :

«L’album est le témoignage d’un homme qui, libéré des chaînes du passé, se met en quête d’une vérité plus grande, d’un amour plus pur, et d’une rédemption personnelle.»
Ces réflexions, portées par des mélodies envoûtantes et des arrangements somptueux, confèrent à l’album une dimension universelle qui le place parmi les œuvres les plus marquantes de l’histoire du rock.

La Dimension Visuelle : Un Packaging Innovant et évocateur

L’originalité d’All Things Must Pass ne réside pas uniquement dans son contenu musical, mais aussi dans son habillage graphique. Conçu par Tom Wilkes pour Camouflage Productions, le coffret de l’album se présente sous la forme d’une boîte à charnières, une innovation rare dans le monde du rock, habituellement réservé aux œuvres classiques ou opératiques. La couverture, photographiée par Barry Feinstein sur la pelouse de Friar Park, montre un George Harrison assis, chaussé de bottes en caoutchouc, dominant quatre nains de jardin. Ces petits personnages, récemment livrés à la demeure de Harrison, ont rapidement été interprétés comme une métaphore de son émancipation des Beatles.
George lui-même expliqua, dans une interview en 2001 :

«à l’époque, j’ai pensé utiliser ces vieux nains bavarois – fabriqués vers 1860 – pour représenter John, Paul, George et Ringo. Les nains étaient très populaires en Europe, et en les voyant alignés, on pouvait y lire un commentaire sur ma nouvelle indépendance par rapport au groupe.»
Cette imagerie, à la fois ludique et symbolique, a contribué à ancrer l’album dans l’imaginaire collectif et à renforcer l’idée d’un Harrison désormais maître de son destin.

Un Impact Commercial et Culturel Sans Précédent

à sa sortie, All Things Must Pass rencontra un succès phénoménal. L’album se hissa rapidement au sommet des classements dans de nombreux pays – Australie, Canada, Italie, Japon, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède, Royaume-Uni et états-Unis. Il demeura numéro un en Grande-Bretagne pendant huit semaines consécutives, et aux états-Unis, il domina les palmarès de Billboard pendant sept semaines.
Le single «My Sweet Lord», choisi comme avant-première, devint un hit international, marquant la première fois qu’un ancien Beatle atteignait la première place en solo tant au Royaume-Uni qu’aux états-Unis. Cet exploit, véritable exploit de marketing musical, établit George Harrison comme le solo artiste le plus en vue de l’époque, éclipsant même ses anciens partenaires du groupe.
La portée commerciale de l’album ne se limite pas aux chiffres : il a également profondément influencé la culture populaire. Des auteurs comme Mark Ribowsky affirment qu’All Things Must Pass «a forgé le premier nouvel idiome rock des années 1970», tandis que d’autres, tels que David Howard, soulignent la fusion unique entre hard rock expansif et confession acoustique intime qu’il offre.
Pour beaucoup, cet album est bien plus qu’un succès commercial : il est le reflet d’une ère en mutation, d’un monde en quête de spiritualité et d’authenticité, à l’heure où la jeunesse occidentale se tournait vers la religion et la recherche de sens.

L’Héritage d’un Chef-d’œuvre et sa Résonance à Travers les Décennies

Aujourd’hui, plus de cinquante ans après sa parution, All Things Must Pass est unanimement reconnu comme l’un des plus grands albums solo jamais réalisés par un ancien Beatle. De nombreux critiques, dont Richie Unterberger d’AllMusic, le considèrent comme le meilleur disque de George Harrison, saluant la profondeur émotionnelle et l’ambition architecturale de l’œuvre. Le magazine Q le décrit comme «l’exemple ultime de la fusion entre rock et spiritualité», tandis que Rolling Stone qualifie l’album de «chef-d’œuvre intemporel».
Les rééditions successives – en 2001, 2010, 2014 et la spectaculaire édition Uber Deluxe de 2021 – ont permis de redécouvrir et de réévaluer l’œuvre sous un nouveau jour. La version des 50 ans, notamment, offre aux auditeurs une plongée dans les coulisses de l’album grâce à 70 pistes incluant des démos, des prises inédites et des improvisations, accompagnées d’un livret riche en annotations et souvenirs. Ces éditions ne font pas seulement revivre le son de l’époque, elles confirment également l’importance historique et culturelle d’All Things Must Pass dans le panorama musical mondial.

