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Threetles : comment McCartney, Harrison et Starr ont relancé les Beatles

Publié le 26 août 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

De 1994 à 1996, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr relancent le son Beatles à partir des cassettes de John Lennon. Entre contraintes techniques, émotion, choix esthétiques et désaccords, cette réunion partielle redonne vie à trois chansons — jusqu’à Now and Then en 2023.


Raconter une réunion des Beatles, c’est d’abord accepter une contradiction : comment « reformer » un quatuor sans John Lennon ? Entre 1994 et 1996, Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr ont pourtant tenté l’impossible : redonner voix à John à partir de cassettes domestiques, tout en restant, autant que possible, les Beatles. Voici le récit — techniques, tensions, élans, et conséquences — de ces sessions dites des « Threetles », jusqu’à leur épilogue de 2023 avec Now and Then.

Sommaire

  • Un impossible possible
  •  Pourquoi Jeff Lynne, et pas George Martin ?
  • La matière première : une voix collée à un piano
  • Février 1994 : Free as a Bird prend son envol
  • 23 juin 1994 : Friar Park, le jardin des souvenirs
  • Now and Then : le morceau rétif
  • Février–mai 1995 : Real Love, l’artisanat patient
  • 1995–1996 : « archéologie » à Abbey Road
  • Et George, dans tout ça ?
  • « All for Love » : fantôme ou projet ?
  • Ce que disent les deux 45-tours
  • 2023 : Now and Then, l’épilogue rendu possible
  • Ce que ces sessions révèlent — musique, éthique, relations
  • Les objections sérieuses… et ce qu’on peut y répondre
  • Cinq scènes qu’on garde en tête
  • Et maintenant, qu’a-t-on vraiment appris de cette réunion ?
    • Repères (personnes, lieux, objets)
  • Post-scriptum : à quoi ressemble une « réunion » réussie ?

Un impossible possible

Le 19 janvier 1994, à New York, l’intronisation posthume de John Lennon au Rock & Roll Hall of Fame réunit Paul McCartney et Yoko Ono. Au-delà du protocole, il s’agit d’une conversation : Ono propose de confier au camp Beatles plusieurs démos laissées par John à la fin des années 1970. L’idée n’est pas de fabriquer un Lennon sans Lennon, mais de terminer des chansons esquissées — Free as a Bird, Real Love, Grow Old With Me, et une quatrième, longtemps mystérieuse, Now and Then (connue aussi sous le titre I Don’t Want to Lose You). Le projet s’inscrit dans le chantier Anthology, vaste récit audio-visuel de l’épopée Beatles. (La remise matérielle des bandes par Yoko à Paul est bien documentée par la suite, tout comme la liste des titres.)

À peine un mois plus tard, la rumeur perce : Beatlefan révèle que les trois survivants travaillent sur une démo de Lennon ; le New York Times reprend l’information. L’image qui s’impose : les Threetles « ajoutent des parties vocales et instrumentales » sur une cassette lo-fi de John.

 Pourquoi Jeff Lynne, et pas George Martin ?

Le réflexe aurait été George Martin. Mais le producteur historique, alors moins à l’aise avec l’écoute fine, décline. George Harrison pousse un autre nom : Jeff Lynne, complice de Cloud Nine et des Traveling Wilburys. Ce choix ne relève pas seulement du son « moderne » : il faut un arbitre, un diplomate, un fan érudit capable de faire tenir une voix de Lennon captée sur un dictaphone à Manhattan avec des prises neuves en Angleterre — sans dénaturer l’ADN Beatles. (Martin retrouvera par ailleurs les trois pour les séances d’archives Anthology, pas pour la production des deux « nouveaux » 45-tours.)

La matière première : une voix collée à un piano

Problème central : les démos de John mêlent voix et piano sur une seule piste mono. Impossible d’ouvrir un fader pour ne garder que le chant. Il faut nettoyer, séparer, mettre au tempo. Jeff Lynne s’appuie alors sur un petit commando, dont le guitariste-programmeur Marc Mann : transfert sur Pro Tools, réduction de souffle et de ronflette (sur Real Love tout particulièrement), corrections temporelles pour amarrer la voix à un click inaudible — afin que Ringo puisse jouer en place et que Paul/George ajoutent instruments et harmonies. Ce chantier « d’hygiène sonore » occupe environ une semaine par titre avant le moindre overdub. (Ces étapes — DINR, Studio Vision, Logic/Pro Tools, clic de référence — ont été décrites à l’époque par les témoins techniques.)

