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George Harrison en 1974 : pourquoi il ne voulait plus jouer avec McCartney

Publié le 31 août 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

En 1974, George Harrison affirmait qu’il ne pouvait pas rejoindre un groupe avec Paul McCartney — une phrase marquante qui éclaire ses choix musicaux, ses préférences d’interprétation et l’évolution des Beatles après leur séparation.


« Je ne pouvais pas rejoindre un groupe avec Paul McCartney. Mais ce n’est rien de personnel. » La formule, lâchée par George Harrison à l’automne 1974, fait régulièrement surface dans la mémoire collective. On y entend un écho de la frustration de la fin des Beatles, mais aussi la lucidité d’un musicien passé du statut d’ombre tutélaire à celui d’auteur pleinement affirmé. Cinquante ans plus tard, elle dit autant de Harrison que des Beatles eux-mêmes : la difficulté d’aligner des talents qui ne se ressemblent plus, la question du pouvoir musical au sein d’un groupe, et le besoin, enfin, d’une respiration individuelle.

Le contexte immédiat compte. Nous sommes à l’aube de la tournée nord-américaine dite Dark Horse Tour. George Harrison se présente devant la presse pour expliquer l’esprit d’un projet aussi ambitieux que risqué : un long itinéraire où il partagera l’affiche avec Ravi Shankar et une formation occidentale de haut vol. C’est au fil des questions qu’il lâche plusieurs appréciations restées célèbres : admiration sans ambages pour Ringo Starr — « le meilleur backbeat » qu’il ait entendu —, reconnaissance pour les qualités de Paul McCartney, mais mention d’un côté « overpowering » parfois envahissant, et, au détour d’une phrase, ce préférerait jouer avec John. Était-ce une pique ? Un trait d’humeur ? Surtout une vérité musicale, dira-t-il, plus qu’une affaire personnelle.

Sommaire

  • Entre étouffement et émancipation : l’arc 1968‑1970
  • 1974 : Dark Horse, voix éraillée et nerfs à vif
  • La préférence Lennon : affinité d’esprit plus que camp choisi
  • « Overpowering » : que voulait dire Harrison au juste ?
  • « Le meilleur backbeat » : le cas Ringo Starr
  • 8 septembre 1969 : l’autre document qui change la lecture
  • Imagine : quand Harrison joue pour Lennon
  • Dark Horse Tour : ambition, controverse et malentendus
  • « Rien de personnel » : l’éthique Harrison
  • 1981 : « All Those Years Ago », le pli du deuil
  • Willie Weeks plutôt que Paul : ce que révèle une comparaison
  • Le tempérament Harrison : humour sec, droiture et contrepieds
  • Ce que la phrase révèle des Beatles : la politique de l’espace
  • Débats de réception : de l’anecdote à l’analyse
  • Dernière résonance : ce que cette franchise nous apprend
  • Post‑scriptum : un clin d’œil d’aujourd’hui
  • En guise de conclusion

Entre étouffement et émancipation : l’arc 1968‑1970

Pour comprendre la charge émotionnelle de cette petite phrase, il faut revenir aux dernières années des Beatles. À partir de 1968, George Harrison voit sa productivité déborder le cadre assigné. Des chansons comme « Something », « Here Comes the Sun », « Isn’t It a Pity » (qu’il ne parviendra pas à placer sur un album du groupe) attestent d’un songwriter en plein éveil. Or, l’équilibre interne reste structuré par la bipolarité Lennon‑McCartney. Sur le terrain, cela se traduit par des embouteillages en studio, des arrangements longuement discutés et, parfois, des gestes mal reçus—ainsi, les remises au point de McCartney sur les parties de guitare de George lors des séances de Let It Be. Le documentaire Get Back en a livré un instantané devenu fameux : Harrison, calme et blessé, lâchant à Paul qu’il jouera « ce que tu veux… ou pas du tout » si cela peut faire avancer la musique.

C’est aussi à ce moment que Harrison se rapproche de Billy Preston, dont la présence change la chimie du studio, et qu’il consolide une grammaire de guitare — slide, phrasés mélodiques, sens du contre‑chant — qui s’emboîte parfois difficilement dans les structures McCartneyennes, plus volontiers motrices et arrangées. Quand les Beatles se séparent, George franchit la porte de la décennie 1970 avec un triple album couronné de succès, All Things Must Pass. C’est une revanche et un manifeste : il peut, sans garde‑fous, donner la pleine mesure de son écriture.