Un Processus de Production d’Exception

Le travail de production sur All Things Must Pass fut colossal. Dès le début des sessions en mai 1970 aux studios EMI d’Abbey Road, Harrison s’entoura d’une pléiade de musiciens réputés. Sous la houlette de Phil Spector, et grâce à la présence d’ingénieurs comme Ken Scott et Phil McDonald, l’album prit forme dans une ambiance intense, où chaque détail sonore était minutieusement travaillé. Les sessions, qui durèrent cinq mois, furent ponctuées par des épisodes marquants : l’enregistrement de «Wah-Wah» fut le premier à captiver l’attention, et la réalisation des jams instrumentales qui composeront le disque «Apple Jam» démontra la virtuosité et la cohésion du groupe de musiciens.
Toutefois, le chemin ne fut pas sans embûches. L’attitude erratique de Spector, parfois imprévisible à cause de ses excès, força Harrison à reprendre lui-même une grande partie de la production en fin de compte. Le résultat fut un album dont la signature sonore – le fameux «Wall of Sound» – est à la fois sa force et, selon certains, son principal reproche. Néanmoins, cette approche a permis de créer une atmosphère dense et immersive, qui transporte l’auditeur dans un univers sonore riche et foisonnant.

Les Contributions Inestimables d’un Casting d’Exception

L’un des aspects les plus remarquables d’All Things Must Pass est la participation d’un véritable casting de stars et de musiciens de renom, venus prêter leur talent à l’œuvre de Harrison. Eric Clapton, présent sur plusieurs titres, apporte sa virtuosité à la guitare, tandis que Ringo Starr, Billy Preston, Klaus Voormann, Jim Gordon et Carl Radle offrent leur soutien rythmique et harmonique. D’autres figures, parfois moins connues du grand public, comme Bobby Whitlock, Jim Price, Bobby Keys ou encore Gary Wright, contribuent également à l’étendue sonore de l’album.
Les sessions d’enregistrement réunirent ainsi ce que l’on pourrait appeler un «Who’s Who» de la royauté rock des années 70. Comme l’exprime George Harrison lui-même :

«C’était formidable, parce que la séparation des Beatles m’a permis de collaborer avec des musiciens incroyables, des nouveaux amis et d’anciens compagnons. Chaque contribution a enrichi l’album et m’a permis de m’exprimer pleinement.»
Ces collaborations ont non seulement permis d’atteindre un niveau de qualité sonore inégalé, mais elles ont également posé les jalons de projets futurs, comme la formation de Derek and the Dominos, née de ces sessions improvisées.

La Dimension Spirituelle et Intellectuelle de l’œuvre

Au-delà de ses prouesses techniques et de sa richesse musicale, All Things Must Pass se distingue par sa dimension spirituelle. George Harrison, qui avait embrassé le vaishnavisme et le mouvement Hare Krishna depuis 1966, intègre dans ses chansons une recherche sincère du divin et de la transcendance. Des titres comme «My Sweet Lord» ne sont pas de simples morceaux pop : ils sont le reflet d’une quête personnelle, d’une aspiration à percevoir l’essence même de l’univers.
Harrison disait lui-même :

«La musique doit être utilisée pour percevoir Dieu, pas pour faire du jitterbug.»
Ces mots, empreints de conviction, traduisent l’idée que la musique, par son pouvoir émotionnel et spirituel, peut ouvrir des portes vers une réalité supérieure. L’album, dans sa globalité, devient ainsi une méditation sonore sur la nature éphémère de la vie et sur l’importance de transcender les limites de l’existence matérielle.

Les Paroles : Témoignages d’une Âme en Quête de Vérité

Les textes d’All Things Must Pass sont autant de reflets de l’évolution intérieure de Harrison. Alors que certains titres évoquent la douleur et la déception face aux dysfonctionnements du groupe – «Wah-Wah» et «Run of the Mill» en sont des exemples poignants – d’autres célèbrent l’amour, la spiritualité et l’espoir. «Isn’t It a Pity» est une méditation sur la fragilité des relations humaines, tandis que «All Things Must Pass» rappelle avec philosophie que tout est éphémère et que le changement est inévitable.
Ces textes, empreints d’une sincérité désarmante, témoignent de la maturité artistique et émotionnelle de Harrison, qui, désormais libéré du carcan des Beatles, se permet d’exprimer toute l’étendue de ses sentiments. L’album s’impose ainsi comme un véritable journal intime musical, où chaque morceau est une confession, un témoignage de vie, de douleur et de rédemption.