Février 1994 : Free as a Bird prend son envol

Lieu. Le studio The Mill (Sussex) de McCartney, hors des radars médiatiques. Méthode. Partir de Lennon (voix+piano stabilisés), doubler le piano pour le contrôler au mix, poser une basse sobre (Paul bannit ses grands « swoops » : « ancrer, pas briller »), laisser Ringo respirer sur une caisse claire très soignée (merci Geoff Emerick), et orienter Harrison vers un slide minimaliste, plus bluesy que lyrique, pour éviter l’autocitation « My Sweet Lord ». Au pont, texte inachevé chez John : Paul et George écrivent quelques vers et alternent au chant, geste à la fois artisanal et symbolique — « la plus proche occasion d’écrire à nouveau avec John », dira Paul.

L’outro empile des clins d’œil : ukulélé (Formby-mania de George, souvenir de Julia pour John), ré-entrée de batterie façon pirouette, et message inversé — petit Easter-egg qui, une fois retourné, semble murmurer « Made by John Lennon ». Est-ce fortuit ? Le charme tient à ce jeu avec l’imaginaire Beatles. Le single, publié fin 1995, ira chercher un Grammy 1997 (Best Pop Performance by a Duo or Group with Vocal) et une vidéo « vue d’oiseau » bourrée de références, signée Joe Pytka.

23 juin 1994 : Friar Park, le jardin des souvenirs

On a envisagé un final Let It Be filmé. Trop lourd, trop funèbre sans John. Le trio, ukulélés sortis, glisse plutôt vers une jam chaleureuse dans le parc de Friar Park (Henley-on-Thames). Au menu, pré-histoire Beatles : Thinking of Linking, Raunchy, Ain’t She Sweet, Blue Moon of Kentucky, Baby What You Want Me to Do, etc. Une minute de Blue Moon… passera à la TV, davantage dans le DVD Anthology (2003). Ce retour à la racine n’est pas anodin : rejouer d’abord l’élan qui les a faits groupe, avant toute fabrication de « nouveaux Beatles ».

Now and Then : le morceau rétif

C’est la démo la plus casse-tête. Buzz électrique, mots manquants, ambiance fragile. En juin 1994, puis en mars 1995, les Threetles y touchent, s’arrêtent, repassent. Jeff Lynne évoquera « un après-midi à bricoler un backing » resté embryonnaire. L’envie est là, la mise au net échoue encore. La piste retourne sur l’étagère. Des années plus tard, des récits feront entendre deux lectures : la version irénique (on a « manqué de temps ») et la version heurtée (George n’aimait pas la chanson). Les faits vérifiables, eux, disent au moins ceci : tentative inaboutie en 1994-95, dossier fermé après la parution de Real Love.

Février–mai 1995 : Real Love, l’artisanat patient

Real Love part d’une démo plus claire que Free as a Bird, mais plombée par un ronflement secteur et des clics : Lynne/Mann nettoient la piste phrase par phrase, reconstruisent une intro plus nette en copiant un motif plus tardif, fabriquent une coda en mosaïque à partir des « real love » choraux. Le groupe accélère légèrement la démo (demi-ton), et joue à l’ancienne : celesta (le même que John sur Because), harmonium, et contrebasse de Bill Black (collection McCartney) en double d’une Fender — clin d’œil Elvis discret qui ancre la basse dans le velours.

Côté image, Geoff Wonfor filme les sessions en caméscope pour un clip « fly-on-the-wall » co-réalisé par Kevin Godley. Pas de spots, pas de cirque : l’idée est de documenter un moment, pas de le mettre en scène. Les habits changent : signe qu’on filme plusieurs jours. On aperçoit Paul cadrer George en train d’harmoniser, avant une étreinte un peu gauchère. Ce matériau rejoindra le clip et, plus tard, les bonus DVD.

Sorti en mars 1996, le single atteint le #4 UK, #11 US. Le débat, lui, fait rage : BBC Radio 1 refuse d’intégrer le titre en playlist, invoquant sa ligne « contemporaine ». Paul réplique dans la presse, ironisant sur les « kindergarten kings » ; des députés s’en mêlent, la station temporise. Rien qui empêche Anthology 2 de caracoler en tête. Mais l’épisode rappelle cette évidence : même pour les Beatles, l’air du temps n’est jamais acquis.

1995–1996 : « archéologie » à Abbey Road

En parallèle, George Martin et Geoff Emerick réinventorient les caves d’EMI : écoutes Studio 2, puis mix dans le penthouse d’Abbey Road. Éthique de travail : éviter les gadgets 1990s, réactiver une console TG des années 70, ressusciter même une chambre d’écho (jusqu’aux tuyaux métalliques) pour rester dans une cohérence d’époque. Paul, George et Ringo passent régulièrement valider, écarter, raconter. Le DVD Anthology montre des scènes précieuses : Tomorrow Never Knows disséqué piste par piste, Golden Slumbers au contrôle, rire et piques complices. L’émotion est palpable lorsque les trois remontent l’escalier de Studio 2, « retournent » le parquet, commandent des frites à la cantine. Une page se rouvre — pour mieux se refermer.