1974 : Dark Horse, voix éraillée et nerfs à vif

L’année 1974 saisit Harrison dans une zone de turbulence. L’aventure de Dark Horse Records le mobilise, la tournée qui porte le même nom s’assemble avec une troupe de haut niveau : Billy Preston aux claviers et au chant, Tom Scott à la direction musicale, Robben Ford à la guitare, une section de cuivres aguerrie, et une rythmique de soul/R&B articulée autour de Willie Weeks à la basse et Andy Newmark à la batterie, bientôt rejointe par Jim Keltner sur certaines dates. Sur le papier, le casting est somptueux. Mais la réalité scénique se révèle contrastée : voix fatiguée, répertoire partagé avec l’ensemble indien de Ravi Shankar, attentes pop pas toujours satisfaites, critiques parfois sévères qui iront jusqu’au calembour « Dark Hoarse ». Harrison, loin de se dérober, assume un choix esthétique — hybrider la musique indienne et le rock — et un choix philosophique : ne pas transformer les concerts en panthéon Beatles.

C’est précisément dans ce climat que s’éclairent ses propos. Dire qu’il « ne pourrait pas rejoindre » un groupe avec Paul McCartney, tout en affirmant qu’il pourrait le faire « sans hésiter » avec John Lennon, relève d’une cartographie sensitive des tempéraments. McCartney est un architecte du détail, un basse‑synthèse qui aime dessiner l’ossature des morceaux et polir leurs arêtes ; Harrison aspire, en 1974, à une respiration organique, à un jeu qui respire, à une souplesse que lui offrent Weeks et Newmark. Rien de personnel, insiste‑t‑il : question de langage musical, d’espace laissé, de densité dans le mix.

La préférence Lennon : affinité d’esprit plus que camp choisi

Préciser qu’il jouerait volontiers avec John Lennon ne signifie pas que Harrison se range dans un camp « anti‑Paul ». La réalité historique est plus nuancée. Depuis la fin des Beatles, George a travaillé avec Lennon sur Imagine : on y entend sa slide guitar agile, son dobro sur « Crippled Inside », sa tessiture mélodique mise au service d’un autre univers. Entre Harrison et Lennon, il y a une affinité d’attitude : goût des angles qui piquent, distance ironique, attachement à une certaine épure. L’idée d’un groupe avec John en 1974 tient aussi à la qualité des échanges récents, à la fluidité d’un dialogue artistique qui a déjà fait ses preuves.

On n’oubliera pas pour autant que Harrison a aussi, ponctuellement, croisé la route de Paul après 1970. La chanson « All Those Years Ago », parue en 1981 en hommage à John Lennon, réunit George, Ringo à la batterie et Paul (avec Linda et Denny Laine) aux chœurs. Preuve qu’au‑delà des préférences musicales, des collaborations ponctuelles et respectueuses restaient possibles, y compris sur un terrain émotionnellement sensible.

« Overpowering » : que voulait dire Harrison au juste ?

Le terme « overpowering », utilisé à propos de McCartney, résume un sentiment partagé par d’autres Beatles à certains moments des séances : celui d’une présence créative très marquée, parfois vécue comme une mise sous tutelle. Ringo Starr a lui‑même évoqué cette tendance de Paul à indiquer la manière de jouer, là où George revendiquait une autonomie d’interprète : « Je suis guitariste ; je jouerai le solo », résume une anecdote des années White Album. Dans un groupe doté de trois compositeurs, la négociation permanente est la règle. Or, au tournant de 1969, Harrison a des chansons à proposer, et la vieille grammaire Lennon‑McCartney n’ouvre pas toujours l’espace nécessaire.

