Lire, c'est accepter d'apprendre, de découvrir, c'est s'ouvrir les sens, se confronter à des nouvelles idées, différentes personnalités, différents choix, c'est explorer des univers, des époques, tremper dans des milieux, dans des têtes. C'est danser sur les méninges d'un(e) autre. C'est se calibrer la respirations sur le rythme de quelqu'un d'autre.
Et respirer, c'est vivre.

"Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier. C’est l’enfer, l’éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !"
Arthur Rimbaud a 19 ans quand est publié son unique oeuvre encadrée. C'est-à-dire pour lequel il a fait des efforts d'éditions, mis en ordre sa prose sur 53 pages, et calculé les exemplaires à faire publier. Il avait commencé, 4 ans avant, à écrire dans un style, en 1869, tout à fait nouveau. Voire abstrait. "Changer la vie", "posséder la vérité dans une âme et un corps", "...où chante une rivière", "Pâle dans son lit vert où la lumière pleut".

Son oeuvre hallucinatoire bouleversera les codes tout en inspirant les romantiques et les surréalistes. Divisé en 9 partie, dont la seconde porte le nom que volera Leos Carax pour un des trois films de sa trilogie de l'abîme. Sa sublime trilogie de l'abîme. Carax traitant alors précocement du mal Sidéen qui se dessinait au début des années 80. Le symbolisme de Rimbaud est étroitement lié à sa passion éteinte avec Verlaine, dont les cendres sont alors toutes fraiches. Rimbaud était un jeune homme trouble. Sensible et intense. Sombre et transgressif. Décrivant les perceptions humaines avec une acuité mystifiante. La 3e partie restant la plus sombre alors qu'il anticipe sa mort.

Se considérant "en enfer", il plonge directement au coeur de sa relation avec "l'époux infernal" à partir de la 4e partie. Et bien que mélancolique, ce qu'il écrit reste fort joli. Il est facile de lire la toxicité de sa relation, ce qu'il ne semble pas complètement assimiler pleinement. Rimbaud ne vivra que 20 passé sa relation avec Verlaine et ça fera partie de sa légende. Avec un sens de la fabrication du mythe, il a fait croire qu'uniquement 7 copies d'Une Saison en Enfer, n'existait plus, car il avait tout brûlé dans un excès de rage, mais quand il décède, du cancer, on trouvera chez lui 425 copies de son unique livre de prose.


Il est furieusement jeune et bouillant de sentiments. Robert Mapplethorpe, poumon gauche de Patti Smtih à son arrivée à New York dans les années 60, a fait un album photo accompagné des poèmes d'Une Saison en Enfer avec (entre autres) Eric Roberts dans les images. Inspirant, je vous dis. Dans l'excellent I'm Not There de Todd Haynes, racontant de manière surréaliste des passages de la vie et de l'oeuvre du grand Bob Dylan, une de ses multiples incarnations est jouée par Ben Whishaw, incarnant tout simplement, Arthur Rimbaud.
Mariage parfait entre époux et démons.
À 16-17 ans, on nous avait fait apprendre Le Dormeur du Val par coeur. On avait l'âge (peut-être) de son auteur au moment de le conceptualiser.
On nous apprenait alors à tendre la main à la beauté.
De notre monde, de plus en plus évacuée.
Every fucking day.

C'est du délire organisé prosé.
C'est un bouquet d'insoumission totale qui a de l'humour, du culte, de l'absurde et du surréalisme.
De toutes le formes connues, c'est un très beau prisme.
