Magazine Culture

L’errance médicale

Publié le 26 juillet 2025 par Lana

Mon kiné me disait hier qu’il trouvait ça impressionnant tout ce que je vivais depuis un an et demi, et que malgré tout je ne lâchais rien. Je lui ai répondu que ce n’était rien par rapport à ce que j’avais vécu avant.

Ce que je vis pour le moment est très difficile, c’est vrai. Entre les douleurs, les différents symptômes inexpliqués, l’état psychologique qui en prend un coup, le temps passé à essayer de chercher des solutions, des réponses, des personnes pour m’aider, la multiplication des rendez-vous, les médecins qui répètent tous Vous dépassez mes compétences, les effets secondaires des nombreux médicaments que je passe mon temps à essayer, l’impossibilité de trouver une routine pour me stabiliser un peu, mon état qui peut varier à tout moment, le handicap que ça représente au quotidien et la douleur de se voir diminuée, oui, c’est très difficile.

Mais je suis une adulte, qui a accès à de l’information, qui sait faire le tri dans cette information, je connais les mots pour parler de ce qu’il m’arrive, je suis très entourée, je peux parler de tout cela avec des gens de confiance et j’ai fini par avoir autour de moi une équipe de choc au niveau médical. Je peux demander de l’aide à beaucoup de personnes.

Quand je suis tombée malade à 17 ans, je ne comprenais absolument rien à ce qui m’arrivait, je n’avais pas les mots pour dire ce que je ressentais et absolument personne à qui en parler. Il n’y avait pas encore internet et c’était donc beaucoup plus difficile de s’informer sur ce genre de sujet. Je ne savais même pas que je pouvais en parler à un médecin, voilà d’où je partais.

Il a fallu sept ans avant que je trouve quelqu’un avec qui je me sentais avancer, sur qui je pouvais compter. Sept ans pendant lesquels je me suis débattue quasiment toute seule contre la folie et un système maltraitant. Sept ans à essayer de survivre en n’ayant pas les idées claires, aucune réponse à mes questions et où chaque démarche coûte une énergie incroyable. Par exemple, un jour, quand je vivais en Espagne, j’avais décidé d’aller demander à l’hôpital si je pouvais avoir un rendez-vous avec un psychologue. J’ai dû m’y reprendre à trois fois, parce que c’était trop difficile de rentrer et de demander comment faire. Juste ça, oui, c’était au-dessus de mes forces. Et c’était comme ça tout le temps, pour tout.

Pendant sept ans, les aides que j’ai eues sont les suivantes : un ami qui m’a aidée à trouver le nom du premier psychiatre que j’ai vu, puis m’a coachée pour préparer le rendez-vous avec le second. C’est ami a été une personne très importante pour moi, car il allait mal lui aussi et c’est la première personne à qui j’ai osé parler de ce que je vivais. Il m’a répondu « Ça ne m’est pas du tout étranger » et ça reste à ce jour une des plus belles choses qu’on m’aies dites. Mais il n’est resté que quelques mois dans ma vie. Une de mes colocataires, en Espagne, qui est venue avec moi à un rendez-vous chez une psychologue. Et quand elles sont venues toutes les trois me chercher à la sortie de l’hôpital.

Au point de vue des soignants, je ne vais pas réexpliquer ici toutes les maltraitantes subies pendant ces sept ans, ce serait beaucoup trop long, mais parler des aides que j’ai reçues: la psychologue de la fac que je voyais. Le courant passait bien avec elle, mais je crois qu’elle était dépassée par la situation et ne pouvait pas continuer à me suivre parce que les vacances arrivaient et qu’après j’allais aller dans une autre université. La psychologue en Espagne, qui m’a vraiment écoutée, mais qui m’a dit que c’était un psychiatre que je devais voir, et prendre des médicaments, et que même si elle acceptait de me suivre, la liste d’attente était si longue que je serais rentrée en Belgique avant d’avoir une place. Une infirmière, à l’hôpital, qui m’a pris la main.

Voilà. C’est tout. Ça ne fait pas grand-chose au milieu de sept ans de silence, de mépris, de minimisation, de refus de soin, de ne pouvoir compter que sur moi-même, de folie, de peur, de souffrance terrible avec la certitude de finir folle et enfermée, de supplier pour avoir des réponses à mes questions, de maltraitance médicale, d’incompréhension, d’épuisement, de solitude.

Parce que n’oublions pas que j’étais juste une gamine, en fait. Une gamine terrorisée qui ne savait rien et ne comprenait rien et qui n’a reçu quasiment aucune aide. Et qui a, à ce jour je ne comprends toujours pas comment, survécu pendant ces sept années en se débattant quasiment toute seule dans un système qui a du sang sur les mains. Alors, oui, c’est vrai que je ne lâche jamais rien. Mais c’est juste pas normal d’avoir à vivre ça.


Retour à La Une de Logo Paperblog