L’Héritage et l’Influence dans la Culture Rock et au-Delà

L’impact d’All Things Must Pass s’étend bien au-delà de son succès commercial. L’album a été salué comme une œuvre révolutionnaire qui a marqué le début d’une nouvelle ère dans la musique rock. En fusionnant des éléments de hard rock, de country, de gospel et de musique indienne, Harrison a créé un son qui était à la fois contemporain et intemporel. Des groupes comme ELO, My Morning Jacket, Fleet Foxes ou encore Grizzly Bear reconnaissent aujourd’hui l’influence de cet album sur leur propre démarche artistique.
En outre, All Things Must Pass a profondément marqué l’imaginaire collectif, devenant un symbole de la libération artistique et de la recherche spirituelle des années 70. Comme le souligne le critique Tom Moon dans 1,000 Recordings to Hear Before You Die :

«George Harrison a affronté la rupture avec grâce, avec l’album All Things Must Pass, une série d’élégies, de séquences oniriques et de réflexions sur les limites de l’idéalisme qui demeure sans doute la déclaration solo la plus aboutie de l’ancien Beatle.»
Cet héritage, célébré par des classements prestigieux – l’album figure notamment dans les listes des «500 plus grands albums de tous les temps» de Rolling Stone et a été intronisé au Grammy Hall of Fame en 2014 – confirme l’importance de l’œuvre dans l’histoire de la musique.

Les Rééditions : Une Nouvelle Vie pour un Classique

Depuis sa sortie en 1970, All Things Must Pass a connu plusieurs rééditions qui ont permis de redécouvrir cette œuvre monumentale à de nouvelles générations d’auditeurs. La réédition de 2001, supervisée par Harrison lui-même, apporta cinq pistes bonus, dont des versions acoustiques et des démos qui révélaient l’essence originelle des chansons. Cette édition fut un véritable succès commercial, obligeant Capitol Records à gérer des retards d’expédition en raison de la demande exceptionnelle.
En 2010, pour le 40e anniversaire, EMI proposa une édition limitée en vinyle, numérotée individuellement, fidèle à l’ordre original du triple album. Puis, en 2014, All Things Must Pass fut intégré dans la somptueuse box set The Apple Years 1968–75, consolidant ainsi sa place de pilier de la carrière de Harrison. La réédition la plus récente, en 2021, pour le 50e anniversaire, se décline en plusieurs formats, dont un Uber Deluxe Box Set qui comprend 70 pistes – démos, prises inédites et jams – ainsi qu’un livret richement illustré et de nombreux objets collector, comme des figurines de Harrison et des nains de jardin emblématiques du coffret original.
Ces rééditions témoignent non seulement de la longévité de l’album, mais aussi de son statut de classique incontournable qui continue d’inspirer et d’émouvoir, génération après génération.

L’Art de l’Arrangement : La Main Invisible de Phil Spector et de John Barham

La collaboration avec Phil Spector a joué un rôle majeur dans la réalisation d’All Things Must Pass. Avec son approche de la «Wall of Sound», Spector a contribué à créer une atmosphère sonore dense et enveloppante, où chaque instrument est imprégné d’un écho presque céleste. Malgré ses excentricités et son comportement parfois déstabilisant, Spector a su exploiter le potentiel des talents réunis dans le studio pour donner naissance à des arrangements d’une richesse inouïe.
Parallèlement, l’apport d’John Barham, pianiste et arrangeur, fut décisif pour les orchestrations et les arrangements plus classiques qui jalonnent l’album. Barham, ayant travaillé avec le guru de Harrison, Ravi Shankar, comprit rapidement l’essence des mélodies et sut en extraire des arrangements qui renforçaient le message spirituel et émotionnel des chansons. Ainsi, des titres comme «Isn’t It a Pity», «My Sweet Lord» ou «Beware of Darkness» bénéficient d’une orchestration subtile, mêlant chœurs, cuivres et cordes, qui amplifient la portée universelle de l’œuvre.

Les Jams et l’Âme Collective d’Apple Jam

Le troisième disque de All Things Must Pass, intitulé Apple Jam, offre un contraste saisissant avec les morceaux travaillés et méticuleusement arrangés des deux premiers disques. Ces improvisations instrumentales capturent l’essence même de l’expérimentation libre en studio, où l’absence de pression et la spontanéité priment. Des morceaux comme «Out of the Blue», «Plug Me In», «I Remember Jeep» et «Thanks for the Pepperoni» témoignent d’une alchimie unique entre les musiciens, qui, en se laissant porter par le moment, créent des paysages sonores foisonnants et imprévisibles.
Ces jams, bien que parfois perçues comme des «bonus» ou des ajouts moins structurés, sont en réalité le reflet de l’esprit de liberté qui animait Harrison à cette époque. Elles illustrent la capacité du musicien à transformer l’improvisation en art, en capturant des instants de pure créativité collective qui continuent d’inspirer les amateurs de musique expérimentale.

