Quatrième de couverture :
Un hôtel en bord de mer, à Bosque del Mar. C’est là que le médecin homéopathe Humberto Huberman a choisi de se ressourcer, espérant y trouver le calme nécessaire à l’écriture de scénarios auxquels il songe. Ce lieu reculé est pourtant loin d’être aussi apaisé qu’il le souhaite : rapidement, un des hôtes est retrouvé mort et d’autres disparaissent.
Alors qu’une tempête de sable isole encore davantage la résidence, une enquête est diligentée et les relations entre les différents personnages se tendent, chacun devenant progressivement suspect, épiant et s’alliant tour à tour avec ses voisins. De la passion à la haine, en passant par l’envie, c’est toute une palette de passions humaines qui est mise en lumière tandis que se dévoilent les fantômes et les désirs de chacun.
Grands amateurs de littérature de genre, Silvina Ocampo et Adolfo Bioy Casares tissent, dans leur unique œuvre à quatre mains, un huis clos astucieux et redoutablement efficace où leurs lectures ne cessent d’affleurer, comme autant d’influences et de personnages à part entière.
Silvina Ocampo (1903-1993) est avec sa soeur Victoria la sorcière du mois chez Lili des Bellons (sur Instagram). C’est une autrice argentine, amie de Jorge Luis Borges, mariée à l’auteur Adolfo Bioy Casares. Amateurs de polars, ils se sont (je crois) amusés à écrire ce roman à quatre mains. Silvina Ocampo a surtout écrit de nombreuses nouvelles, je m’en réserve un recueil pour le prochain mois de la nouvelle.
Ce court roman est un parfait huis-clos au parfum fantastique : le narrateur, le docteur Huberman, vient en vacances à Bosque del Mar, dans l’hôtel de sa cousine, avec l’intention d’adapter le Satyricon de Pétrone. Hélas une des pensionnaires, Mary, est retrouvée morte, manifestement empoisonnée à la strychnine. Comme on est en pleine tempête de sable, le docteur s’improvise enquêteur, avec le commissaire Aubry (qui adore citer Victor Hugo), le légiste toujours alcoolisé Montes et un détective anglais présent incognito aux côtés de la soeur de la victime. Il me faut avouer que quelques jours après cette lecture, je n’en ai pas retenu grand-chose sauf l’ambiance un peu angoissante dans l’hôtel coupé de tout, la sortie ébouriffante dans la tempête de sable et de boue pour poursuivre un coupable présumé, la passion d’un jeune garçon pour la taxidermie qui apporte une touche fantastique à l’intrigue. La résolution de l’énigme est assez conventionnelle mais on sent que le couple s’est amusé à jouer avec les codes du genre et avec de multiples références littéraires.
« Le lendemain matin Mary était morte. Peu avant huit heures quelques cris désagréables m’avaient réveillé : c’était Andrea qui m’appelait, réclamant de l’aide. J’allumai la lumière, sautai du lit en vitesse, déposai d’une main ferme les dix granulés d’arsenic sur un papier, les fis glisser sur ma langue, m’enveloppai dans ma robe de chambre violette et ouvris la porte. Andrea, les yeux en larmes, me regarda, comme si elle allait s’écrouler dans mes bras. Je gardai délibérément les mains dans mes poches. Je sus très vite ce qui s’était passé. Tandis que je la suivais dans les couloirs de l’hôtel, ma cousine me dit qu’Emilia venait de trouver sa soeur morte. Je parvins à extraire cette nouvelle de sanglots et de gémissements passablement embrouillés. J’eus un triste pressentiment. je me souvins de mes vacances attendues, du travail littéraire. Je murmurai : « Adieu, Pétrone », et pénétrai dans le temple de la tragédie. »
Silvina OCAMPO et Adolfo Bioy CASARES, Ceux qui aiment, haïssent, traduit de l’espagnol (Argentine) par André Gabastou, Cambourakis poche, 2022
Comme le livre est paru en Argentine en 1946, ce sera aussi mon classique du mois.
