Le 1er novembre 1968, l’album Wonderwall Music de George Harrison voyait le jour, marquant ainsi une étape importante dans l’évolution musicale du guitariste des Beatles. Cet album, une plongée dans l’univers indien, se distinguait par ses expérimentations sonores et ses influences culturelles, loin des terrains familiers du rock occidental. Un des morceaux notables de cet album, Almost Shankara, n’a vu le jour qu’en 2014, lors de la réédition de l’album dans le cadre du coffret Apple Years 1968–75. Il s’agit d’un morceau instrumental mystérieux, fascinant, qui invite à une réflexion sur l’évolution musicale de Harrison et ses recherches profondes sur la musique indienne.
Sommaire
- La genèse de Wonderwall Music et l’influence indienne
- Almost Shankara : Une Composition Inédite et Envoûtante
- La Réédition de 2014 : Un Héritage Musical Rénové
- L’Influence de Wonderwall Music sur le Rock et au-delà
- Un Héritage Musical et Spirituel
- Conclusion : Almost Shankara et l’Inde, un Voyage Inachevé
La genèse de Wonderwall Music et l’influence indienne
En 1966, après avoir eu l’opportunité de découvrir la musique indienne, George Harrison entame un voyage musical qui changera à jamais sa carrière et sa vision artistique. Ce voyage commence par sa rencontre avec le maître de sitar Ravi Shankar, qui introduira Harrison à la musique classique hindoustanie. L’année suivante, Harrison se rend en Inde et commence à étudier la sitar, un instrument qui influencera profondément son jeu à partir de cet instant.
À la fin de 1967, après avoir vécu un profond éveil spirituel grâce à la musique indienne, Harrison se lance dans un projet solitaire, celui de réaliser un album où il pourrait pleinement exprimer ces influences. Wonderwall Music en découle, un album conceptuel qui regroupe à la fois des compositions de Harrison et des collaborations avec des musiciens indiens, dont les noms aujourd’hui légendaires comme Aashish Khan, Mahapurush Misra, et Shankar Ghosh.
L’album, qui fut d’abord conçu comme la bande-son du film Wonderwall, sorti en 1968, ne se contente pas d’être une simple collection de morceaux. Il reflète une recherche de fusion entre les sonorités traditionnelles de l’Inde et les formes musicales occidentales. Le projet ne fait pas l’unanimité au moment de sa sortie, certains critiques reprochant à Harrison son approche naïve, voire excessivement mystique de la musique indienne. Pourtant, avec le temps, Wonderwall Music est devenu un disque culte, apprécié pour sa profondeur et sa capacité à introduire un public plus large à la musique et à la spiritualité indienne.
Almost Shankara : Une Composition Inédite et Envoûtante
C’est dans cette atmosphère expérimentale que Almost Shankara prend toute sa signification. Ce morceau, qui n’a été découvert qu’en 2014 lors de la réédition de Wonderwall Music dans le coffret Apple Years 1968–75, est une perle cachée, un témoignage supplémentaire des explorations spirituelles et musicales de Harrison à l’époque.
L’intitulé du morceau, Almost Shankara, évoque immédiatement l’idée d’une forme musicale proche de la philosophie indienne. Le mot « Shankara » fait directement référence à Adi Shankara, un philosophe et théologien hindou du VIIIe siècle, réputé pour avoir contribué à la propagation du vedanta et pour ses commentaires sur les textes sacrés hindous. Ce lien spirituel se fait ressentir tout au long de la composition, qui mêle des textures sonores intrigantes, des mélodies envoûtantes, et des rythmes hypnotiques typiques de la musique indienne classique.
L’élément le plus fascinant de Almost Shankara réside dans son instrumentation. On y retrouve une myriade d’instruments traditionnels indiens, tels que le sitar, le sarod, la tabla, la shehnai, et le santoor. Ce qui frappe, c’est la diversité des sonorités et l’équilibre parfait entre le rythme et la mélodie. Le sitar et le sarod se mêlent d’une manière fluide, offrant des textures qui semblent se répondre et se compléter tout au long du morceau. Le jeu subtil de la tabla et du pakhavaj, quant à lui, met en valeur la richesse rythmique de la pièce. En ce sens, Almost Shankara est à la fois un hommage à la musique traditionnelle indienne et une exploration des possibilités infinies offertes par la fusion de ces sonorités avec l’esprit occidental de Harrison.
