Quatrième de couverture :
« Est-ce qu’il s’est passé quelque chose dont tu voudrais me parler ?
– Oui.
-Peut-être que tu réfères parler à une policière ?
-Non.
-Alors de quoi s’agit-il ? »
Elle jeta un regard autour d’elle. Tout le monde la fixait. Tout le monde écoutait. Elle ferma les yeux un bref instant, respira un grand coup, puis sortit la photo de l’enveloppe et la posa sur le comptoir.
« C’est mon papa, dit-elle tout bas. On n’arrive pas à le retrouver. »
Jo Faraday, inspecteur tenace de la brigade criminelle de Portsmouth, aurait bien aimé oublier un instant la folie de son métier pour observer les oiseaux dans la baie, se consacrer à son fils sourd et muet qui s’éloigne peu à peu… Il aurait aimé… Mais comment décevoir la confiance d’une fillette de huit ans ? Comment la laisser en plan alors que l’affaire sent le meurtre à plein nez ?
Ce livre traînait depuis longtemps dans ma PAL, je l’en ai sorti pour le Book Trip en mer de Fanja et je ne l’ai pas regretté. J’ai beaucoup apprécié cette première enquête de l’inspecteur Jo Faraday à Portsmouth. Ce flic droit et honnête est flanqué d’un subordonné qui flirte avec les limites par rapport aux suspects : Paul Winter méprise un peu Faraday, qui ne l’apprécie guère, les deux se fréquentent le minimum nécessaire. Je suppose que leur relation évoluera au fil des romans. Faraday a un naturel méditatif, il passe beaucoup de son temps libre à observer les oiseaux, sa maison est d’ailleurs idéalement située pour ce faire, et au début de Disparu en mer, il se fait du souci pour son fils, Jo Junior dit JJ, 22 ans, sourd et muet, un fils qu’il a élevé seul après le décès de sa femme et qui prend son envol, au grand dam de son père.
L’histoire commence avec l’assassinat d’un homme dans un quartier pauvre, ce qui nous permet d’apprécier les qualités de Winter dans l’interrogatoire du suspect principal, mais aussi ses magouilles avec le petit-fils du mort, censées lui fournir un nouvel indic par rapport à la pègre locale. Faraday, qui traite surtout de petite et de moyenne délinquance, s’intéresse ensuite à une petite fille venue signaler la disparition de son père au commissariat. Steve Maloney était prof d’art, séducteur invétéré, il s’intéressait à la peinture, au dessin, à la photographie et allait participer à la Fastnet, une régate autour de l’île de Wight et de Portsmouth. Mais il s’est cassé le bras et a été remplacé par le skipper, un riche homme d’affaires, Charlie Oomes, qui peut devenir rapidement violent. Lors de la dernière régate, une violente tempête a envoyé le bateau et trois membres de l’équipage par le fond. Faraday, limité par le temps et les moyens de la police, se lance avec ardeur à la recherche de Maloney ou plutôt de son corps car il est rapidement persuadé que ce dernier a été tué, sans doute par jalousie. On est dans ce qu’on appelle une enquête de procédure (la mention « thriller » sur la couverture est un peu exaférée), les policiers vont creuser toutes les pistes, éliminer peu à peu les inutiles, interroger à plusieurs reprises les témoins potentiels, resserrer les hypothèses, bref prendre leur temps. Mais le corps reste introuvable, il n’y a quasiment pas d’indices fiables et les autorités au-dessus de Faraday finissent par couper le robinet financier, promettant certainement un non-lieu dans une affaire pourtant particulièrement cruelle.
J’ai beaucoup aimé les personnages, Faraday est très attachant parce que profondément humain, donc faillible, fragile lui aussi. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, avec en toile de fond le contexte social de la ville de Portsmouth, avec ses quartiers pauvres, terrains de délinquance et le développement de la marina et de ses riches occupants et investisseurs. Bref une belle découverte qui me donne envie de lire d’autres enquêtes de Faraday.
La série a été adaptée à la télévision française, sous le titre Deux flics sur les docks, avec Le Havre pour décor et Jean-Marc Barr et Bruno Solo dans les rôles de Faraday et Winckler. Je me souviens l’avoir bien appréciée.
« C’était là que, depuis huit cents ans, les marchands faisaient du commerce, et les senteurs et les bruits de la petite colonie portuaire revivaient dans les enseignes et les noms de pubs. L’île des Epices, la rue des Huîtres, Le Calme Occident. Le chantier naval s’était étendu au nord, quelques centaines d’hectares de bassins de radoub, de hangars, de magasins de vivres et de toutes les autres installations qui avaient rendu cette cité décrépite si précieuse pendant les hostilités. Mais le lieu de prédilection de Faraday restait le vieux Portsmouth avec son assemblage disparate d’anciennes fortifications, de ruelles pavées et son replâtrage hâtif d’après guerre. »
« Il vivait là depuis vingt ans et avait appris à aimer le front de mer, avec son animation et les rues pavées, ombragées et tranquilles du vieux Portsmouth, toujours hanté par les racoleurs, mais c’était le Pompey des touristes, le vaisseau amiral de la ville, l’image que la mairie se plaisait à répandre sur ses affiches à travers le pays. Ce qui lui échappait ou qu’il ne pouvait expliquer, c’étaient les facettes plus subtiles d’une cité très différente. En dépit d’un écart de deux générations, la pauvreté et la guerre semblaient encore façonner tous ceux avec qui il avait affaire. Ils attendaient, obtenant rarement, et pas grand chose encore. Une certaine résignation stoïque semblait aller de pair avec le territoire. Pourtant, ils parvenaient encore à sourire et blaguer avec les gens qui avaient gagné leur confiance. Les insulaires étaient ainsi. Mis en demeure de choisir, ils se fermaient toujours. »
« De l’avis de certains de ses collègues, Winter avait élevé la duplicité et l’habileté verbales à une forme d’art, enregistrant une série de résultats stupéfiants, mais Faraday n’en considérait pas moins le bonhomme comme une insulte au métier et la preuve vivante du danger de corruption guettant la fonction policière. »
« La tempête frappait maintenant toute la côte sud. S’abritant sous le grand porche pendant qu’il cherchait les clés d’Emma, Faraday voyait d’énormes paquets de mer déferler sur la jetée dans des explosions d’écume brunâtre qui engloutissaient les lampadaires de la promenade. De loin, on aurait dit que la ville était bombardée, et il frissonna à l’idée de ce que ça devait être en mer. »
Graham HURLEY, Disparu en mer, traduit de l’anglais par Philippe Rouard, Folio Policier, 2005 (Editions du Masque, 2002)
Encore une participation au Book Trip en mer Saison 2 chez Fanja