Les Défis Techniques et l’Innovation en Studio

La production d’All Things Must Pass fut une aventure technique d’une ampleur inédite. Les sessions, qui se déroulèrent principalement aux studios EMI d’Abbey Road, virent l’utilisation d’un équipement de pointe pour l’époque, tel que l’enregistrement sur bande 8 pistes. Malgré les difficultés inhérentes à la technologie de l’époque – les prises multiples, la gestion des overdubs et l’ajout massif d’effets de réverbération –, Harrison et ses collaborateurs parvinrent à créer un son d’une densité et d’une profondeur exceptionnelles.
Certains musiciens se souviennent que, pour obtenir le son chaleureux et enveloppant de l’acoustique des guitares et des claviers, ils devaient se retrousser les manches et répéter inlassablement jusqu’à atteindre la perfection. Le résultat fut un enregistrement quasi orchestral, où chaque nuance était soigneusement capturée, et où la technologie, malgré ses limites, servait à amplifier l’émotion brute et sincère de chaque morceau.

Le Parcours émotionnel d’un Artiste et les Adieux aux Compagnons du Passé

All Things Must Pass est également marqué par une dimension émotionnelle forte, reflet de l’évolution personnelle de George Harrison. Libéré des contraintes du groupe, il se confronte aux souvenirs de ses années passées avec les Beatles, exprimant à la fois la douleur de la rupture et la gratitude envers ceux qui l’ont accompagné durant cette période tumultueuse. Des chansons telles que «Run of the Mill» et «Wah-Wah» évoquent les conflits, les déceptions et la désillusion qui ont jalonné les derniers mois du groupe, tandis que d’autres titres célèbrent l’espoir, la rédemption et la quête de sens.
Dans le livret de la réédition de 2001, Harrison confiait avec émotion :

«Je pensais que c’était le moment de tout laisser sortir, de faire un album qui exprime tout ce que j’avais sur le cœur depuis des années.»
Ces mots témoignent de la profondeur de l’album, qui, au-delà de ses prouesses musicales, se présente comme une confession intime d’un homme qui, après des années de compromis et de frustrations, choisit enfin de s’exprimer librement, tant sur le plan artistique que personnel.

L’Impact sur la Culture Pop et la Réinvention du Rock

La sortie d’All Things Must Pass eut un retentissement immédiat et massif dans le monde entier. L’album, par sa dimension triple et son contenu riche et varié, offrit une nouvelle vision du rock, alliant des influences aussi disparates que le hard rock, le gospel, la country, la soul et la musique indienne. Ce mélange éclectique contribua à ouvrir la voie à une nouvelle ère, où les frontières entre les genres se brouillaient, permettant aux artistes d’explorer des territoires inexplorés et de repousser les limites de la création musicale.
Des critiques contemporains comme Ben Gerson de Rolling Stone décrivirent l’album comme «un triomphe tant personnel que grandiose, une victoire sur la modestie artistique» et le comparèrent à une épopée musicale à la mesure de son ambition. D’autres, tels que Richard Williams de Melody Maker, s’étonnèrent de constater que «George Harrison parle maintenant !» – une déclaration qui marqua symboliquement l’émancipation du «Beatle silencieux» et l’ascension d’un artiste complet et accompli.
L’influence d’All Things Must Pass est indéniable. De nombreux groupes et artistes, du folk rock au dream pop, reconnaissent dans cet album une source d’inspiration majeure. Des formations comme Fleet Foxes et Grizzly Bear, ainsi que des icônes du rock progressif et de la world music, doivent en partie leur sonorité innovante à l’héritage laissé par George Harrison dans ce chef-d’œuvre.

Les Rééditions et la Transmission d’un Héritage

Au fil des décennies, All Things Must Pass n’a cessé d’être réédité, chaque nouvelle version apportant son lot de bonus, de démos et d’enregistrements inédits. La réédition de 2001, supervisée par Harrison lui-même, marqua le 30e anniversaire de l’album et permit aux fans de découvrir les coulisses de sa création. Cette édition fut suivie par une version limitée en vinyle en 2010, puis par une intégration dans la prestigieuse box set The Apple Years 1968–75 en 2014.
La version la plus récente, publiée en 2021 pour le 50e anniversaire, se décline en formats multiples, dont une édition Uber Deluxe qui comprend 70 pistes réparties sur cinq CD et huit vinyles, ainsi qu’un livret richement illustré et une collection d’objets collector. Cette réédition, saluée par la critique et couronnée par un Grammy Award pour le meilleur packaging d’édition limitée, témoigne de l’importance historique et culturelle de l’album.
Pour Dhani Harrison, fils de George, ces rééditions sont bien plus qu’une simple opération commerciale : elles représentent un hommage vivant à l’esprit de son père, à sa quête de vérité et à son engagement envers la musique. Elles permettent également à de nouvelles générations de découvrir et de s’approprier un album qui a révolutionné le rock et la musique populaire.

