Pendant plus de soixante ans, Pete Best, premier batteur des Beatles évincé en août 1962, n’a jamais échangé un mot avec Paul McCartney. Recruté pour leurs concerts au Casbah puis à Hambourg, Best est remplacé par Ringo Starr juste avant le succès de « Love Me Do ». Dévasté, il quitte la musique avant de mener une vie discrète, puis perçoit enfin des royalties grâce à l’Anthology en 1995 – coup de fil attribué à Neil Aspinall, pas à McCartney. Depuis, Best se montre ouvert : tweet d’invitation en 2024, main tendue, aucune rancune. À 83 ans, il annonce sa retraite, tandis que McCartney poursuit ses tournées. Le temps presse : fans et médias espèrent une rencontre qui refermerait ce chapitre fondateur de la légende Beatles.
Pete Best, premier batteur des Beatles de 1960 à 1962, n’a jamais parlé directement à Paul McCartney depuis son éviction du groupe en août 1962. Le phénomène peut surprendre : après tout, les deux hommes ont traversé ensemble les années formatrices du groupe, et on aurait pu penser qu’ils auraient fini par se croiser au cours des six dernières décennies. Pourtant Pete Best confirme à plusieurs reprises qu’aucune rencontre « de vive voix » n’a eu lieu. « Il n’a jamais parlé à aucun des Beatles depuis qu’il a été évincé », rapporte ainsi The Irish Times. Même l’affirmation selon laquelle Paul McCartney l’aurait contacté à l’occasion de la sortie de l’anthologie des Beatles se heurte à son démenti catégorique. Du coup, des voix s’élèvent pour souligner combien il serait logique aujourd’hui de renouer ce lien coupé trop longtemps.
Les Beatles à leurs débuts vers 1961 (de g. à d. George Harrison, Pete Best, Paul McCartney et John Lennon). C’est avec cette formation originale, avant l’arrivée de Ringo, que Pete Best a vécu son renvoi brutal.
Sommaire
- Démarrage fulgurant, fins difficiles
- Anthologie Beatles (1995) : l’épisode du téléphone
- 60 ans plus tard, toujours pas de face-à-face
- En 2024, un tweet audacieux
- Les deux légendes vieillissent
- Vers une réconciliation possible ?
Démarrage fulgurant, fins difficiles
L’histoire commune de Pete Best et de McCartney commence à Liverpool, où la mère de Pete, Mona Best, tient le Casbah Coffee Club. C’est dans ce petit club que le jeune batteur reçoit les Beatles pour leur première résidence. Pete Best y joua notamment 76 fois avec le groupe dans ces années 1959-1962. En 1960, il part avec eux en Allemagne, contribuant à forger le son nerveux du groupe à Hambourg. Mais en août 1962, quelques semaines à peine avant le succès planétaire de Love Me Do, la malheureuse décision tombe. Paul McCartney, John Lennon et George Harrison exigent le remplacement de Pete Best par un batteur plus expérimenté. Ils envoient alors leur manager Brian Epstein annoncer la nouvelle au jeune musicien. « Les autres membres du groupe ne pensaient pas que mon jeu était à la hauteur », confiera plus tard un responsable des Beatles. Epstein demande alors à Pete de quitter le groupe – il sera remplacé par Ringo Starr – marquant l’arrêt brutal d’une ascension en plein essor.
Pour Best, ce coup de théâtre fut un choc. Il éclate en sanglots auprès de sa mère une fois rentré chez lui. Sa vie bascule : il tente un autre groupe mais déprime, envisage même de mettre fin à ses jours au milieu des années 60. Il quitte le show-business en 1968 et entame une vie ordinaire – ouvrier, fonctionnaire – pendant deux décennies. À l’image du titre dont les Beatles choquent les foules (« I Feel Fine », etc.), Pete Best ressent encore longtemps les vibrations de son éviction.
Anthologie Beatles (1995) : l’épisode du téléphone
Alors que les autres Beatles goûtent enfin à la gloire planétaire, Pete Best reste en marge. Ironie de l’histoire, ce n’est qu’en 1995, lors de la sortie de l’album Anthology 1, que ses contributions lui rapportent de l’argent. Plusieurs titres enregistrés entre 1960 et 1962, sur lesquels Pete jouait de la batterie, sont inclus dans cette compilation. Selon l’écrivain et biographe Phillip Norman, Paul McCartney aurait profité de l’occasion pour « réparer certains torts ». D’après Norman, McCartney aurait appelé Pete pour lui annoncer qu’il allait recevoir les royalties dues pour ces enregistrements, lui déclarant : « Some wrongs need to be righted. There’s some money here that’s owing to you and you can take it or leave it ». Pete Best a en effet accepté l’argent, mais il conteste la version de la voix du téléphone. Celui-ci affirme qu’en réalité c’est Neil Aspinall, l’homme de confiance des Beatles, qui l’a contacté, et non McCartney lui-même. Comme il l’a confirmé au Irish Times en 2020 : « Paul McCartney prétend m’avoir appelé, mais il ne l’a pas fait ».
