La collection « DUO L » des éditions de la Lune bleue propose des livres en tête-bêche qui mettent à l’honneur deux poètes, un homme et une femme, autour d’un thème commun.
Le 3e livre de cette collection est paru en été 2024 sur le thème des Liens. Il allie Après l’averse de Valérie Canat de Chizy (née en 1974) et Comme un lieu entre de Morgan Riet (né en 1974).
Ces poèmes sont accompagnés des dessins de LaOdina (aquarelle, pastel et encre).
A noter : les éditions de la Lune bleue ne souhaitent pas recevoir de manuscrits.
Mon Avis
J’ai apprécié de lire ce double recueil en gardant à l’esprit le thème commun des liens. Un thème assez vaste pour permettre de multiples inspirations. Il m’a semblé que Valérie Canat de Chizy explorait surtout les liens interpersonnels : relations avec des amis, avec le père défunt, avec le chat aux yeux bleus, rencontres imprévues. Mais elle nous parle aussi du lien avec la nature ou de celui avec les mots, par les conversations, les textos, l’encre des poèmes. Chez Morgan Riet, le thème des liens m’a semblé plus caché, plus allusif, à retrouver en filigrane de texte en texte. Ce sont certains mots qui nous frappent : le lien avec le passé (dans « Dédale« ), une nostalgie, les ponts des poèmes « Longues-sur-Mer » et de « Comptine« , la fenêtre ouverte qui fait le lien entre intériorité et monde extérieur, la « grève des phonèmes » (dans « Autant dire« ) qui inspire le poète. Les poèmes de Valérie Canat de Chizy n’ont pas de titre mais leur forme épurée et limpide suffit à nous éclairer, en toute liberté. Les textes de Morgan Riet sont au contraire titrés, ce qui oriente agréablement notre lecture et met en relief certains mots, certaines interprétations. L’humeur des deux poètes m’a semblé complémentaire également : Valérie Canat de Chizy se tourne résolument du côté de la joie, des liens heureux, tandis que l’atmosphère chez Morgan Riet est davantage en « Demi-teinte« , ce qui est d’ailleurs le titre d’un de ses très jolis poèmes sur la musique.
Un livre fort agréable, dont le double regard apporte de très riches juxtapositions et parallèles.
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Aux anges qui passent
Couverture du côté Morgan Riet.
Cette fenêtre
qu’on ouvre
au mitan des heures qui s’étirent
et bayent
aux corneilles,
et au chant du linge
séchant au vent,
et aux chats pachas
alanguis, avachis
sur les murs, les trottoirs
et les balcons alentour ;
cette fenêtre
qu’on ouvre
aux anges qui passent,
et depuis laquelle on regarde
à l’intérieur
de soi,
tout en courant
sur la corde d’un songe.
Morgan Riet
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mon père je sais
qu’il est là
penché au-dessus
des nuages
et qu’il veille
sur moi
je change les fleurs sur la pierre tombale
comme chaque fois
l’eau se fait rare
remplir l’arrosoir
prend du temps
dans l’absence et le silence
flotte un je ne sais quoi
de lui
Valérie Canat de Chizy
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