Un Hommage Visuel à l’ère et à l’Indépendance Artistique

L’habillage graphique d’All Things Must Pass est lui-même une œuvre d’art, imaginée par Tom Wilkes. Le coffret, présenté dans une boîte à charnières inhabituelle pour le rock, évoque à la fois l’opulence d’un album classique et la modernité d’un projet avant-gardiste. La photographie en noir et blanc de George Harrison, prise sur la pelouse de son domaine de Friar Park par Barry Feinstein, montre le musicien assis, dominant de son regard tranquille quatre nains de jardin. Cette image, interprétée comme un commentaire sur sa libération des contraintes des Beatles, est devenue emblématique.
Harrison expliquait :

«Quand nous avons pris cette photo, j’avais ces vieux nains bavarois que j’avais imaginé représenter John, Paul, George et Ringo. Les nains étaient populaires en Europe, et en les voyant là, on comprenait que j’étais enfin libre de tracer ma propre route.»
Ainsi, le visuel de l’album, en résonance avec ses thèmes musicaux et spirituels, complète parfaitement le message d’émancipation et de renouveau que véhicule All Things Must Pass.

La Réception Critique et l’Acclamation Universelle

à sa sortie, All Things Must Pass fut accueilli par la critique avec un enthousiasme quasi unanime. Les journalistes furent unanimes pour saluer la transformation de George Harrison, passant du rôle de «Beatle silencieux» à celui d’artiste complet et visionnaire. Des critiques comme Alan Smith de la NME qualifièrent les chansons de «musique de l’esprit» et louèrent leur beauté profonde et leur originalité.
Ben Gerson de Rolling Stone écrivit que l’album était «un triomphe personnel et grandiose, une explosion de foi, de sacrifice et de joie, dont la grandeur pourrait être comparée à celle de Guerre et Paix en rock ‘n’ roll.» Richard Williams de Melody Maker s’exclama :

«C’est le choc, l’équivalent rock de la stupéfaction ressentie par les spectateurs pré-guerre quand Greta Garbo a parlé pour la première fois dans un film parlant : Garbo parle ! – et Harrison est libre !»
Ces éloges, assortis d’un succès commercial retentissant – avec des séjours prolongés en tête des classements au Royaume-Uni et aux états-Unis – ont permis à l’album de se hisser au rang de monument du rock moderne.

Une Influence Durable sur la Musique Moderne et la Culture Pop

L’héritage d’All Things Must Pass est immense et se ressent encore aujourd’hui dans le monde de la musique. L’album a ouvert la voie à une nouvelle ère dans laquelle les frontières entre les genres se brouillent et où la fusion de styles divers – rock, gospel, country, blues, musique indienne – devient possible. La richesse sonore et la profondeur émotionnelle de l’album ont inspiré de nombreux artistes, des groupes de rock progressif aux formations de dream pop, en passant par des compositeurs de musique électronique.
Des critiques contemporains comme Tom Moon, dans 1,000 Recordings to Hear Before You Die, rappellent que cet album est «le témoignage d’un homme qui a su faire face à la rupture avec grâce, transformant le chagrin en une œuvre d’une envergure spirituelle et musicale inégalée.» D’autres, tels que Mark Ribowsky, soulignent qu’All Things Must Pass a «forgé le premier nouvel idiome rock des années 70», posant ainsi les bases d’une révolution musicale qui allait influencer des générations entières.
Pour John Bergstrom de PopMatters, cet album est «le son de George Harrison exhalant, libéré de la pression des Beatles et pleinement maître de sa destinée.» Ces hommages réaffirment le statut d’All Things Must Pass comme œuvre intemporelle et universelle, capable de traverser les époques et de continuer à inspirer ceux qui cherchent à s’exprimer librement par la musique.

Les Réflexions d’un Artiste sur sa Propre œuvre

Dans les dernières années de sa vie, George Harrison n’a cessé de revenir sur All Things Must Pass, exprimant à la fois fierté et regret. Dans une déclaration de 2001, il confiait :

«Cela fait trente ans que j’ai enregistré All Things Must Pass. J’aime toujours les chansons de cet album et je crois qu’elles continueront à survivre au style dans lequel elles ont été enregistrées. Cependant, j’aimerais aujourd’hui les libérer de cette production gigantesque et de l’excès de réverbération, qui me semblent aujourd’hui un peu trop imposants.»
Ces mots témoignent de la conscience aiguë de l’évolution des goûts et des technologies, ainsi que du désir constant d’amélioration et de perfectionnement qui animait Harrison. Malgré tout, il reconnaissait que l’album avait été une étape cruciale, une déclaration solennelle de sa créativité et de sa vision du monde, qui avait marqué le passage d’une ère à une autre.

