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One Hand Clapping : la renaissance d’un trésor caché de Paul McCartney

Publié le 01 août 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Cinquante ans après son enregistrement à Abbey Road, One Hand Clapping de Paul McCartney & Wings renaît enfin en version officielle, restaurée et enrichie. Ce témoignage unique de l’été 1974 dévoile l’énergie d’un groupe en pleine confiance, entre tubes intemporels, raretés et prises acoustiques inédites. Loué par la critique et acclamé par le public, l’album confirme l’influence intacte de McCartney dans l’histoire du rock.


Durant un demi-siècle, One Hand Clapping était l’un de ces trésors dont les fans de Paul McCartney entendaient parler sans pouvoir l’écouter : une séance filmée en août 1974 à Abbey Road qu’aucune maison de disques n’avait officiellement publiée. Le 14 juin 2024, à la faveur d’une nouvelle campagne d’archives, l’album – enfin mixé en stéréo haute résolution et en Dolby Atmos par Giles Martin et Steve Orchard – est paru dans les bacs, accompagné d’une jaquette fidèle au projet initial. Un an plus tard, l’œuvre se retrouve à nouveau sous les projecteurs avec l’arrivée de la bande-originale complète, désormais enrichie d’un 7″ regroupant les prises acoustiques capturées « dans le jardin » du studio.

Sommaire

Le contexte : des péripéties avant le triomphe

Quand Wings atterrit fin août 1974 dans le studio 2 d’Abbey Road, le groupe sort à peine d’une série de turbulences. Douze mois plus tôt, alors que McCartney s’envolait pour Lagos afin d’enregistrer Band on the Run, le batteur Denny Seiwell et le guitariste Henry McCullough claquaient la porte. Pire : à Lagos, McCartney est agressé au couteau et perd la sacoche contenant maquettes et paroles. Contre toute attente, Band on the Run devient l’un des plus grands succès de l’année 1974 : numéro 1 au Royaume-Uni en juillet, sept semaines en tête, six millions d’exemplaires vendus dans le monde. Ce rebond ravive l’appétit du musicien, décidé à immortaliser sa formation revigorée.

Des recrues de choix et l’élan de Nashville

En novembre 1973, McCartney invite le prodige écossais Jimmy McCulloch, déjà entendu sur le hit « Something in the Air » de Thunderclap Newman, à participer à la session qui deviendra le single « Seaside Woman ». Le guitariste rejoint définitivement Wings au printemps 1974, quelques semaines après l’arrivée du batteur-karatéka Geoff Britton. En juin, la bande s’installe à Nashville. McCartney y écrit « Junior’s Farm » et « Sally G », enregistre la valse country « Walking in the Park with Eloise » – une composition de son père Jim – avec Chet Atkins et Floyd Cramer, et renoue avec la jovialité d’un groupe au complet. Cet élan donnera le ton des futures prises londoniennes.

Une session-fleuve à Abbey Road

Du 26 au 30 août 1974, sous l’œil du réalisateur David Litchfield (co-créateur du magazine underground Ritz), les caméras captent plus de quatre heures de musique brute. Dans la salle mythique où furent gravés la plupart des disques des Beatles, McCartney installe les amplis dans le cercle central et place un orgue Hammond près de la console. Aucun décor : seule l’alchimie compte. À l’inverse du climat parfois tendu des « Get Back » sessions cinq ans plus tôt, on perçoit ici une complicité évidente : Linda encourageant Paul sur « C Moon », Denny Laine glissant un solo blues sur « Let Me Roll It », Britton dynamitant « Hi, Hi, Hi ». Le film ne sera jamais diffusé à la télévision, mais son aura clandestine enfle au fil des bootlegs.

L’énergie d’un groupe en état de grâce

Écouter One Hand Clapping, c’est sentir la confiance retrouvée d’un McCartney encore jeune trentenaire. Le set s’ouvre sur une version mordante de « Jet », enchaîne sur un « Soily » méconnu et déchaîné, puis bascule vers les ballades : « Maybe I’m Amazed », « My Love ». Les tubes de Band on the Run scintillent, tandis que la face « cabaret » révèle la facétie de l’auteur : « I’ll Give You a Ring », « Baby Face » ou la bluette « Let’s Love » destinée à Peggy Lee. Un piano se met à résonner pour un medley « The Long and Winding Road » / « Lady Madonna », avant qu’« Nineteen Hundred and Eighty Five » ne fasse trembler les murs.

Les joyaux cachés et les raretés exhumées

Le deuxième disque dévoile des curiosités longtemps rêvées : la reprise bluegrass « Blue Moon of Kentucky », un « Power Cut » à trois voix, le proto-punk « Love My Baby ». Sur la B-side du 7″ bonus, McCartney, seul dans la cour d’Abbey Road, rend hommage à ses idoles des fifties : « Twenty Flight Rock », « Peggy Sue », « I’m Gonna Love You Too ». Il glisse aussi une version dépouillée de « Blackbird » et un blues baptisé « Blackpool ». Ces miniatures confirment l’étendue de son vocabulaire, de la variété anglaise au rockabilly texan.

La résurrection officielle en 2024-2025

Longtemps cantonnée aux circuits pirates – une cassette VHS circulait déjà au marché de Portobello dans les années 80 –, la séance renaît vraiment lorsqu’elle est incluse en 2010 dans le coffret Band on the Run remasterisé. Mais il faut attendre le 14 juin 2024 pour qu’MPL Communications et UMe publient l’intégralité audio sur double CD, double vinyle et streaming Atmos. Trois mois plus tard, le film restauré en 4K sort en salles le 26 septembre 2024 via Trafalgar Releasing, offrant enfin une expérience visuelle digne de la légende.

Accueil critique et performances commerciales

La presse salue l’initiative : Pitchfork attribue 8,4 / 10 à l’album et loue « l’équilibre entre improvisation et précision », tandis que l’Associated Press parle d’un « instantané enthousiasmant du génie post-Beatles ». Sur Metacritic, la moyenne grimpe à 84 %. Côté ventes, le disque débute numéro 2 du classement physique britannique le 27 juin 2024, se hisse à la dixième place du Top Albums général, atteint le numéro 4 en Allemagne et grimpe jusqu’au 19e rang des Top Rock Albums américains. Ce score prouve que, cinq décennies plus tard, l’attrait de McCartney pour une écriture mélodique et des grooves épais reste intact.

Un impact durable dans la trajectoire de McCartney

Au-delà des chiffres, One Hand Clapping éclaire un moment charnière. Six mois après ces prises, Wings commence l’enregistrement de Venus and Mars, puis s’élance pour le gigantesque Wings Over the World Tour ; mais l’on sent, dans la spontanéité d’août 1974, la matrice de l’attitude scénique qui fera la renommée de McCartney durant les tournées des années 70 et au-delà. L’album témoigne aussi de la manière dont le musicien, souvent perçu comme perfectionniste, peut embrasser l’instant présent : un micro ouvert, un riff bien senti, un sourire échangé, et la magie opère.

Applaudir l’applaudimètre

Cinquante ans après l’avoir capturée, Paul McCartney nous offre enfin cette photographie sonore d’un groupe au sommet de sa confiance. One Hand Clapping n’est pas seulement un complément de catalogue ; c’est la preuve tangible qu’en ce cœur d’été 1974, l’ex-Beatle avait trouvé le parfait équilibre entre ambition pop, virtuosité rock et plaisir ludique. Restauré, remasterisé, distribué massivement, le projet ravive l’étincelle d’une époque où tout semblait possible. Il rappelle surtout que, derrière chaque main qui bat la mesure, il en est toujours une autre prête à applaudir.


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