Et George, dans tout ça ?

Harrison est central et ambigu. Central, parce que sa rigueur sauve Free as a Bird (le slide volontairement épuré, la discipline d’harmonies, l’oreille pour les enchaînements d’accords). Ambigu, parce qu’il refuse les fioritures (il coupera court à des inédits trop « autodérisifs ») et demeure méfiant face à l’idée d’un « Beatles à trois ». Le contexte personnel n’aide pas : HandMade Films, sa société de production, vit des turbulences ; elle sera vendue en 1994, et Harrison gagnera en 1996 un procès retentissant contre son ex-manager Denis O’Brien pour négligence — affaire lourde en temps, énergie, et argent. De là à conclure que George a dit « oui » à Anthology uniquement « par besoin d’argent », il y a un pas que les sources sérieuses n’autorisent pas à franchir sans nuance ; on peut à tout le moins situ­er sa prudence artistique dans un moment de pression financière et juridique.

« All for Love » : fantôme ou projet ?

La rumeur d’un troisième single 1995, co-écrit McCartney/Harrison sous le titre All for Love, persiste depuis des décennies. Les acteurs n’en parlent pas ; rien n’a filtré d’officiel. L’hypothèse raisonnable : une échappée de travail dont l’issue — sans Lennon au générique — posait un problème d’étiquette (« Beatles » ou pas ?). Tant que rien n’est publié, mieux vaut classer le dossier en zone grise.

Ce que disent les deux 45-tours

A) Free as a Bird. C’est un deuil en mouvement. Le thème (retour à la maison), la lenteur doo-wop transfigurée, l’espace laissé à la voix de John, le pont écrit en 1994, le jeu de codes (ukulélé, message inversé) : tout concourt à faire de la chanson un rite. La signature Lynne — précision rythmique, nappes pleines — a parfois été jugée trop « ELO » ; elle a surtout tenu une matière fragile.

B) Real Love. Le morceau respire davantage, avec ses appuis mélodiques évidents. Le traitement est classicisant (celesta, harmonium, contrebasse « Elvis »), la coda tissée sur l’obsession du titre résout la chanson par attachement plutôt que par climax. La polémique Radio 1 n’a pas aidé la perception publique ; elle dit surtout la gêne d’une certaine radio face à un retour qui n’en est pas un : Real Love n’est ni pastiche rétro ni « nouveauté » formatée, c’est une pièce d’atelier Beatles fin de siècle.

2023 : Now and Then, l’épilogue rendu possible

La technologie qui manquait en 1995 devient réalité grâce au travail de Peter Jackson sur Get Back : l’algorithme MAL isole des sources entremêlées et permet, en 2023, d’extraire la voix de John sans son piano. Paul et Ringo peuvent achever Now and Then ; on y entend aussi des parties de guitare posées par George en 1995, des chœurs Beatles « échantillonnés » (allusions harmoniques à Because, Here, There and Everywhere, etc.), une basse, un piano, des cordes (Giles Martin), un solo de slide qui salue Harrison sans le pasticher. Le single sort le 2 novembre 2023 — jumelé à Love Me Do en 45 tours —, accompagné d’un mini-doc qui raconte enfin, au grand public, la trajectoire du titre : tenté en 1994-95, achevé en 2023. « C’était comme si John était là », résument Paul et Ringo.

Au-delà de la prouesse, Now and Then résout quelque chose que Free as a Bird et Real Love avaient laissé en suspens : clôturer avec une phrase musicale qui tombe, non pas s’évanouir. C’est une fin affectée mais sobre, d’autant plus lisible qu’on sait désormais comment et pourquoi la chanson avait résisté en 1995.

Ce que ces sessions révèlent — musique, éthique, relations

Musicalement, l’enjeu était double : protéger la voix de John (ne pas « jouer » au-dessus jusqu’à l’effacer) et sonner Beatles sans singer une date précise. Les Threetles n’ont pas cherché « Beatles 1965 » ou « 1968 » ; ils ont assumé Beatles 1994-96. C’est pourquoi Free as a Bird évoque aussi bien Because (empilements vocaux) que certains reliefs Abbey Road via la précision Lynne, et pourquoi Real Love adopte un classicisme intemporel (celesta, harmonium) plutôt que des textures 90s.

Éthiquement, la ligne a été tenue : ne pas écrire à la place de John, mais compléter à la marge (ponter FAAB là où il manquait des paroles), réparer sans fantasmer, créditer Lennon-McCartney-Harrison-Starkey lorsqu’une composition 1994-95 l’exigeait (FAAB), et assumer l’artifice lorsqu’il y en a un (click, alignements, bricolage d’outro). C’est le contraire d’une IA générative détachée de l’humain ; c’est de l’ingénierie conservatoire au service d’une intention artistique précise.