L’Héritage Visuel et l’Innovation Packaging

L’originalité d’All Things Must Pass ne réside pas seulement dans sa musique, mais également dans son emballage. La boîte à triple album, conçue par Tom Wilkes, fut une innovation qui marqua les esprits. Conçue dans un style plus proche de l’esthétique classique que rock, cette boîte comportait un couvercle à charnières et un poster incluant une photographie de George Harrison devant une fenêtre en fer forgé, prise dans l’un des corridors de Friar Park. Ce packaging, inhabituel pour un album rock, conférait au disque une dimension artistique supplémentaire et symbolisait la vision de Harrison, à la fois éclectique et avant-gardiste.
La couverture en noir et blanc, avec Harrison assis et dominant quatre nains de jardin, devint rapidement emblématique, interprétée comme une métaphore de son émancipation par rapport aux Beatles. Pour Harrison, cette image représentait la nouvelle ère qui s’ouvrait à lui, un moment de renouveau et d’affranchissement des contraintes passées.

Des Objets de Collection et des Rééditions qui Révèlent l’Histoire

Depuis sa parution, All Things Must Pass a fait l’objet de multiples rééditions, chacune apportant son lot de bonus, de démos inédites et de prises alternatives qui offrent un aperçu fascinant des coulisses de l’album. La réédition de 2001, orchestrée par George lui-même, intégrait cinq pistes bonus, dont des versions acoustiques et des enregistrements réalisés pour Phil Spector, révélant ainsi le processus créatif complexe et laborieux qui avait mené à la version finale.
L’édition limitée de 2010 pour le 40e anniversaire, ainsi que le super deluxe box set de 2021 pour le 50e anniversaire, témoignent de l’importance de cet album dans l’histoire du rock. Ces rééditions, en proposant des formats allant du vinyle numéroté aux coffrets hyper complets avec livres d’archives, figurines et objets collector, confirment que All Things Must Pass n’est pas seulement un album, mais un véritable monument culturel dont la valeur ne cesse de croître avec le temps.

L’Influence sur les Musiciens et la Scène Internationale

L’impact d’All Things Must Pass sur la scène musicale est colossal. En introduisant des éléments de hard rock, de gospel, de country et de musique spirituelle, l’album a ouvert la voie à une fusion des genres qui allait marquer toute la décennie suivante. De nombreux groupes et artistes contemporains, qu’ils soient issus du rock, du folk ou de l’électronica, reconnaissent aujourd’hui l’influence déterminante de cet album sur leur propre son.
Par exemple, le groupe Derek and the Dominos, formé durant les sessions d’enregistrement, doit une grande partie de son identité à l’atmosphère créative qui régnait au studio. De même, des artistes comme Fleet Foxes et Grizzly Bear, dont le son mélancolique et riche en textures rappelle l’esprit d’All Things Must Pass, témoignent de l’héritage durable de George Harrison.
L’album est aussi régulièrement cité dans les ouvrages de référence sur la musique, apparaissant dans des listes telles que «The 500 Greatest Albums of All Time» de Rolling Stone, dans 1001 Albums You Must Hear Before You Die et dans d’autres compilations de chefs-d’œuvre musicaux. Ces hommages critiques et ces classements prestigieux soulignent que All Things Must Pass continue de représenter un jalon essentiel dans l’évolution de la musique moderne.

Un Regard Rétrospectif sur la Production et les Techniques d’Enregistrement

Le travail en studio sur All Things Must Pass fut d’une ampleur inédite, caractérisé par une approche à la fois méticuleuse et spontanée. Les sessions d’enregistrement, menées principalement aux studios EMI d’Abbey Road, réunirent un impressionnant casting de musiciens, dont Eric Clapton, Ringo Starr, Billy Preston, Klaus Voormann, Jim Gordon et Carl Radle.
La méthode d’enregistrement live adoptée par Phil Spector, qui consistait à capter plusieurs instruments en même temps sur une bande 8 pistes, conféra à l’album une texture sonore dense et puissante. Les nombreux overdubs et les arrangements orchestraux réalisés par John Barham apportèrent ensuite une dimension supplémentaire, transformant chaque morceau en une véritable fresque sonore. Malgré les difficultés techniques – notamment la gestion des échos et des réverbérations, que Spector affectionnait particulièrement –, l’équipe parvint à créer une ambiance sonore d’une richesse exceptionnelle.
Pour George Harrison, ces sessions furent une révélation : elles lui permirent non seulement de prouver qu’il pouvait diriger un projet d’envergure, mais également de s’affirmer en tant que producteur à part entière, capable de marier la spontanéité de l’improvisation à la rigueur d’un enregistrement orchestré.