Le titre du morceau suggère également une certaine quête spirituelle, une tentative de capture de l’essence de Shankara, tout en reconnaissant que cette essence reste difficile à atteindre. Harrison semble ici, à travers sa musique, vouloir exprimer l’idée d’une recherche, d’une ascension vers quelque chose de plus élevé, tout en restant conscient de l’impossibilité de pleinement saisir cet idéal.
La Réédition de 2014 : Un Héritage Musical Rénové
La réédition de Wonderwall Music en 2014, dans le cadre du coffret Apple Years 1968–75, offre une nouvelle perspective sur l’album et permet de redécouvrir des morceaux comme Almost Shankara dans leur contexte historique. Cette réédition comprend trois pistes inédites qui n’étaient pas présentes dans la version originale, dont In The First Place, une composition des Remo Four, et une prise alternative de The Inner Light.
Le coffret, qui marque une époque de redécouverte et de célébration de l’œuvre de Harrison, permet également de mesurer l’impact profond de son exploration de la musique indienne sur son parcours musical. L’album Wonderwall Music et ses morceaux inédits, comme Almost Shankara, témoignent de la profondeur spirituelle et musicale qui caractérise cette période de la carrière de Harrison.
L’Influence de Wonderwall Music sur le Rock et au-delà
L’impact de Wonderwall Music et des compositions comme Almost Shankara ne se limite pas à la sphère musicale de George Harrison ou à son œuvre solo. Cet album marque une étape importante dans la manière dont les musiciens occidentaux perçoivent et intègrent la musique indienne. Si Harrison était l’un des premiers à expérimenter la fusion des deux mondes, il ne fut pas le seul à s’inspirer de cette rencontre. Des artistes comme John Coltrane, qui avait déjà exploré les frontières de la musique indienne, et des groupes comme The Rolling Stones, ont également été influencés par cette vague d’intérêt pour les sons et philosophies orientales.
Mais l’impact de Wonderwall Music s’étend bien au-delà du seul monde musical. À l’époque, la fascination croissante pour l’Inde et ses enseignements spirituels se fait également sentir dans le milieu intellectuel et culturel de l’Occident. Des figures comme Alan Watts et Timothy Leary, figures emblématiques de la contre-culture, ont popularisé les concepts spirituels orientaux auprès du public occidental, et la musique de Harrison s’inscrit pleinement dans ce mouvement de recherche et d’exploration.
Un Héritage Musical et Spirituel
La redécouverte de morceaux comme Almost Shankara dans les rééditions récentes de l’œuvre de Harrison a permis de mieux comprendre l’influence profonde de l’Inde sur sa musique. Plus que jamais, Harrison demeure une figure incontournable dans l’histoire du rock, non seulement pour son génie musical, mais aussi pour son engagement spirituel et son ouverture à des horizons nouveaux. En s’aventurant dans l’univers de la musique indienne, il a réussi à repousser les frontières du rock et à offrir à ses auditeurs une expérience sonore inédite, empreinte de mysticisme et de recherche intérieure.
À travers Almost Shankara, Harrison invite une fois de plus à l’introspection. C’est un morceau où les sons résonnent au-delà de la simple mélodie, un espace où le spirituel et le musical se confondent. Ce titre, à la fois mystique et technique, témoigne de la richesse d’une époque de profondes explorations personnelles et artistiques. Une époque où la musique devenait un moyen d’accéder à un autre niveau de compréhension, à une quête infinie de sens.
Conclusion : Almost Shankara et l’Inde, un Voyage Inachevé
En fin de compte, Almost Shankara est plus qu’un simple morceau d’album. Il est une métaphore musicale de la quête incessante d’un idéal spirituel. Une quête qui, comme le titre le suggère, reste toujours « presque » atteinte, mais jamais complètement. C’est cette recherche inlassable qui fait toute la beauté et la profondeur de l’œuvre de George Harrison, et qui, à travers des morceaux comme Almost Shankara, continue de captiver et d’inspirer les générations actuelles. L’Inde, avec ses mystères et ses enseignements, reste pour Harrison un lieu musical et spirituel où chaque exploration mène à un nouvel horizon.
