Les gens disent « Mais à quoi ça te servirait de savoir ? ». Parce que pour eux, un diagnostic c’est une étiquette réductrice, parce qu’être autiste c’est une tragédie et une infamie. Ils vivent dans un monde fait pour eux, dont ils ont les codes. Et à toi qui souffres de ne pas être de ce monde, à qui on l’a bien fait comprendre depuis toujours, à toi dont la vie déraille, dérape dans l’inconnu, on te demande réellement dans le plus grand des calmes à quoi ça te servirait de comprendre comment tu fonctionnes. À toi qui te confrontes chaque jour à l’incompréhension, à des solutions qui ne font qu’aggraver tes problèmes ou dans le meilleur des cas n’y apportent aucun apaisement, à toi qui marches dans cette vie, depuis que tu es née, avec le poids de ton décalage incompris, à toi qui en est devenue folle, à toi qui a été psychiatrisée, à toi qui a été anesthésiée par les neuroleptiques pendant 25 ans, sans parler de leurs effets dévastateurs sur ton corps et ta santé physique, à toi qui es au bord du suicide, on demande réellement ce que ça t’apporterait de savoir.
Tu ne sais pas, à tout hasard, comprendre ton fonctionnement et celui des autres, arrêter de t’épuiser parce que tu veux te conformer à ce qu’on attend de toi, alors qu’en fait, ton cerveau est juste différent et que tu ne peux y arriver qu’au prix d’une grande souffrance. Comprendre tes besoins et les respecter. Les faire comprendre aux autres, même si tu ne te fais aucune illusion, la plupart des gens ne voudront pas les entendre, mais ce sera toujours plus facile que quand toi même tu les ignorais. Te pardonner au sujet de toutes ces choses que tu n’as pas faites comme il fallait, sortir de la culpabilité et de la haine de soi. Avoir accès à des aides éventuelles. Sortir du cercle vicieux du burn out et apaiser des douleur chroniques devenues invalidantes. Te comprendre. Te respecter. T’aimer, pourquoi pas.
Voilà ce que ça t’apporterait, entre autres choses. Mais comment des gens qui se croient obligés de parler avec des euphémismes et des périphrases ridicules, « porteur d’un trouble du spectre de l’autisme », « atteint d’autisme », comme si dire « Il ou elle est autiste » était la pire des condamnations et des stigmatisations, des insultes même, là où on parle juste, juste et uniquement, d’un fonctionnement neurologique différent, comment ces gens pourraient ils imaginer une seconde tout cela ?
Et comme ils ne l’imaginent pas, comme ils préfèrent nier ton ressenti (« tu es comme ci ou comme ça donc tu ne peux pas être autiste »), comme ils ont en tête uniquement les représentations d’un garçon ou un homme blanc génial et que tu n’y corresponds pas, ils te disent que tu t’imagines des choses. Ils ne connaissent rien au sujet mais ils savent que tu ne peux pas être autiste. Ils ne savent même pas qu’un cerveau peut avoir un fonctionnement atypique , mais ils savent qu’un diagnostic ne servirait qu’à te réduire à une étiquette. Ils savent beaucoup de choses pour des gens qui ne connaissent rien au sujet dont ils parlent. Et comme d’habitude, c’est toi qui en fais les frais.