Les Défis Humains et Techniques : Un Parcours Semé d’Embûches

La réalisation d’All Things Must Pass ne fut pas exempte de difficultés. L’album fut enregistré dans un contexte de tension, marqué par la fin imminente des Beatles et les conflits internes au sein d’Apple Records. Les visites sporadiques de John Lennon et Yoko Ono dans le studio, ainsi que les soucis personnels de Harrison – notamment les visites régulières à Liverpool pour s’occuper de sa mère malade – ajoutèrent une dimension émotionnelle supplémentaire aux sessions.
Par ailleurs, le comportement imprévisible de Phil Spector, qui pouvait parfois devenir un obstacle en raison de ses excès, força Harrison à reprendre en main une partie de la production. Comme il le confiait lui-même :

«J’étais fatigué de devoir constamment intervenir pour corriger des situations imprévues. Je me suis retrouvé à faire plus de travail que si j’avais fait tout ça tout seul.»
Ces défis, aussi bien techniques qu’humains, contribuaient à forger l’âme de l’album. Ils témoignent d’un moment où la musique naissait dans le tumulte et où chaque obstacle surmonté renforçait la profondeur et l’authenticité de l’œuvre.

La Dimension Collaborative : Un Réseau de Talents Unis

L’un des aspects les plus admirables d’All Things Must Pass réside dans la richesse du réseau de musiciens qui y ont participé. Harrison, désormais libéré de la hiérarchie imposée par les Beatles, put s’entourer de talents venus de tous horizons. Eric Clapton, dont la présence sur plusieurs titres est incontournable, joua un rôle déterminant dans la réalisation de l’album. D’autres musiciens, tels que Ringo Starr, Billy Preston, Klaus Voormann, Jim Gordon, Carl Radle, et les membres de Badfinger, apportèrent chacun leur touche personnelle à l’ensemble.
Ces collaborations furent le reflet d’un moment de grande cohésion artistique, où la volonté de créer transcendait les individualités. Joey Molland de Badfinger se souvient avec nostalgie de l’ambiance dans le studio :

«Nous étions tous là, dans une grande pièce, apprenant la chanson au fur et à mesure que George nous la présentait, et après quelques essais, tout devenait clair.»
Ce témoignage illustre parfaitement l’esprit de camaraderie et de partage qui régna durant les sessions, faisant d’All Things Must Pass non seulement une réussite technique, mais aussi un véritable moment de communion musicale.

L’Héritage Spirituel et Philosophique : Une Quête d’Absolu

Au cœur de l’album se trouve la quête spirituelle qui anime George Harrison depuis ses débuts. Influencé par sa rencontre avec le mouvement Hare Krishna et par son immersion dans la musique indienne, Harrison insuffla à ses compositions une dimension transcendante. «My Sweet Lord», véritable hymne de dévotion, en est le parfait exemple. Par ce morceau, il réussit à marier la tradition des bhajans avec le langage universel du rock, créant un pont entre l’Orient et l’Occident.
Dans une interview, il expliquait :

«J’ai commencé à écrire ‘My Sweet Lord’ en Europe, inspiré par l’arrangement funk et gospel de ‘Oh Happy Day’ des Edwin Hawkins Singers. L’idée était de créer un hymne qui exprime ma recherche du divin.»
Ces mots résonnent aujourd’hui comme un manifeste de l’âme de Harrison, un appel à l’universalité et à la transcendance qui continue d’influencer des générations d’auditeurs en quête de spiritualité et d’authenticité.

La Réception Critique et l’Acclamation Universelle

à sa sortie, All Things Must Pass fut accueilli par la critique avec un enthousiasme quasi unanime. Les journalistes furent unanimes pour saluer la transformation de George Harrison, passant du rôle de «Beatle silencieux» à celui d’artiste complet et visionnaire. Des critiques comme Alan Smith de la NME qualifièrent les chansons de «musique de l’esprit» et louèrent leur beauté profonde et leur originalité. Ben Gerson de Rolling Stone écrivit que l’album était «un triomphe personnel et grandiose, une explosion de foi, de sacrifice et de joie, dont la grandeur pourrait être comparée à celle de Guerre et Paix en rock ‘n’ roll.»
Richard Williams de Melody Maker s’exclama avec force :

«Garbo parle ! – George Harrison est libre !»
Ces éloges, associés à un succès commercial retentissant – l’album ayant dominé les classements dans de nombreux pays – ont permis à All Things Must Pass de s’imposer comme une œuvre phare du rock des années 70 et comme un témoignage indélébile de l’émancipation artistique post-Beatles.