Pourtant, réduire McCartney à une caricature de chef serait injuste. D’un point de vue strictement musical, Paul demeure un bassiste d’une imagination rare et un instrumentiste qui entend l’arrangement dans sa globalité. Les enregistrements Beatles témoignent d’une écoute intense, de propositions harmoniques inventives, d’un sens du contre‑chant et de la mélodie qui a rempli de couleurs les chansons des autres. Il se trouve simplement que, pour Harrison en 1974, l’équation d’un éventuel nouveau groupe avec Paul aurait reposé sur une densité et une direction qui ne correspondaient plus à son désir du moment.

« Le meilleur backbeat » : le cas Ringo Starr

Au même micro, George rend un hommage appuyé à Ringo Starr, son ami de toujours et un batteur dont il loue le sens du tempo. Parler de « meilleur backbeat » n’est pas une formule creuse : c’est reconnaître une qualité rare, celle d’un pulsation stable, posée, qui porte la chanson sans la contraindre. Les musiciens qui ont travaillé avec Ringo sur Beatles et en dehors le savent : il y a, dans son jeu, un équilibre entre relâchement et direction qui s’articule particulièrement bien avec l’économie d’écriture de Harrison. Que George cite Ringo dans la même phrase où il explique ses réserves à l’idée d’un groupe avec Paul dit justement cela : le besoin d’un socle qui n’impose pas, mais soutient.

8 septembre 1969 : l’autre document qui change la lecture

La phrase de 1974 croise, en filigrane, un autre moment clé : la réunion du 8 septembre 1969, quelques jours après l’achèvement d’Abbey Road. Ce jour‑là, John, Paul et George (sans Ringo, hospitalisé) discutent l’idée d’un nouvel album des Beatles. Lennon y plaide pour une répartition plus équitable des chansons — quatre pour lui, quatre pour Paul, quatre pour George — et reconnaît qu’on aurait dû donner davantage de faces B à Harrison et Starr. La bande, exhumée des années plus tard, rappelle que l’histoire n’était pas écrite d’avance : des chemins restaient ouverts. Qu’ils n’aient pas été empruntés n’invalide pas l’intention ; elle souligne seulement combien les sensibilités avaient déjà divergé.

Imagine : quand Harrison joue pour Lennon

Au détour des sessions de 1971, George Harrison apporte une signature immédiatement reconnaissable à l’album Imagine de John Lennon. Sa slide guitar trace des lignes claires sur des titres comme « Gimme Some Truth », « How Do You Sleep? », « Oh My Love » ; son dobro donne un grain roots à « Crippled Inside ». Rien de spectaculaire ; une présence allusive qui renforce le propos. Cet apport explique, en partie, la phrase de 1974 : Harrison sait que l’espace que Lennon lui laisse — une liberté de contre‑chant, une place dans la dynamique rythmique — répond à son langage.

Le paradoxe veut qu’une des plages les plus célèbres de Imagine, « How Do You Sleep? », vise McCartney avec une acidité notoire. Harrison y joue. Faut‑il y voir un alignement de camp ? La réponse est plus subtile : en 1971, George adhère à la pointe esthétique du titre et apporte sa guitare au service d’un ami ; quelques années plus tard, il appellera Paul pour participer, avec Ringo, à sa chanson « All Those Years Ago », hommage à John. L’histoire des ex‑Beatles n’est faite que de ces concertations variables, où chacun prend et donne selon les moments.

Dark Horse Tour : ambition, controverse et malentendus

On a beaucoup dit que la tournée 1974 fut un accident. La vérité est plus composite. D’un côté, une voix abîmée et des choix de setlist qui déstabilisent une partie du public — peu de titres Beatles, beaucoup de matériau récent, une large fenêtre offerte aux musiciens indiens de Ravi Shankar ; de l’autre, de véritables moments de grâce, des grooves profonds, Billy Preston en éclair de scène, et cette section rythmique Weeks/Newmark dont Harrison vante la souplesse. Le pun « Dark Hoarse » a fait florès ; il a fini par écraser un récit plus équilibré, où l’on reconnaît à Harrison le droit d’avoir tenté une forme à la fois populaire et spirituelle.

C’est précisément au milieu de ces controverses que l’on doit relire la phrase du 23 octobre : Harrison y fixe sa boussole. Il cherche, alors, un espace où sa guitare respire, où la rythmique « pousse » sans asphyxier, où l’arrangement n’est pas une cage. Il sait qu’avec Paul, la tentation du contrôle serait forte et que la densité de jeu de McCartney (qui est aussi sa grande force) appellerait une autre conception du groupe. Avec John, il projette un équilibre plus flottant, plus improvisé, mieux accordé à son humeur du moment.