Quoi qu’il en soit, Pete Best a perçu les royalties qui lui étaient dues. Il a même offert aux producteurs de Anthology un témoignage audio, mais celui-ci ne fut pas retenu dans le documentaire télévisé du projet. Mais en coulisses, l’affaire montre bien qu’il n’y eut pas de communication directe ni de retrouvailles entre McCartney et l’ancien batteur. Pete Best rapporte qu’il était même resté dans l’ignorance jusqu’à l’annonce du versement : « La première chose qu’il a su, c’est un appel téléphonique de celui qui avait tant voulu le virer – la première fois qu’ils parlaient depuis que c’était arrivé », commente Phillip Norman. Cette lacune de dialogue va imprégner durablement la relation (ou l’absence de relation) entre les deux hommes.
60 ans plus tard, toujours pas de face-à-face
Au fil des années, Pete Best a souvent rappelé qu’il n’avait jamais pu confronter McCartney à sa décision de le renvoyer. Dans une longue interview au Telegraph en 2018, il insiste : il n’a jamais parlé à McCartney (ni à Ringo) depuis son licenciement. Il raconte aussi que Paul McCartney lui avait régulièrement laissé entendre vouloir un jour le retrouver, et que lui n’avait jamais fermé la porte. « Paul a toujours laissé entendre qu’il aimerait qu’on se revoie. Ma porte lui est toujours grande ouverte », confie Pete Best. En somme, le lien brisé n’est pas fermé de son côté.
À un journaliste qui lui demande s’il aimerait rencontrer McCartney, Best ne fait pas de mystère : c’est « plus qu’envie ». Il peint même le tableau d’une rencontre décontractée : « Nous sommes devenus des vieux sages maintenant… Combien de temps nous reste-t-il à vivre, ça se voit. Parle-t-on de tout simplement : posons une bouteille de scotch sur la table et discutons tranquillement ? ». Cette image pleine d’humour (et de sagesse) est la meilleure preuve de son esprit de conciliation. Pete Best ne veut plus de querelle ; les « blessures du passé » sont refermées. Comme il le déclarait en 2020 au Irish Times, « Je n’ai rien à lui pardonner… Ils ont pris leur décision en tant que jeunes hommes pour préserver leur avenir. OK, ça aurait pu être géré mieux. J’ai été le bouc émissaire, j’ai souffert, mais je ne leur en tiens pas rigueur ». Finalement, l’ancien batteur se dit chanceux d’avoir pu rebondir : « Je n’ai aucun regret… J’ai eu une sacrée chance. Je suis très fier de ce que j’ai accompli. Je crois que j’ai été une source d’inspiration ».
En 2024, un tweet audacieux
L’actualité récente a encore ravivé le débat. En juin 2024, à l’occasion du 82ᵉ anniversaire de Paul McCartney, Pete Best a publié un message public sur les réseaux sociaux. Le texte, sans ambiguïté, contenait à la fois des vœux d’anniversaire et une proposition inattendue : « Joyeux anniversaire en retard. Je ne suis pas loin derrière toi. Si tu veux bien de moi comme première partie à Manchester, fais-le moi savoir. Imagine… ce serait quelque chose. ». Concrètement, Pete se proposait d’ouvrir la prochaine série de concerts de McCartney, qui s’annoncent dans le nord de l’Angleterre. Les médias – et les fans – ont salué cette sortie « en forme d’invitation franche » qui laisse la balle dans le camp du vieil ami (voir le tweet complet cité ci-dessus).
Ce tweet n’a, pour l’instant, rien fait changer sur le terrain. Paul McCartney n’a pas répondu publiquement. Les concerts de Manchester de décembre 2024 se sont déroulés comme prévu, sans Pete Best dans la première partie. Mais le geste de Pete Best a souligné une nouvelle fois son ouverture à la discussion. Dans les forums comme dans la presse musicale, on a commenté le caractère « osé et touchant » de cette proposition. Elle montre que, même maintenant, Pete n’a pas coupé les ponts du dialogue – il l’appelle de ses vœux, à sa manière simple et directe. D’après le journaliste Andrew Korpan (ClutchPoints), cette publication rappelait que Pete cité dans le post : «… avait envoyé ses vœux avant de proposer d’ouvrir ses shows à Manchester», sous-entendant clairement son désir d’une réconciliation scénique.
