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Corniche Kennedy

Publié le 12 août 2025 par Adtraviata
Corniche Kennedy

Quatrième de couverture :

« Les petits cons de la corniche. La bande. On ne sait les nommer autrement. Leur corps est incisif, leur âge dilaté entre treize en dix-sept, et c’est un seul et même âge, celui de la conquête : on détourne la joue du baiser maternel, on crache dans la soupe, on déserte la maison. »
Le temps d’un été, quelques adolescents désœuvrés défient les lois de la gravitation en plongeant le long de la corniche Kennedy. Derrière ses jumelles, un commissaire, chargé de la surveillance de cette zone du littoral, les observe. Entre tolérance zéro et goût de l’interdit, les choses vont s’envenimer…

Je n’avais jamais lu Maylis de Kerangal (eh non, je n’ai pas encore lu Réparer les vivants) et le Book Trip en mer m’a fait sortir ce titre de ma PAL.

On est ici sur la Corniche Kennedy, non loin de Marseille et des calanques, sur une bande de roches, la Plate, où se réunissent des jeunes d’origine modeste ou « défavorisée », venus là bronzer, « traîner », et sauter dans la mer, à différents niveaux de difficulté. L’ambiance est vive, presque électrique, surtout quand Suzanne, une fille pas de leur milieu s’incruste et met en émoi Eddy et Mario. Et cela monte en intensité quand « le Jockey », le maire, veut « nettoyer » la corniche de tous ces jeunes stigmatisés. De loin, le policier Sylvestre Opéra (ah le choix de ce nom) observe les jeunes à la jumelle. Il les rejoindrait sans doute pour se rafraîchir dans la mer mais il obéit aux ordres, tout en étant relativement bienveillant envers les jeunes. Se mêlent en parallèles des bribes de sa carrière et de ses amours avec une prostituée d’origine slave, dont on ne sait trop si elles appartiennent au passé. L’écriture de Maylis de Kerangal se déploie en longues phrases sinueuses, qui accompagnent le mouvement, tandis que les chapitres sont courts, nerveux, au plus près de l’action et de la vitalité des personnages. La fin reste ouverte et mystérieuse.

« Toujours la baie azur, les sauts, l’écume, les mêmes gosses qui sautent dans la mer des Grecs et ce soleil âpre qui percute le littoral, crame la rétine de ceux qui fixent la pierre crayeuse de la corniche, la mer scintille comme du sucre et les bourdons somnolent, c’est le plein été. »

« Il existe encore un troisième plongeoir. Celui-là est dangereux, tout le monde le sait. Ils l’appellent le Face to Face parce que, rigolent -ils, c’est le grand face-à-face : on y est face au monde (primo), face à soi (deuxio), et face à la mort (tertio), arghhh la môôôrt! ils hurlent , écarquillent les yeux et outrant leur squelette, gargouilles de chair, ils se marrent franchement, n’y croient pas une seconde, pour eux le Face to Face est le promontoire des duels, celui où cogne le soleil des westerns, celui de l’épate et du grand jeu. »

« Ils ne décomptent pas les secondes mais respirent ensemble, une grosse lampée d’air, et décochent du Face to Face l’un après l’autre, Suzanne puis Eddy, et une fois dans l’air ce qu’ils éprouvent est un soulèvement général, celui du monde qui palpite en eux, l’écho de leur présence sous le ciel en coupole, et quand leurs deux têtes émergent à la surface de la mer, elles viennent s’agencer à celle de Mario, se disposent comme les pointes d’un triangle isocèle, et ils nagent sur place, ont les yeux grand ouverts, des sourires mouvants, soleil coulé entre le feuillage ou bancs de sardines irisées argent, sont cernés de mille désirs qui claquent, bruitent comme la canopée, et la nuit qui monte au-dessus de leurs trois têtes décore de ses lumières la corniche tout entière. »

Maylis de KERANGAL, Corniche Kennedy, Folio, 2014 (Editions Gallimard, 2008)

Le Book Trip en mer Saison 2 chez Fanja

Corniche Kennedy

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