« Rien de personnel » : l’éthique Harrison

Insister sur le « rien de personnel » n’est pas une précaution oratoire. Harrison sait la puissance des narrations Binaires — pour/contre, l’un contre l’autre — qui s’agrippent aux Beatles depuis leur séparation. Sa démarche, en 1974, n’est pas d’attiser une rivalité, mais de poser calmement un diagnostic : ce qui lui convient musicalement, ce qui lui convient moins. On retrouve là un trait constant du personnage : une volonté de sincérité parfois rugueuse, mais droite, quitte à secouer l’attente de l’auditoire.

Cette éthique se lit aussi dans la manière dont Harrison aborde la scène : refus du musée, désir d’échange, goût du travail collectif quand l’égo ne prend pas toute la place. Dans son univers, l’exigence musicale n’est pas contradictoire avec une sobriété de mise en scène ; au contraire, elle en est la condition.

1981 : « All Those Years Ago », le pli du deuil

La mort de John Lennon en décembre 1980 déclenche, chez Harrison, un geste fraternel. Il rouvre une chanson en chantier, réécrit des paroles, invite Ringo à garder sa pulsation et Paul (avec Linda et Denny Laine) à harmoniser la mélodie. « All Those Years Ago » devient un hommage qui réunit, sur un même bandeau, trois des Beatles. Le symbole est fort : malgré les préférences musicales exprimées en 1974, l’affection et le respect circulent encore. Cette réconciliation sonore ne gomme rien ; elle rappelle que la ligne tracée par Harrison — ne pas reformer un groupe avec Paul — n’excluait ni la collaboration, ni la gratitude.

Willie Weeks plutôt que Paul : ce que révèle une comparaison

La mention par Harrison de Willie Weeks comme bassiste de prédilection en 1974 en dit long sur ce qu’il recherche alors. Weeks, figure respectée des scènes soul et R&B, joue avec une élasticité et une retenue qui laissent aux guitares une place confortable. Là où McCartney conçoit souvent la basse comme un chant à part entière — une ligne qui dialogue avec la mélodie —, Weeks structure le groove sans tirer la couverture. Harrison ne dit pas que l’un est « meilleur » que l’autre ; il dit qu’en 1974, avec la palette d’un groupe large et une voix fragilisée, il a besoin d’un socle qui respire autrement.

Le tempérament Harrison : humour sec, droiture et contrepieds

Les lecteurs familiers de George Harrison savent combien son humour peut être sec, ses jugements tranchants et ses revirements possibles. L’homme qui, en 1974, lance qu’il ne pourrait pas rejoindre un groupe avec McCartney est aussi celui qui, vingt ans plus tôt, accepte avec humilité la domination du binôme Lennon‑McCartney, et celui qui, en 1987, signe un retour pop net avec Cloud Nine avant d’ouvrir le chapitre Traveling Wilburys. Il y a chez lui un art du contre‑pied qui n’a rien d’une posture ; c’est la façon dont il protège sa liberté.

Dans cette ligne, la phrase de 1974 n’est pas un verdict absolu, mais la photographie d’un moment. Elle capture l’état d’esprit d’un artiste éprouvé physiquement par une année dense, désireux de maîtriser son environnement musical et de l’orienter vers une respiration qui n’étouffe pas sa guitare ni ses idées.

Ce que la phrase révèle des Beatles : la politique de l’espace

Si l’on élargit la focale, l’aveu de Harrison révèle une vérité sur les Beatles : leur génie fut aussi une politique de l’espace. Tant que les chansons s’emboîtaient, que les personnalités pouvaient co‑habiter dans un cadre tacitement négocié, la machine avançait. Quand la pression créative est devenue centrifuge — chacun ayant des choses à dire, des sons à tester, des méthodes à imposer —, le cadre a craqué. La bipolarité Lennon‑McCartney a longtemps servi d’armature ; elle a fini par ressembler, aux yeux de Harrison, à un plafond qu’il lui fallait percer.

