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« Oh Woman, Oh Why » : Le blues-rock brut et méconnu de Paul McCartney

Publié le 01 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

Sorti en 1971 en face B de Another Day, Oh Woman, Oh Why contraste radicalement avec l’univers mélodique de Paul McCartney. Ce blues-rock intense, enregistré lors des sessions de Ram, se distingue par une interprétation vocale puissante et l’ajout inédit de coups de feu, renforçant l’intensité dramatique du morceau. Inspiré des classiques du blues, McCartney y explore une facette plus sombre et viscérale de sa musique. Resté longtemps dans l’ombre, ce titre a été redécouvert grâce aux rééditions et continue d’impressionner par son énergie brute.


Le 19 février 1971 au Royaume-Uni et le 22 février aux états-Unis, Paul McCartney dévoilait son tout premier single en solo :« Another Day ». Si ce morceau délicat et mélodique s’inscrit dans la lignée des compositions accessibles et raffinées du bassiste des Beatles, c’est en face B que se cachait une pépite méconnue et radicalement différente :« Oh Woman, Oh Why ». Un blues-rock brut, chargé d’émotions, où McCartney explore une facette plus sombre de sa créativité musicale.

Sommaire

Un titre à contre-courant de « Ram »

Bien que« Oh Woman, Oh Why »ait été enregistré lors des sessions de l’albumRam, il fut mis de côté pour ne figurer que sur le single. Ce choix s’explique par la tonalité singulière du morceau, qui contraste avec l’ambiance plus champêtre et légère de l’album. SiRamest souvent perçu comme un album bucolique, presque insouciant, ce titre en revanche s’inscrit dans une tradition blues viscérale, où la douleur et la colère se font ressentir à travers chaque note et chaque cri de McCartney.

Denny Seiwell, batteur des sessions d’enregistrement, soulignait d’ailleurs dans le livrePaul McCartney Recording Sessions (1969-2013)de Luca Perasi :

« C’est l’un de mes morceaux préférés de cette époque. Le son de la batterie était incroyable, probablement l’un des meilleurs que nous ayons obtenus aux studios CBS. Ce n’était pas une improvisation ; Paul est arrivé avec la chanson, et David Spinozza jouait de la guitare électrique pendant que nous ajoutions les percussions. «

Un hommage aux classiques du blues

DansThe Lyrics: 1956 to the Present, McCartney explique que« Oh Woman, Oh Why »s’inscrit dans une longue tradition de chansons blues connues sous le nom de « woman, you done me wrong songs ». Ces morceaux, populaires dès le début du XXe siècle, racontent des histoires d’hommes trompés, trahis ou abandonnés, et sont souvent teintés de violence et de désespoir. Parmi les références évidentes, on retrouve le classique« Frankie and Johnny », un air repris par d’innombrables artistes, dont Lead Belly en 1935.

Loin de choisir une narration réaliste ou anecdotique, McCartney privilégie une imagerie plus évocatrice et symbolique :

« J’aimais l’idée d’une image frappante comme ‘I met her at the bottom of a well’ (Je l’ai rencontrée au fond d’un puits) plutôt que des références plus évidentes comme Bourbon Street ou un bordel parisien. «

Ce choix d’écriture confère au morceau une atmosphère troublante, presque mystique, où la douleur et la passion se fondent dans un décor sombre et imagé.

Enregistrement et expérimentation sonore

L’enregistrement de« Oh Woman, Oh Why »débuta le3 novembre 1970aux Columbia Studios de New York, avec des overdubs ajoutés entre le6 et le 11 décembre. Enfin, les derniers ajustements furent réalisés le26 janvier 1971aux studios A&R.

L’un des aspects les plus saisissants du morceau réside dans l’ajout d’un élément sonore inédit :des coups de feu. McCartney lui-même s’est chargé d’enregistrer le bruit d’un revolver à blanc, ce qui ajoute une intensité dramatique saisissante à la chanson. Ces six détonations résonnent à travers la piste, accentuant l’aspect désespéré du récit et lui conférant une puissance cinématographique.

Une performance vocale inédite

L’interprétation de McCartney sur« Oh Woman, Oh Why »est également remarquable. Délaissant son chant mélodieux habituel, il adopte ici une approche plus crue, presque rugueuse, qui évoque les grands bluesmen. Il expliquait ainsi sa démarche vocale :

« J’aime me salir la voix sur ce genre de morceau, aller chercher des textures plus brutes plutôt que de m’attacher à une ligne mélodique stricte. C’est un véritable exutoire vocal. «

Ce choix confère au morceau une authenticité rare, contrastant avec la finesse des arrangements deRam.

Une redécouverte tardive

Si« Oh Woman, Oh Why »est longtemps resté un trésor caché du catalogue McCartney, il a connu une seconde vie grâce à la réédition deRamet à son remix en 2005 pour l’albumTwin Freaks. Cette version modernisée a permis à un nouveau public d’apprécier la richesse du morceau, révélant l’audace et la diversité musicale de McCartney dès le début de sa carrière solo.

Plus de 50 ans après sa sortie,« Oh Woman, Oh Why »demeure un témoignage fascinant du talent de McCartney à explorer des territoires inattendus. En mêlant blues rugueux, paroles imagées et production expérimentale, il prouve une fois de plus qu’il est bien plus qu’un simple mélodiste : un véritable artisan du son, capable de surprendre à chaque instant.


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