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Paul McCartney et James Jamerson : quand la basse devient chant

Publié le 06 juin 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Paul McCartney, bassiste emblématique des Beatles, a toujours revendiqué l’influence de James Jamerson, l’âme sonore de la Motown. Ce génie discret a façonné l’approche mélodique et émotionnelle de McCartney, qui lui rend hommage comme à un maître tutélaire.


Que reste-t-il à prouver lorsqu’on est l’auteur de certaines des lignes de basse les plus célèbres de l’histoire moderne ? Quand on a révolutionné la place de l’instrument au sein du rock, qu’on a vendu des centaines de millions de disques, et que son nom est devenu synonyme de mélodie, d’audace, de fluidité ? Paul McCartney pourrait légitimement s’affranchir de tout modèle. Et pourtant, lorsqu’on lui demande qui fut son plus grand inspirateur, c’est un autre nom qui surgit : James Jamerson.

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Une basse omniprésente, mais discrète

La ligne de basse de Something, le galop chaloupé de Getting Better, la souplesse rebondissante de Rain ou encore l’élan mélodique de With a Little Help from My Friends : chacune de ces performances est l’œuvre de McCartney, mais l’on oublierait presque à quel point ses lignes sont travaillées. Car là est son art : dissimuler la complexité dans la fluidité.

En cela, Paul McCartney se rattache à une tradition, celle d’un bassiste qui joue pour la chanson. Et parmi les pionniers de ce style, James Jamerson occupe une place à part. Membre emblématique du groupe de session The Funk Brothers, il fut l’architecte sonore de la Motown, accompagnant Marvin Gaye, Stevie Wonder, The Temptations, The Supremes et bien d’autres.

Une influence décisive, mais longtemps anonyme

Dans une session de questions-réponses avec ses fans, McCartney confie sans détours : « Le plus grand influenceur de mon jeu de basse fut James Jamerson ». Une déclaration qui, pour les connaisseurs, n’a rien d’étonnant. Et pourtant, Sir Paul admet que ce nom, il ne l’a appris que tardivement. Comme beaucoup, il a d’abord connu le son, avant de découvrir l’homme.

« James Jamerson est devenu mon héros. Il était très mélodique, et cela m’a vraiment intéressé », confie-t-il encore. Il ajoute avec humilité : « Je lui dois beaucoup. J’ai piqué pas mal de choses à lui. »

C’est dans cette reconnaissance qu’émerge toute la grandeur de McCartney : sa volonté de toujours apprendre, même au sommet. Il n’a jamais cherché à dissimuler ses références. A côté de Jamerson, il cite Brian Wilson comme une autre influence majeure : « Brian allait dans des endroits très inhabituels. S’il jouait en Do, il restait souvent sur le Sol pour tout retenir. J’ai commencé à comprendre la puissance que l’on peut avoir dans un groupe ».

James Jamerson, le génie de l’ombre

Né en Caroline du Sud, James Jamerson s’impose dès les années 1960 comme le cœur battant de la Motown. Pourtant, son nom demeure méconnu pendant des années. Il n’était pas crédité sur les pochettes. Les maisons de disques gardaient secret l’orchestre de studio pour préserver une illusion.

Mais ses lignes de basse parlaient pour lui : « What’s Going On », « I Was Made to Love Her », « My Girl », « Reach Out I’ll Be There »… autant de morceaux rendus inoubliables par cette basse agile, souvent improvisée, jouée sur une seule corde, et parfois enregistrée allongé au sol, comme le raconte la légende avec Marvin Gaye.

La vision de Jamerson ? Faire chanter la basse, lui donner une vie propre, sans jamais étouffer la mélodie vocale. Il s’éloignait du simple marquage du temps pour construire un contrepoint à la voix. Cette idée, McCartney l’a reprise à son compte, dans les Beatles, puis au sein des Wings.

Trois hommes pour une révolution

James Jamerson, Brian Wilson, Paul McCartney. Trois bassistes, trois esthétiques, mais une même résolution : faire de la basse un vecteur d’émotion.

Jamerson, avec son groove fluide et sa science du placement. Wilson, avec ses modulations inattendues et son sens de la tension harmonique. McCartney, enfin, qui combine la mélodie chantante de l’un avec les audaces de l’autre. Ensemble, ils redéfinissent ce que peut être un bassiste.

À l’ère où l’on glorifie la virtuosité technique à la Jaco Pastorius, ces trois-là rappellent que la vraie grandeur réside peut-être ailleurs : dans la capacité à servir la chanson, à faire danser l’âme, à souligner l’essentiel sans jamais l’écraser.

L’héritage invisible

Que Paul McCartney désigne Jamerson comme son héros n’est pas anodin. C’est un hommage rendu au silence. À ces notes qui glissent, qui soutiennent, qui racontent, sans chercher la lumière.

Pour les musiciens, Jamerson est depuis longtemps un dieu tutélaire. Mais pour le grand public, son nom reste trop souvent en retrait. Le fait qu’un Beatles lui rende justice, publiquement, est aussi une manière de remettre les choses à l’endroit.

La prochaine fois que vous entendrez une ligne de basse souple, chantante, comme détachée du temps mais ancrée dans l’instant, pensez à James Jamerson. Et souvenez-vous que même les géants ont leurs géants.


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