La suite l’a confirmé : en solo, George a tracé une route personnelle faite d’obstination mélodique, d’humour pince‑sans‑rire et d’une spiritualité qui aimante les formes sans les rigidifier. Sa guitare a gagné en clarté, son écriture en assise ; et chaque fois qu’il a croisé ses anciens compagnons, l’échange a eu lieu sur un terrain délimité. C’était sans doute le prix à payer pour que la tendresse ne se transforme pas en contrainte.

Débats de réception : de l’anecdote à l’analyse

À chaque résurgence de la phrase — « Je ne pourrais pas rejoindre un groupe avec Paul » —, la tentation est forte d’en faire un mème, un caillou de plus dans la chaussure d’une rivalité fantasmée. Il vaut mieux y voir une clé d’écoute. Elle permet de relire, par exemple, la façon dont Harrison aborde les arrangements : souvent aérés, portés par des contre‑chants de slide, soutenus par des basses souples. Elle éclaire aussi sa préférence pour des batteurs et bassistes au jeu « non intrusif » ; elle explique, à rebours, pourquoi l’énergie polyphonique de McCartney pouvait lui paraître, à ce stade, envahissante.

On peut, certes, objecter que certaines œuvres de McCartney sont des écrins où la guitare de Harrison aurait pu chanter. On peut également rappeler que Paul a su, en producteur et compositeur, ménager des espaces immenses aux autres. La phrase de 1974 ne tranche pas ce débat ; elle le relance sur un terrain plus fructueux : celui des styles et des affinités.

Dernière résonance : ce que cette franchise nous apprend

En fin de compte, la franchise de George Harrison en 1974 nous apporte une leçon moins vengeresse qu’il n’y paraît. Elle rappelle qu’un groupe est une écologie fragile où l’écoute et la place laissée aux autres comptent autant que les chansons. Elle dit, aussi, qu’un artiste peut respecter profondément un pair — en reconnaissant ses qualités — tout en constatant que leurs désirs d’atelier divergent. Harrison ne « règle pas ses comptes » ; il pose un diagnostic et continue sa route, fidèle à sa boussole.

Le public y gagne un récit moins romantique mais plus vrai : celui d’une fraternité complexe, faite d’amour, de frottements, de malentendus parfois, et d’une musique qui, malgré tout, continue de circuler entre eux. La preuve, encore une fois, se lit dans ces moments où les trajectoires se croisent : la slide de George chez John, les chœurs de Paul chez George, la batterie de Ringo qui cimente l’ensemble. À cette hauteur‑là, la phrase de 1974 n’est pas une frontière ; c’est une balise posée sur la carte d’un voyage que chacun, à sa manière, poursuivra jusqu’au bout.

Post‑scriptum : un clin d’œil d’aujourd’hui

La postérité de George Harrison se nourrit, ces derniers mois, d’un beau geste discographique : un album de gypsy jazz enregistré à Friar Park par Robin Nolan, For the Love of George, qui revisite des pièces de Harrison avec trois de ses guitares historiques et exhume, à partir de griffonnages retrouvés, l’âme d’un thème inachevé. On y reconnaît l’intimisme mélodique cher à George, son art du contre‑chant et cette manière de faire chanter les accords plus que de les démontrer. Autant d’indices que la voix de Harrison, au‑delà des phrases qu’on lui a connues, continue de vibrer dans le présent.

En guise de conclusion

La déclaration de 1974 n’a rien perdu de sa force parce qu’elle parle de musique avant tout. Elle traduit la sensibilité d’un artiste au moment où il revendique l’espace de sa guitare, l’air entre les notes, le tempo qui respire. Elle n’insulte ni Paul McCartney, ni la mémoire des Beatles ; elle cartographie un désir. Et c’est peut‑être la leçon à garder : au cœur d’une des histoires les plus racontées du XXe siècle musical, il reste des détails de langage et d’écoute qui expliquent plus que les mythes. George Harrison, avec sa pointe d’humour et son exigence douce, nous l’a rappelé un soir de 1974. Le reste — les malentendus, les camps, les phrases sorties de leur boîte — peut bien circuler ; la musique, elle, s’en charge mieux que nous.


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