Humainement, on voit trois trajectoires qui acceptent leurs désaccords : Paul, moteur, obsédé par faire ; Ringo, garde-fou émotionnel (« On a imaginé qu’il était allé prendre un thé ») ; George, scrupuleux, sceptique face à toute dilution de l’exigence Beatles. Les rires au contrôle d’Abbey Road comme la pudeur des jams à Friar Park montrent une chose : au travail, le langage commun existe encore. Et c’est dans le travail qu’ils se retrouvent — pas dans le symbole.

Les objections sérieuses… et ce qu’on peut y répondre

  • « Ce n’est pas un groupe sans John. » Exact. Les Threetles l’ont reconnu, s’inventant une fiction de studio (« John est en vacances, il nous a envoyé une cassette, do your stuff »). La seule boussole possible était : mettre John devant. Les deux singles 1995 font cela, Now and Then aussi — encore mieux grâce aux moyens 2023.
  • « Le son Lynne “ELO-ise” les Beatles. » La précision rythmique et les masses harmonisées sont typiques de Lynne. Mais on peut difficilement contester que sans cette discipline, FAAB et Real Love auraient viré bouillie. Dilemme assumé : se tenir pour protéger.
  • « George l’a fait pour l’argent. » Réducteur. Oui, il y a contexte (HandMade Films, vente en 1994 ; victoire en justice en 1996 contre Denis O’Brien). Non, rien d’étayé ne permet d’en faire le moteur unique. Le portrait cohérent de George ici, c’est celui d’un artiste qui accepte de s’y remettre — à ses conditions — au cœur d’une période chargée.
  • « Radio 1 n’en a pas voulu en 1996. » Oui, et c’est un fait médiologique plus qu’artistique : une station jeune qui resserre sa ligne. Les chiffres de vente et l’effet mémoire d’Anthology racontent autre chose : l’appétit du public pour un récit honnête de la fin Beatles.

Cinq scènes qu’on garde en tête

  1. The Mill, février 1994 : Ringo cale son backbeat sur un click qu’on n’entendra jamais, pendant que Paul re-joue (au sens propre) le piano de John pour décoller la voix.
  2. Le pont de FAAB : George et Paul écrivent et échangent la ligne de chant, comme une poignée de main en musique.
  3. Friar Park : deux ukulélés au soleil, Dehra Dun, Thinking of Linking. Loin des mythes, trois amis grattent pour faire revenir le geste de départ.
  4. Sussex, 1995 : le celesta de Because et la contrebasse de Bill Black replongent Real Love dans une tradition qui n’est pas « sixties », mais Beatles tout court.
  5. Studio 2, 1995 : Paul, George, Ringo autour de George Martin, qui fait jouer Tomorrow Never Knows piste par piste. Au-delà de la nostalgie, c’est une leçon d’atelier : on écoute comment s’assemblent les étages.

Et maintenant, qu’a-t-on vraiment appris de cette réunion ?

Que l’identité Beatles n’est pas un filtre Instagram (« remettons une couleur 1967 »), mais une éthique de studio : une voix devant, un sens du pont (structurer, pas meubler), une économie instrumentale (jouer pour la chanson), et un esprit (le clin d’œil, l’amour des détails cachés).

Que la conservation — séparer, nettoyer, caler —, si elle est déclarée et maîtrisée, sert l’art et ne le remplace pas. Les Threetles n’ont pas essayé d’imiter les Beatles ; ils ont travaillé comme eux, au mieux de ce que 1994-96 permettait.

Et que les fins ont plusieurs temps : Free as a Bird a rouvert la porte, Real Love a installé la pièce, Now and Then l’a fermée — doucement, en musique.

Repères (personnes, lieux, objets)

  • Studios : The Mill (Sussex), Friar Park Studio (Henley-on-Thames), Abbey Road Studio 2 / Penthouse (Londres).
  • Équipe : Jeff Lynne (prod), Geoff Emerick (ingé son historique), Marc Mann (édition/numérique), George Martin (écoutes/mix archives).
  • Instruments-fétiches : celesta de Because, harmonium de We Can Work It Out, contrebasse de Bill Black (Elvis), ukulélés, Strats bottleneck de George.
  • Objets techniques : Pro Tools, Studio Vision/Logic, click, nettoyage de ronflette sur Real Love. En 2023, MAL (démixage) pour extraire la voix de John sur Now and Then.

Post-scriptum : à quoi ressemble une « réunion » réussie ?

À trois choses, ici :

  1. Faire passer la voix de John avant tout.
  2. Jouer comme un groupe — en se retenant.
  3. Assumer la part de bricolage (hier : clics, copiés-collés ; aujourd’hui : démixage) sans jamais en faire l’argument.

C’est peu spectaculaire, c’est terriblement Beatles.


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