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Bad Boy : L’album oublié de Ringo Starr qui a scellé la fin d’une époque

Publié le 21 août 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Sorti en avril 1978, Bad Boy marque une tentative de Ringo Starr de renouer avec le succès après l’échec de Ringo the 4th. Produit par Vini Poncia, l’album privilégie un son pop-rock avec des reprises de standards et quelques compositions originales. Malheureusement, il ne parvient pas à séduire le public, échouant dans les charts. Faiblement promu malgré un spécial télévisé, Bad Boy entraîne la fin du contrat de Ringo avec Polydor. Aujourd’hui, il demeure une curiosité pour les collectionneurs, témoignant d’une période difficile dans la carrière solo de l’ex-Beatle.


En avril 1978 paraît Bad Boy, septième album studio de Ringo Starr. L’ex-Beatle, qui a enchaîné plusieurs échecs commerciaux depuis l’apogée de Ringo (1973), espère ranimer la flamme en retournant à un style pop-rock plus direct que le disco raté de Ringo the 4th (1977). Produit par

Sommaire

  • Vini Poncia
  • Contexte : après “Ringo the 4th”, un virage obligatoire
  • Vini Poncia
  • Enregistrement : entre Vancouver et les Bahamas
  • novembre 1977
  • Can-Base Studio
  • Elite Recording Studio
  • Doug Riley
  • James Newton Howard
  • 8 mars 1978
  • Le line-up
  • Ringo Starr
  • Lon Van Eaton
  • Jimmy Webb
  • Dr. John
  • Hamisch Bissonnette
  • Dee Murray
  • Vini Poncia
  • Un répertoire axé sur les reprises et quelques inédits
  • «Who Needs a Heart»
  • «Bad Boy»
  • «Lipstick Traces (On a Cigarette)»
  • «Heart on My Sleeve»
  • «Where Did Our Love Go»
  • «Hard Times»
  • «Tonight»
  • «Monkey See – Monkey Do»
  • «Old Time Relovin’»
  • «A Man Like Me»
  • La pochette : John Kosh et Nancy Lee Andrews
  • John Kosh
  • Nancy Lee Andrews
  • Sortie, singles et promotion
  • 21 avril 1978
  • 16 juin 1978
  • Les singles
  • «Lipstick Traces (On a Cigarette)»
  • «Heart on My Sleeve»
  • Analyse critique et réception
  • Faits marquants et détails inédits
  • «A Man Like Me»
  • «A Man Like Me»
  • Postérité et rééditions
  • mars 1991
  • Conclusion : le chant du cygne chez Polydor

Vini Poncia

, Bad Boy affiche toutefois de faibles performances dans les classements et demeure peu promu. L’album symbolise la fin d’un cycle pour Ringo, qui perdra bientôt son contrat avec Polydor au Royaume-Uni. Retour sur la genèse, l’enregistrement, le contenu et la réception mitigée de ce disque quelque peu oublié.

Contexte : après “Ringo the 4th”, un virage obligatoire

En 1977, Ringo Starr publie Ringo the 4th, projet axé sur le disco et le funk pour suivre la mode de l’époque. L’échec critique et commercial est cinglant (no 162 dans le Billboard 200, aucune entrée dans les charts britanniques). Face à ce fiasco, Ringo doit réagir : son contrat chez Polydor en Europe (et Portrait/Atlantic aux états-Unis) réclame de nouveaux albums, mais il apparaît évident que la formule disco ne fonctionne pas.

Il collabore alors à nouveau avec

Vini Poncia

, ami de longue date et coauteur de nombreux morceaux depuis Ringo’s Rotogravure (1976). Cette fois, l’objectif est de proposer un disque plus pop, voire rock, avec moins d’emphase sur la danse et davantage de sobriété. Ringo entend se rapprocher du style “live band”, tout en intégrant des reprises de standards de la soul ou de la pop. Sur le plan commercial, la pression est forte : Polydor n’a pas encore rentabilisé les deux albums précédents, et menace de rompre le contrat en cas de nouvel échec.

Enregistrement : entre Vancouver et les Bahamas

Les séances d’enregistrement de Bad Boy se tiennent en

novembre 1977

, dans des conditions singulières. Pour des raisons fiscales et d’opportunité, Ringo choisit de s’exiler hors des états-Unis continentaux :

  1. Can-Base Studio

    , Vancouver (Canada)

  2. Elite Recording Studio

    , aux Bahamas

Il s’agit, selon les sources, d’un emploi du temps condensé : en l’espace d’une dizaine de jours, la plupart des pistes sont mises en boîte. Plus tard, des overdubs (notamment des arrangements orchestraux dirigés par

Doug Riley

ou

James Newton Howard

) sont réalisés le

8 mars 1978

. Poncia supervise la production, laissant Ringo à ses parties vocales et à la batterie. L’album se veut moins “international star-studded” que les précédents, préférant miser sur un groupe resserré, même si on trouve quelques invités.

