Magazine Culture

Paul McCartney et Keep Under Cover : une expérimentation sonore méconnue

Publié le 01 juin 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Enregistrée entre 1980 et 1982, Keep Under Cover est l’un des morceaux les plus intrigants de Pipes of Peace. Initialement prévue pour Tug of War, cette chanson pop aux accents introspectifs bénéficie d’expérimentations sonores novatrices, notamment l’holophonie, une technique audio immersive. McCartney y joue plusieurs instruments et s’entoure de musiciens talentueux comme Stanley Clarke et Eric Stewart. Derrière sa légèreté apparente, Keep Under Cover explore des thèmes de protection et d’intimité, s’inscrivant dans l’évolution musicale constante de McCartney.


Le 31 octobre 1983, Paul McCartney a lancéPipes of Peace, un album qui marquerait un tournant dans sa carrière solo post-Beatles. Alors que l’album continue d’attirer l’attention des fans de McCartney et des connaisseurs, une chanson en particulier se distingue par son histoire de production et ses expérimentations sonores :Keep Under Cover. Sur cette piste, l’artiste nous dévoile une autre facette de sa créativité tout en explorant de nouvelles techniques d’enregistrement, faisant de ce morceau une œuvre mémorable à bien des égards.

Sommaire

La genèse de « Keep Under Cover » : un voyage au-delà des frontières du rock

En août 1980, Paul McCartney enregistre une première version démo deKeep Under Cover. à ce stade, la chanson est encore loin d’être finalisée, mais elle commence à prendre forme, portant déjà les germes de l’évolution musicale qu’il poursuivra tout au long des années 1980. Au départ, la composition semble destinée à être incluse surTug of War, l’album précédent, qui regorgeait de titres emblématiques marqués par une influence pop/rock affirmée. Cependant,Keep Under Coverne trouve pas sa place dans le ton de l’album. McCartney, après réflexion, décide de la remettre à plus tard, une décision qui sera déterminante dans son inclusion surPipes of Peace.

Comme il le confie à la BBC, la chanson, plus légère et pop, semble mieux correspondre à l’esprit de l’album à venir,Pipes of Peace. Ce dernier, qui paraîtra en 1983, est un projet qui se démarque de son prédécesseur par son approche plus douce et expérimentale, s’éloignant ainsi du rock pur pour embrasser une certaine mélancolie et une ambiance plus pop.

La transition entre ces deux albums témoigne de la capacité de McCartney à évoluer sans cesse dans sa quête de nouvelles sonorités.Keep Under Cover, dans cette optique, incarne une part de cette évolution, se démarquant par son légèreté, ses harmonies vocales et son instrumentation particulière.

Un enregistrement aux multiples étapes

L’enregistrement deKeep Under Covercommence officiellement le 7 décembre 1980, marquant ainsi la première des nombreuses sessions de production pourPipes of Peace. Cette première prise donne le ton du morceau : léger, vif, mais non encore abouti. McCartney et ses collaborateurs travaillent ensuite sur la chanson à différents moments de l’année suivante.

Si le processus de création commence en décembre, le mois de février 1981 verra l’ajout de nouveaux éléments sonores. Ce sont des enregistrements réalisés à Montserrat, où McCartney et son équipe, incluant le bassiste Stanley Clarke, peaufinent la chanson avec une ligne de basse distinctive. En parallèle, des sessions supplémentaires à AIR Studios à Londres auront lieu en mars, renforçant l’assemblage de ce morceau qui, à ce moment-là, reste un travail en progression.

L’achèvement final et l’innovation sonore

Le processus d’enregistrement deKeep Under Covers’étend jusqu’à septembre 1982, ce qui en fait l’une des chansons les plus longues à produire sur l’albumPipes of Peace. Ce n’est pas seulement l’aspect musical de la chanson qui mérite d’être noté, mais aussi les innovations techniques introduites durant l’enregistrement.

En effet, l’une des caractéristiques les plus marquantes de la production deKeep Under Coverest l’introduction d’une technologie audio révolutionnaire à l’époque : l’holophonie. Cette technique, qui permet une écoute en 3D, est mise en avant lors des derniers enregistrements. C’est Hugo Zuccarelli, un ingénieur du son pionnier dans ce domaine, qui introduit cette technologie auprès de McCartney et de son équipe.

