Quatrième de couverture :
Au Pays basque, sur les berges du Baztán, le corps dénudé et meurtri d’une jeune fille est retrouvé, les poils d’un animal éparpillés sur elle. La légende raconte que dans la forêt vit le basajaun, une étrange créature mi-ours, mi-homme… L’inspectrice Amaia Salazar, rompue aux techniques d’investigation les plus modernes, revient dans cette vallée dont elle est originaire pour mener à bien cette enquête qui mêle superstitions ancestrales, meurtres en série et blessures d’enfance.
J’ai sorti ce livre de ma PAL pour l’assortir à mes vacances de printemps au Pays basque, qui est un territoire à cheval sur la France et l’Espagne. C’est un excellent roman d’ambiance, avec ces meurtres de très jeunes filles dont les cadavres sont mis en scène dans la forêt du Baztan. On est en février, l’hiver traîne en longueur et la pluie noie la vallée. C’est donc Amaia Salazar, inspectrice expérimentée, formée aux techniques du FBI à Quantico, qui est chargée de l’enquête qui la ramène au village de son enfance. Son enfance, le récit y reviendra de temps en temps et on comprendra mieux pourquoi le sommeil d’Amaia est si perturbé parfois. L’enquête prend son temps, on fait appel à des spécialistes des ours et de pâtisseries basques, en lien avec la mise en scène des corps mais l’investigation est baignée de légendes et d’êtres mythiques basques, notamment le basajaun, sorte d’homme ours protecteur, et les belagiles, de jeunes sorcières. Amaia, qui a fui le pays de son enfance et ne se fie qu’aux preuves scientifiques, verra ses certitudes vaciller dans la forêt du Baztan. Elle devra aussi essayer de se rapprocher de ses deux soeurs, impliquées dans son enquête. En ce sens, Dolores Redondo tisse habilement une fausse piste et ménage ses effets dans la révélation du coupable. C’était peut-être un peu long (519 pages quand même) mais suffisamment intéressant pour que je jette un oeil sur De chair et d’os, deuxième volet de la trilogie du Baztan.
« Amaia sourit aux souvenirs des légendes que lui avait racontées tante Engrasi dans son enfance. Il n’était pas étrange, au milieu de cette forêt, de croire à l’existence de ces créatures magiques qui avait forgé la culture ancestrale de la région. Toutes les forêts sont puissante, certaines redoutables car profondes et mystérieuses, d’autres sombres et sinistres. Dans le Baztán, la foret est fascinante, d’une beauté sereine et ancestrale qui symbolise malgré elle son visage le plus humain, le plus éthéré et enfantin, celui qui croit aux fées merveilleuses qui vivaient dans la forêt, et qui dormaient toute la journée pour sortir à la tombée de la nui afin de coiffer leurs longs cheveux dorés avec un peigne d’or qui conférait à son possesseur le don de voir ses réaliser n’importe quelle faveur. Faveur qu’elles accordaient aux hommes qui, séduits par leur beauté, leur tenaient compagnie, sans être épouvantés par leurs extrémités palmées. Amaia sentait dans cette forêt des présences si tangibles qu’il était facile d’y accepter l’existence d’un monde merveilleux, un pouvoir de l’arbre supérieur à l’homme, et d’évoquer le temps ou, en ces lieux et dans toute la vallée, êtres magiques et humains vivaient en harmonie. »
« L’architecture d’un village ou d’une ville témoigne des existences et préférences de ses habitants autant que les habitudes d’un homme révèlent sa personnalité. Les lieux reflètent un aspect du caractère, et ce lieu parlait d’orgueil, de courage et de lutte, d’honneur et de gloire. Il avait été conquit certes par la force, mais aussi grâce à l’intelligence représentés à juste titre par un échiquier, que les habitants d’Elizondo exhibaient avec la dignité de qui doit sa maison à l’honnêteté et à la loyauté dont il a fait preuve.
Et au milieu de cette place d’honneur, et d’orgueil, un assassin osait représenter son œuvre macabre, comme un roi noir impitoyable avançant implacablement sur l’échiquier et dévorant les pions blancs. Avec la même superbe, la même ostentation et la même arrogance que tous les tueurs en série qui l’avaient précédé. »
Dolores REDONDO, Le gardien invisible, traduit de l’espagnol par Marianne Millon, Folio policier, 2021 (Stock, 2013)