Le line-up

  • Ringo Starr

    : chant principal, batterie

  • Lon Van Eaton

    ,

    Jimmy Webb

    : guitares

  • Dr. John

    : claviers

  • Hamisch Bissonnette

    : synthétiseurs

  • Dee Murray

    : basse

  • Vini Poncia

    : chœurs, arrangements, supervision globale

En revanche, la pochette de l’album masque l’identité de certains musiciens sous des pseudonymes (Push-a-lone, Git-tar, Diesel…), signe d’un humour ou d’une volonté de brouiller les pistes. Ringo se soucie plus de l’atmosphère légère que des crédits détaillés.

Un répertoire axé sur les reprises et quelques inédits

Contrairement aux albums précédents, Ringo ne s’entoure pas de compositions offertes par John Lennon, Paul McCartney ou George Harrison. Ici, on découvre :

  1. «Who Needs a Heart»

    (R. Starr, V. Poncia) : titre d’ouverture, c’est l’une des deux seules chansons originales composées par Ringo et Poncia.

  2. «Bad Boy»

    (Lil Armstrong, Avon Long) : chanson-titre, reprise d’un morceau écrit dans les années 1930. Ringo y injecte un style rock assez rétro.

  3. «Lipstick Traces (On a Cigarette)»

    (Naomi Neville) : reprise d’un standard soul, déjà popularisé par Benny Spellman en 1962.

  4. «Heart on My Sleeve»

    (Bernie Gallagher, Graham Lyle) : un morceau pop-rock sentimental, choisi comme single au Royaume-Uni.

  5. «Where Did Our Love Go»

    (Holland–Dozier–Holland) : célèbre tube des Supremes en 1964, transformé ici en version plus musclée, même si Ringo ne dispose pas du registre vocal de Diana Ross.

  6. «Hard Times»

    (Peter Skellern) : une ballade qui alterne entre mélancolie et léger tempo. Ringo tente d’y mettre plus d’émotion.

  7. «Tonight»

    (Ian McLagan, John Pidgeon) : proposition pop à la coloration rock, signée du claviériste ex-Faces Ian McLagan.

  8. «Monkey See – Monkey Do»

    (Michael Franks) : morceau funky d’un auteur jazz-pop, le choix s’avère surprenant, cherchant un groove plus sophistiqué.

  9. «Old Time Relovin’»

    (R. Starr, V. Poncia) : second titre coécrit par Ringo et Poncia, reprenant un style plus “old-time rock” avec un soupçon de feeling country.

  10. «A Man Like Me»

    (Ruan O’Lochlainn, adapté par Donald Pleasence) : en réalité, une version modifiée de «A Mouse Like Me», extraite du projet Scouse the Mouse (1977). On remplace “mouse” par “man” pour coller à Ringo.

On y trouve donc un mélange de reprises Motown, standards jazz-pop, et deux originaux signés du tandem Ringo/Poncia. C’est une forme d’éclectisme rappelant Sentimental Journey ou Goodnight Vienna, mais sans l’étincelle d’une collaboration ex-Beatles.

La pochette : John Kosh et Nancy Lee Andrews

Comme pour les précédents opus,

John Kosh

signe la direction artistique. La photographie de couverture est assurée par

Nancy Lee Andrews

, fiancée de Ringo à l’époque, épaulée par Lew Hahn. La jeune femme en mini-jupe apparaît sur l’image, assise sur les épaules de Ringo (ou du moins posée au-dessus de lui). L’idée vise à dégager un côté léger et humoristique, à l’image du titre “Bad Boy”. Sur la photo intérieure, on voit que Ringo a lui-même pris l’image figurant au dos du vinyle. L’esthétique globale reste simple : un fond neutre, un duo sur la pochette, évoquant une ambiance décontractée.

De plus, l’inner sleeve propose des clichés supplémentaires signés Nancy Andrews, illustrant l’enregistrement ou des moments de complicité. L’idée de mise en scène se veut plus minimaliste que les extravagances de Ringo (1973) ou Goodnight Vienna (1974).

Sortie, singles et promotion

  • 21 avril 1978

    : parution au Royaume-Uni (Polydor). L’album ne parvient pas à entrer dans les charts. Polydor, lassé des échecs consécutifs, décide assez vite de se séparer de Ringo.

  • 16 juin 1978

    : lancement aux états-Unis (Portrait/Epic). Il atteint la 129ᵉ place du Billboard 200, disparaissant rapidement du classement.

Les singles

  1. «Lipstick Traces (On a Cigarette)»

    / «Old Time Relovin’»

    • Sortie le 18 avril 1978 aux états-Unis, quelques jours avant l’album. Ne chart pas.
  2. «Heart on My Sleeve»

    / «Who Needs a Heart»

    • Sortie le 6 juillet 1978 aux états-Unis. De nouveau, aucun impact.
    • Au Royaume-Uni, «Tonight» couplé à «Heart on My Sleeve» voit le jour le 21 juillet, sans réaction notable.

