La honte qui mord le cœur

Depuis presque vingt ans, écrire pour briser les préjugés, réclamer la parole et des droits.

Lire ce que les personnes psychiatrisées ont à dire, parce que je suis persuadée que leur parole, toujours si invisibilisée, a plus de valeur sur notre vécu que celle des familles et des soignants.

Suivre des comptes de militants antivalidistes, parce qu’ils savent le mieux ce qui est bon pour eux. Parce que leur combat, mon combat, pour l’autodétermination et des droits, pas la pitié, pas la charité, pas l’inspiration porn, des droits, est le plus important.

Parce que Rien sur nous sans nous, toujours, c’est l’essentiel.

Mais, malgré tout ça, oui, je dois l’avouer, ressentir une honte parfois, ou me détester, d’être certainement autiste.

Alors que je n’ai jamais, pas une seule seconde, moins bien considéré une autre personne parce que j’apprenais qu’elle était autiste.

Alors que je me nourris, en ce moment, de textes et de vidéos de femmes diagnostiquées tardivement, et que j’adore leur sincérité, leur humour, leur pertinence, leur intelligence, leur nuance, leur enthousiasme et leurs failles.

Je sais qu’il est toujours difficile de porter sur soi un regard bienveillant, le même que l’on accorderait à quelqu’un qu’on apprécie.

Mon fond d’écran clame Autistic Queen. Et pourtant, la dissonance cognitive est à son maximum avec ce sentiment de honte. Mais je pense aussi qu’il est là parce que j’imagine tout ce que vont dire de moi les gens qui croient que le TSA est une mode, que je m’invente des problèmes, que je suis folle, que j’exagère, que je veux me réduire à un diagnostic, que je me trouve des excuses, etc.

Je crois que ce soir, je me vois avec leurs regards à eux. Je sais qu’il faudrait prendre de la distance avec ça, que je vaux mieux que ça, tout ce qu’on voudra. Oui, je le sais. Mais ça fait mal quand même, parce que ces yeux qui jugent, ils font écho à une vie entière de reproches et de remarques qui disent, encore et encore, que je ne suis pas légitime ni conforme à ce que l’on attend de moi.

Alors ma raison à beau savoir que c’est faux, que pas une seule seconde je ne dois avoir honte de quoique ce soit, mon cœur ne le comprend pas toujours.