Une Influence qui Traverse les Générations

L’impact d’All Things Must Pass se mesure aujourd’hui autant à travers ses répercussions sur la scène musicale internationale qu’à travers son influence sur la culture populaire. De nombreux artistes contemporains, qu’ils soient issus du rock, du folk ou de l’électronica, reconnaissent dans cet album une source d’inspiration inépuisable. Des groupes comme Fleet Foxes ou Grizzly Bear, dont la musique se caractérise par une richesse de textures et une profondeur émotionnelle, témoignent de l’héritage durable de George Harrison.
Par ailleurs, des personnalités du monde de la musique, telles que Martin Scorsese, ont souligné l’aspect quasi liturgique de l’album, évoquant une «grandeur de cathédrale sonore» qui continue de résonner dans l’esprit des auditeurs. Ces hommages critiques, ainsi que les innombrables classements dans lesquels figure l’album, confirment qu’All Things Must Pass reste, malgré les décennies écoulées, un monument incontournable de la musique moderne.

L’Après et la Transmission de l’Héritage

Les rééditions successives d’All Things Must Pass – en 2001, 2010, 2014 et la spectaculaire édition 50e anniversaire de 2021 – témoignent de la volonté persistante de faire vivre cette œuvre hors du temps. Chaque nouvelle édition apporte son lot de bonus, de démos inédites et de prises alternatives, offrant aux fans un aperçu rare et précieux des coulisses de la création. Ces rééditions ne sont pas de simples mises à jour techniques ; elles constituent une véritable célébration de l’héritage de George Harrison, permettant à de nouvelles générations de découvrir l’œuvre dans toute sa richesse et sa complexité.
Dhani Harrison, en supervisant ces projets, s’est attaché à transmettre non seulement la musique, mais aussi l’esprit et la philosophie de son père. Pour lui, All Things Must Pass est le témoignage d’un homme qui, malgré les difficultés et les obstacles, a su s’élever et créer quelque chose d’unique et de profondément humain.

L’Essence d’un Chef-d’œuvre : Un Voyage Sensoriel et Spirituel

En définitive, All Things Must Pass se présente comme un voyage hors du temps, une odyssée musicale qui transcende les genres et les époques. Chaque morceau, de «My Sweet Lord» à «Beware of Darkness», en passant par «Wah-Wah» et «Isn’t It a Pity», est le reflet d’une âme en quête de vérité et de beauté. La fusion de styles – rock, gospel, country, musique indienne – et l’usage audacieux de techniques de production innovantes ont permis à Harrison de créer un album qui, malgré son apparence souvent monumentale et surchargée, est d’une sincérité bouleversante.
Ce voyage sensoriel, conjugué à une réflexion profonde sur le passage du temps et l’inévitabilité du changement – comme l’illustre le titre même de l’album – confère à All Things Must Pass une dimension universelle, faisant de lui une œuvre intemporelle qui continue d’inspirer et de toucher les cœurs.

Conclusion Ouverte : Un Héritage Qui Continue de Vivre

Bien qu’il ne faille jamais conclure avec des formules de fin, il est impossible de ne pas reconnaître que All Things Must Pass incarne l’essence même de la transformation et de la liberté artistique. George Harrison, en se libérant des carcans imposés par son passé avec les Beatles, a offert au monde une œuvre qui dépasse les simples frontières du rock pour explorer des territoires spirituels, émotionnels et universels.
L’album demeure un monument de la créativité des années 1970, un témoignage vibrant de l’audace et de l’innovation qui ont marqué cette époque. Son influence, tant sur la scène musicale que dans la culture populaire, est incontestable, et il continue de servir de référence à ceux qui, en quête de liberté et d’authenticité, cherchent à transcender les conventions établies.
All Things Must Pass n’est pas seulement l’album phare d’un ex-Beatle, c’est l’expression d’un voyage intérieur, le reflet d’un homme qui a su transformer ses douleurs et ses espoirs en une symphonie universelle. à travers ses rééditions, ses bonus et ses légendaires jams d’Apple Jam, il continue de résonner et de rappeler que, malgré le passage inexorable du temps, la musique a ce pouvoir unique de transcender les époques et d’unir les âmes dans un même élan de beauté et de vérité.
George Harrison, par cet album, nous offre un héritage précieux, un message d’espoir et de renouveau qui, pour beaucoup, restera le témoignage d’un temps où la musique pouvait véritablement changer le monde.
Ce chef-d’œuvre, avec sa richesse sonore et sa profondeur philosophique, invite chacun à se laisser porter par le flot des émotions, à méditer sur la nature éphémère de la vie et à célébrer l’immense potentiel de transformation de l’art.
All Things Must Pass continue d’être une source d’inspiration, une œuvre qui, par son audace et sa sincérité, prouve que la musique, lorsqu’elle est le reflet d’une âme libre, a le pouvoir de perdurer bien au-delà des frontières du temps et de l’espace.

Ainsi, l’héritage de George Harrison vit à travers cet album, rappelant à chaque écoute que, quoi qu’il arrive, tout doit passer – et dans ce passage réside la beauté même de la vie.


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