Dans certains pays, d’autres combinaisons furent envisagées, mais rien ne prend. Ringo tente pourtant de promouvoir l’album via un spécial télévisé intitulé “Ringo”, diffusé le 26 avril 1978 en prime time aux états-Unis. Il y interprète «Heart on My Sleeve», «Hard Times», et «A Man Like Me». L’émission se classe très mal dans les audiences, occupant la 53ᵉ place sur 65 programmes de la semaine. Un second spécial télé est envisagé mais avorte. Face à cet échec, Polydor, puis Portrait (aux USA), finiront par libérer Ringo de ses engagements.

Analyse critique et réception

Bad Boy ne parvient pas à inverser la spirale du désintérêt. Les critiques soulignent la faiblesse de l’interprétation vocale de Ringo, jugée parfois trop anecdotique ou en deçà pour soutenir des reprises aussi mythiques que «Where Did Our Love Go». L’absence de compositions marquantes, hormis peut-être «Heart on My Sleeve» ou l’énergie de «Lipstick Traces (On a Cigarette)», contribue à la sensation d’un album de remplissage.

Si la production de Vini Poncia se veut moins disco qu’en 1977, elle n’offre pas non plus de direction claire. Le disque, mélangeant balades, reprises Motown, pop-rock, n’accroche ni le public pop classique ni les fans de rock pur. En Europe, il est quasi invisible, et aux états-Unis, ne dépassant pas la 129ᵉ place, c’est un camouflet. Pour Ringo, c’est la confirmation que la période “d’album par an” doit cesser. Il se concentrera bientôt sur d’autres projets (acteurs, télé, etc.) avant un long silence discographique jusqu’au début des années 1980.

Faits marquants et détails inédits

  • «A Man Like Me»

    est en réalité une adaptation de «A Mouse Like Me», morceau tiré de la comédie musicale pour enfants Scouse the Mouse (1977) enregistrée par Ringo. Les paroles sont légèrement modifiées.

  • Ringo enregistre aussi des jingles publicitaires pour des costumes “Simple Life”, composant «Simple Life» et «I Love My Suit», non inclus dans Bad Boy.
  • Les musiciens sont en partie cachés sous des sobriquets farfelus : “Push-a-lone” pour la lead guitar, “Git-tar” pour la rythmique, “Diesel” pour la basse. Seuls Ringo et Hamisch Bissonnette (synthétiseurs) sont nommément crédités. Une astuce peut-être pour masquer l’anonymat ou le peu de notoriété du line-up, ou juste pour amuser le public.
  • L’album se clôt par

    «A Man Like Me»

    , mettant fin à 34 minutes de musique jugée plaisante mais guère exceptionnelle.

Postérité et rééditions

En raison de ses ventes maigres et de sa disparition rapide des bacs, Bad Boy devient un “collector” pour les amateurs de Ringo. Il est réédité en

mars 1991

aux états-Unis par Epic en CD, pairant l’album avec le label Portrait/Epic. En Europe, des pressages CD apparaissent sporadiquement. L’album est rarement mis à l’honneur lors des compilations best-of, la plupart des morceaux n’ayant guère dépassé le stade de curiosité pour les fans hardcore.

Certains fans lui reconnaissent toutefois un charme certain, préféré au fiasco disco de Ringo the 4th. On y trouve un Ringo plus naturel, quoique un peu fatigué. Les reprises soul ou Motown (dont “Where Did Our Love Go”) suscitent des avis partagés : la version est tantôt vue comme sympathique, tantôt jugée fade par rapport à l’original des Supremes.

Conclusion : le chant du cygne chez Polydor

Avec Bad Boy, Ringo Starr tente un retour vers un rock/pop plus traditionnel, loin du disco, mais peine à rallumer l’étincelle qui l’avait couronné de succès en 1973-1974. Les critiques n’adhèrent pas, le public non plus, et Polydor finit par rompre ses liens contractuels après cet énième échec. Sur la façade américaine, Portrait attendra encore quelques années avant de lâcher prise, Ringo ne sortant plus d’album chez eux.

Malgré tout, Bad Boy s’écoute comme un témoignage de la persévérance de Ringo, cherchant toujours la formule gagnante après plusieurs déceptions successives. Il réunit quelques reprises classiques, deux compositions de Starr et Poncia, et une ambiance décontractée dans l’exécution, même si la production demeure assez anecdotique comparée à la flamboyance de Ringo (1973).

En fin de compte, Bad Boy marque la fin de la première ère solo de Ringo. Après cette série de disques à l’accueil mitigé, il se fait plus discret jusqu’au début des années 1980. Pour les collectionneurs et férus de l’histoire post-Beatles, Bad Boy reste un jalon intéressant, quoique mineur, dans le parcours de l’ancien batteur des Fab Four. Il illustre son envie de continuer à sortir des albums malgré le recul du succès, et son incapacité, à l’époque, à dénicher la recette d’un nouveau triomphe musical. La suite n’arrivera qu’avec la résurrection scénique de Ringo via ses All-Starr Bands, et plus tard, des disques plus ambitieux dans les années 1990-2000.


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