Comment lutter contre la perpétuation de la violence coloniale ? En sortie le 16 juillet 2025 dans les salles françaises, le premier long métrage de Maxime Jean-Baptiste propose une plongée radicale dans la mémoire guyanaise.
Melrick, un jeune de 13 ans qui vit à Stains, est en vacances chez sa grand-mère à Cayenne. Il apprend avec passion le tambour, ce même tambour fait d’un tonneau de plastique que jouait son oncle Lucas qui fut tué en marge d’une fête d’anniversaire en 2012, un meurtre qui secoua la Guyane.

C’est par des archives de ses funérailles et les appels de la famille à juguler la violence que débute le film. Puis, Melrick et sa grand-mère préparent à manger en discutant relations sentimentales, ce qui inscrit la tragédie dans un quotidien heureux. Le va-et-vient sera permanent, entre le poids du traumatisme et l’énergie de la jeunesse. En quête de justice, Melrick voudrait-il s’inscrire dans le cercle vicieux de la violence ? Ce serait spontané si la grand-mère n’avait pas elle-même pardonné aux assassins. Elle sait dire avec simplicité que la vengeance n’est pas la solution.

Dans ses entretiens avec un soignant, Yannick, grand ami de Lucas, gravement blessé alors qu’il avait cherché à le protéger, évoque le travail de sape de la violence dans un environnement qui pourrait être paradisiaque. Des peintures murales rappellent combien Lucas, surnommé DJ Turbulence tant il était positivement indocile, avait pu être l’ami fidèle et un modèle pour beaucoup. C’est dans ces limbes de la mémoire, nimbées de bleu à l’écran, que se démène Yannick tandis que Melrick tente de trouver sa place en participant à un groupe de musique où avait tambouriné son oncle. Comme s’il était guidé par l’absent, il restaure le lien familial dans le feu d’une transmission générationnelle brutalement rompue.
Toujours cadré serré, comme les autres protagonistes, Melrick est l’incarnation d’une volonté d’aller de l’avant sans renoncer à la mémoire. Il dit refuser d’être le pigeon des réseaux sociaux et se met à l’écoute de sa grand-mère. Il trouve dans la musique le lien communautaire qui permet à cette culture minorisée de s’affirmer.
D’apparence décousue, le film ne pâtit pas de sa petite économie et profite au contraire de sa modestie : dans leur durée, ses plages sont des plateaux d’intensité. Leur relation apparaît peu à peu, sans que la succession des séquences ne définisse un récit. Ce sont les strates d’un mille feuilles qui se complètent sans hiérarchie : funérailles, grand-mère, souvenir de Lucas, Melrick tambouyé, premier concert, énergie du groupe… Le rhizome qui les relie est souterrain, à construire dans notre tête. Il est à la fois mémoire post-coloniale et devenir. Il est conscience de la perte mais propose d’écouter ensemble les vécus à transmettre. Kouté vwa : écouter les voix.
Kouté Vwa
Kouté-Vwa Bande-annonce VF
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