L’holophonie, démontrée par Zuccarelli à McCartney, utilise une tête en caoutchouc, équipée d’oreilles, pour simuler le son tel qu’il est perçu par un être humain. L’expérience de cette technique novatrice est frappante : en écoutant, on entend distinctement des sons se déplacer d’un côté à l’autre, comme si les objets prenaient vie dans l’espace autour de l’auditeur. Cette expérience est mise à profit surKeep Under Coveroù l’on peut entendre le bruit d’une allumette s’allumer, un élément qui se place en ouverture de la chanson. Bien que l’expérience holophonique ne soit pas considérée comme une réussite totale en termes d’enregistrement musical, elle reste un témoignage de la recherche constante de McCartney pour expérimenter avec de nouvelles dimensions du son.

Les instruments et les voix : une alchimie parfaite

L’influence de McCartney en tant que multi-instrumentiste surKeep Under Coverest évidente. Il enregistre la chanson en jouant lui-même plusieurs instruments : guitare acoustique, guitare électrique, piano et tambourin. Ce côté « one-man band » est une constante dans son travail post-Beatles, où il aime s’impliquer à tous les niveaux dans la composition et la production de ses morceaux. Aux côtés de McCartney, la voix de Linda McCartney et celle d’Eric Stewart viennent apporter une touche supplémentaire, harmonisant le tout avec douceur.

Le bassiste Stanley Clarke, connu pour ses compétences exceptionnelles en jazz, insuffle à la chanson une ligne de basse élégante qui fait écho aux arrangements pop subtils de McCartney. Bien que l’apport des autres musiciens soit important, c’est bien l’empreinte de McCartney qui domine l’ensemble, qu’il soit derrière le micro ou l’instrument.

Les arrangements orchestraux, bien que limités, sont un autre point d’intérêt de la chanson. Bien que les détails des enregistrements des cordes et des percussions restent flous, leur utilisation judicieuse sert à l’équilibre de la chanson, lui donnant un ton à la fois léger et émouvant.

Le thème de la chanson : une réflexion intime et personnelle

Keep Under Cover, tout en étant un morceau léger et pop, porte en lui une réflexion plus profonde sur l’intimité et la protection des émotions. Le titre même évoque l’idée de se cacher, de se préserver du monde extérieur. Ce thème résonne particulièrement dans le contexte de la carrière de McCartney à ce moment-là. En effet,Pipes of Peaceest un album marqué par des thèmes de réconciliation et de solitude, des réflexions sur la guerre (notamment à travers le titre éponyme) et sur l’humanité. La chanson semble faire écho à un besoin de se protéger des tourments de l’extérieur, un besoin de se préserver tout en restant ouvert à l’expression créative.

Les paroles, tout en étant simples et directes, jouent sur une ambiguïté qui est à la fois douce et introspective. McCartney, tout en flirtant avec une certaine légèreté musicale, ne perd jamais de vue cette touche personnelle qui définit tant son œuvre solo : la recherche de paix intérieure au travers de la musique.

Le legs de « Keep Under Cover » et dePipes of Peace

Bien queKeep Under Coverne soit pas l’un des morceaux les plus connus de l’album, il incarne parfaitement l’esprit dePipes of Peace. Cette chanson représente un moment charnière dans la carrière de McCartney, où l’artiste, tout en restant fidèle à sa veine pop, ose des expérimentations sonores et des réflexions personnelles qui nourrissent son évolution musicale.

L’histoire de cette chanson, de ses multiples sessions d’enregistrement à l’introduction de l’holophonie, souligne la détermination de McCartney à toujours chercher plus loin dans ses créations.Pipes of Peace, dans son ensemble, est un album de transition, un point d’ancrage entre les expérimentations des années 1970 et les années plus électroniques et synthétiques des décennies suivantes.

Ainsi,Keep Under Covern’est pas seulement une chanson surPipes of Peace. Elle fait partie de cette longue quête de McCartney pour repousser les limites de la musique pop, tout en continuant d’explorer les profondeurs de ses émotions personnelles. C’est dans cette quête que l’artiste trouve une nouvelle manière d’évoluer, un peu comme les allumettes allumées au début de la chanson : une étincelle qui éclaire un nouveau chemin créatif.


Retour à La Une de Logo Paperblog