Les deux légendes vieillissent
L’invitation reste sans réponse, mais le contexte a changé : Pete Best et Paul McCartney avancent tous deux en âge. McCartney vient d’avoir 82 ans, et Pete aura 83 ans en novembre 2024. Le temps n’est plus à l’indifférence : la mort récente de vétérans de la pop (comme le leader des Beach Boys Brian Wilson en juillet 2023) rappelle la brièveté de la vie. Pete Best lui-même a officiellement annoncé sa retraite début avril 2025. Sa famille – notamment son frère Roag – a confirmé qu’il mettait fin à ses apparitions publiques « en raison de circonstances personnelles ». Il quitte la scène, le dernier « invité » de l’histoire des Beatles à s’éclipser. Dans ce contexte, on comprend bien que « l’occasion ou la porte pour se réunir » pourrait ne plus se présenter longtemps.
Dans sa récente interview à The Guardian (avril 2025), Pete Best répétait qu’il ne nourrissait aucun ressentiment envers ses anciens camarades. « Je ne m’en préoccupe absolument pas », insistait-il en 2024, soulignant que l’éviction remonte à 60 ans. « Pour moi, c’était il y a soixante ans, et j’ai mené ma vie. J’ai eu une vie formidable. Ça m’a fait mal au début, mais c’est le show-business ». Cette sérénité témoigne du chemin parcouru. Du côté de McCartney, on ne trouve guère de déclaration récente sur Pete Best – le bassiste se concentre essentiellement sur ses projets en cours. Mais des textes rares confirment que le souvenir reste présent, sans animosité ouverte.
Vers une réconciliation possible ?
Au bout de six décennies, le lien fraternel tissé entre McCartney et Best dans leur jeunesse mériterait peut-être d’être célébré. Le rôle de Pete Best dans la préhistoire des Beatles, bien que minoré depuis 1962, est désormais incontestable : il a mis la batterie au service du groupe durant les premiers chapitres légendaires. Des spécialistes de la musique rappellent qu’à l’époque la décision de le remplacer était aussi cruelle que stratégique. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui regrettent que Paul et Pete n’aient jamais pris le temps d’échanger au moins une fois en tête-à-tête. Les déclarations de Pete – ouverture, absence de haine, proposition d’une rencontre informelle – montrent qu’il n’en veut plus à personne.
Dès lors, une question demeure : Paul McCartney répondra-t-il un jour ? Le public et les médias évoquent cette éventualité avec bienveillance. Les frères de Best l’ont suggéré à demi-mot, et même la presse generaliste s’empare de l’histoire (« Le batteur du Cavern Club réclame sa revanche », titre The Telegraph par exemple). Un article enflammé pourrait glisser que « Paul devrait tendre la main », mais le style journalistique prudence. On peut toutefois noter que McCartney, dans ses rares récits publics, a déjà rendu hommage indirect à Best : par exemple, il n’a jamais critiqué publiquement Pete – contrairement aux propos médiatisés de John ou George – et a toujours accepté que ses premières sessions (puisque la « mystification » de l’album Anthology est connue) incluent le travail de Best.
On se souvient aussi que Ringo Starr, le remplaçant, avait une certaine admiration pour Pete. Dans les années 90, Ringo aurait même plaisanté sur l’idée de ramener Pete dans l’action. Mais la tragédie a laissé une place permanente à Pete Best dans la légende des Beatles, au-delà des anecdotes. Aujourd’hui, Pete Best lui-même rappelle qu’il a « été une chance incroyable » dans sa vie, et qu’il serait heureux de « parler de choses en général » autour d’un verre avec Paul. Et McCartney, qui affiche une longévité rare, pourrait bien décider qu’il est temps de clore ce chapitre à leur manière – dans l’amitié.
Au final, les fans comme les journalistes espèrent une conclusion apaisée à cette histoire. Si ce face-à-face tant attendu a manqué le coche en 2024, nul doute qu’il reste dans l’air comme un vœu pieux partagé. Comme l’a fait observer Pete Best, la vie est désormais une suite d’années prévisibles, et le temps est compté. Une rencontre entre les deux « vétérans » légendaires ne réglerait pas tous les comptes, mais elle viendrait clore d’un trait amical une page douloureuse de leur histoire commune.
