Quand rentrent les marins

Présentation de l’éditeur :

Myrtle est aussi réservée, sage et modeste qu’Annie est pétulante, séductrice et vaniteuse. Élevées dans un petit port perdu au fin fond de l’Écosse, elles ont appris ensemble à devenir des femmes. Des femmes de marins pêcheurs, dont le lot quotidien est lié à chaque caprice de l’océan, au retour de leur homme, aux rumeurs qui enflamment tout le village dès qu’un étranger en frôle le pavé… Patiemment, Myrtle s’emploie à calmer les tocades passagères de son amie et à pallier sa négligence à l’égard de Janice, l’unique fille d’Annie. Jusqu’au jour où survient le pire, et où le drame emporte avec lui tous les remparts contre les déchaînements des passions. Contre ces non-dits qui éclatent avec d’autant plus de force qu’ils ont été si savamment et si longtemps protégés.

Quel bonheur de retrouver la plume d’Angela Huth et la finesse de ses analyses psychologiques ! Ce roman sans chapitre commence dans la cuisine de Myrtle, au cours d’une après-midi avec son amie Annie, pendant que leurs maris sont en mer, sur le bateau de pêche d’Archie, mari de Myrtle. Elles sont amies depuis l’enfance, une amitié pas sans nuages mais la sagesse, le bon sens, l’abnégation de Myrtle compense le tempérament jaloux et aguicheur d’Annie. Le récit fera sans cesse des aller et retours dans le passé pour comprendre ces deux femmes, leur caractère, leur relation, leur mariage. Nous sommes en Ecosse, dans un petit village de pêcheurs de la côte est et les personnages secondaires qui se succèdent dans la cuisine de Myrtle sont nombreux, très intéressants et touchants. C’était doux d’accompagner la grande Myrtle, qui se croyait laide et a réussi à conquérir sans bruit le secret Archie Duns et la belle Annie qui voulait tous les hommes à ses pieds et s’est résolue à épouser Ken, un homme qu’elle n’aimait pas vraiment. La vie en mer joue un grand rôle (pour satisfaire les caprices d’Annie, Ken fait un double métier et n’est plus assez fiable en mer ; Archie le somme de renoncer à cette double vie fatigante) mais nous voyons tout depuis la terre, depuis le village, depuis la maison des Duns.

Angela Huth a un don particulier pour analyser les sentiments, amour, amitié, désir, deuil, observer les relations hommes-femmes, lier ici les sentiments à la nature, au ciel et à la mer. Son récit prend son temps, on a parfois envie d’envoyer bouler Annie ou de secouer un peu Myrtle pour qu’elle échappe à l’influence de son amie mais on ne peut qu’admirer les portraits, les ambiances tracés par la romancière.

« Les femmes de pêcheurs ont coutume dans la journée de jeter de multiples coups d’œil vers l’horizon, mais il faut être des leurs pour savoir repérer ces regards furtifs, la lueur d’angoisse au fond de ces yeux prématurément vieillis par l’examen répété de la mer lointaine. » (premières lignes)

« L’univers des marins  est un monde coupé de tout, dont les réalités sont inconcevables pour quiconque n’est jamais resté plusieurs jours dans un navire aux relents de poisson tanguant solitaire sur les vagues ; un monde où les heures de loisir se déroulent forcément dans des quartiers aussi exigus que peu ragoûtants, avec en permanence des odeurs de vieille friture et de corps pas lavés . Lorsqu’ils rentrent chez eux , les hommes veulent oublier tout cela. »

« S’il y avait une ombre, en tout cas, qui ne pouvait jamais être effacée, c’était l’angoisse. Héritée de génération en génération, l’angoisse, pour les femmes dont les hommes gagnaient leur vie en mer, était comme un papillon prisonnier de leurs entrailles : battant des ailes, se cognant, il n’arrivait jamais à s’évader et restait rarement tranquille. Quand, après une période en mer, le pêcheur rentrait chez lui quelques jours, ces ailes terrorisées s’apaisaient si brièvement que les zones lésées n’avaient aucune chance de guérir. »

Angela HUTH; Quand rentrent les marins, traduit de l’anglais par Anouk Neuhoff, Quai Voltaire, 2013

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