Sorti en 1974 sous le nom « The Country Hams », Bridge Over The River Suite est un instrumental méconnu de Paul McCartney, aux influences jazz, country et rock. Enregistré à Nashville avec une section de cuivres impressionnante, ce morceau illustre son goût pour l’expérimentation et son attachement à l’héritage musical familial, aux côtés de Walking In The Park With Eloise, une composition de son père. Longtemps oublié, ce single mérite aujourd’hui une redécouverte.
Au cœur de la carrière prolifique de Paul McCartney, entre l’ère des Beatles et ses expérimentations avec Wings, l’artiste a produit des œuvres qui, souvent oubliées ou sous-estimées, méritent une attention particulière. L’un de ces morceaux intrigants est l’instrumental « Bridge Over The River Suite », un titre qui, à première vue, semble relégué à l’ombre des succès plus mémorables. Pourtant, ce morceau et son compagnon de sortie, « Walking In The Park With Eloise », offrent un aperçu fascinant sur les périodes créatives de McCartney, notamment sa manière de fusionner ses racines musicales, son héritage familial, et son goût pour l’expérimentation sonore. Ce single, sorti fin 1974 sous le nom de « The Country Hams », s’inscrit dans une série de projets où McCartney cherche à réinventer son art tout en célébrant son passé.
Sommaire
- Un projet parallèle : « The Country Hams »
- L’héritage familial : « Walking In The Park With Eloise »
- L’enregistrement de « Bridge Over The River Suite » : Un travail de précision
- L’échec commercial du single : Une œuvre à redécouvrir
- L’influence de Nashville et de l’esprit country
- McCartney et la BBC : Un hommage tardif à « Walking In The Park With Eloise »
- Une œuvre qui mérite d’être redécouverte
Un projet parallèle : « The Country Hams »
Le 18 octobre 1974, en Grande-Bretagne et le 2 décembre aux États-Unis, Paul McCartney et Wings, sous le pseudonyme de « The Country Hams », lancent un single qui pourrait sembler anecdotique dans le parcours de l’ex-Beatle. Le single contient deux morceaux : « Walking In The Park With Eloise » et « Bridge Over The River Suite », ce dernier étant un instrumental d’une rare richesse qui dépeint un McCartney en pleine exploration musicale.
Les noms des musiciens qui entourent McCartney sur ce projet laissent entrevoir une collaboration riche et variée. Avec Denny Laine et Jimmy McCulloch à la guitare, Davy Lutton à la batterie, et une section de cuivres impressionnante – composée de Bill Puitt, Norman Ray, Thaddeus Richard au saxophone, George Tidwell et Barry McDonald à la trompette, et Dale Quillen au trombone – « Bridge Over The River Suite » reflète un son beaucoup plus organique, presque rural, tout en intégrant des éléments jazz et soul grâce à la section cuivres. Ce mélange de genres témoigne de l’envie de McCartney de repousser les frontières de son propre style musical, loin des conventions du rock classique.
L’héritage familial : « Walking In The Park With Eloise »
La face A du single, « Walking In The Park With Eloise », revêt une importance particulière pour McCartney. Cette chanson, écrite par son père, Jim McCartney, semble être une porte d’entrée dans l’intimité familiale de l’artiste. Si le morceau est léger et plein de charme, il prend une dimension plus profonde lorsqu’on sait que McCartney l’a enregistré dans les années 70 après une discussion avec son père. Ce dernier, loin de revendiquer une paternité artistique sur la chanson, affirma qu’il l’avait simplement « inventée ». Cette anecdote montre une belle complicité entre le père et le fils, qui partageaient un amour pour la musique, bien que de manière différente.
En 1974, McCartney se rend à Nashville, avec des musiciens comme Chet Atkins et Floyd Cramer, pour donner une nouvelle vie à cette chanson, marquée par un son country, avec des arrangements simples et des harmonies vocales douces. Le processus créatif autour de ce morceau semble symboliser un retour aux racines, un hommage à un héritage qui influence encore profondément McCartney.
L’enregistrement de « Bridge Over The River Suite » : Un travail de précision
Bien que « Walking In The Park With Eloise » fut le morceau phare de ce projet, c’est « Bridge Over The River Suite » qui mérite une attention particulière, à la fois pour sa composition et pour son développement en studio. L’origine du morceau remonte à septembre 1972, lorsque McCartney, lors des sessions pour « Country Dreamer », enregistre une version acoustique du morceau à Abbey Road. Cependant, le titre prend réellement forme au cours de sessions ultérieures, en novembre 1973 à Paris, où McCartney travaille à l’ajout d’instruments et à l’élargissement de la palette sonore. La présence des guitaristes Denny Laine et Jimmy McCulloch, ainsi que du batteur Davy Lutton, suggère que McCartney cherchait à obtenir un mélange unique de sonorités rock et country.
C’est véritablement en 1974, à Nashville, que « Bridge Over The River Suite » se complète. Là, McCartney, aidé par les cuivres et la section rythmique, parvient à créer une œuvre instrumentale où la douceur de la mélodie rencontre une certaine puissance orchestrale. Les cuivres, arrangés par McCartney et Tony Dorsey, apportent une richesse sonore qui contraste avec la simplicité de la base instrumentale initiale. Le titre se distingue par sa structure en suite, où les différents mouvements s’enchaînent sans jamais se répéter, offrant ainsi une écoute captivante.
L’échec commercial du single : Une œuvre à redécouvrir
Le single « Walking In The Park With Eloise » n’a pas connu un grand succès commercial, ne parvenant même pas à figurer dans les classements des ventes en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Cette absence de succès, bien que décevante pour McCartney, ne fait que renforcer le caractère culte du morceau avec le temps. Comme souvent avec les productions plus expérimentales de l’artiste, « Bridge Over The River Suite » est un exemple parfait de musique qui défie les attentes commerciales, mais qui prend une place privilégiée dans le cœur des fans et des collectionneurs.
Le peu d’exemplaires vendus a fait de ce single un véritable objet de collection. Pourtant, la faible popularité de l’album ne fait que souligner la tendance de McCartney à se libérer des contraintes commerciales pour se concentrer sur l’expression artistique pure. À une époque où la scène musicale se concentrait sur la commercialisation de l’image d’artiste, McCartney choisissait de créer des œuvres musicales avant tout pour leur valeur intrinsèque.
L’influence de Nashville et de l’esprit country
Il est intéressant de noter l’influence de Nashville, centre névralgique de la musique country, sur ce projet. McCartney, en enregistrant à Nashville, fait un clin d’œil à l’un des genres les plus populaires de la musique américaine. En revisitant « Walking In The Park With Eloise », il s’inscrit dans une tradition qui dépasse ses racines britanniques et qui fait un pont (comme l’indique le titre du morceau) avec une musique qui incarne l’Amérique rurale.
Le son de Nashville, avec ses instruments traditionnels, sa batterie discrète et ses orchestrations douces, marque l’une des étapes de plus en plus fréquentes de McCartney : son désir de chercher de nouvelles influences musicales, d’embrasser différents genres tout en y apportant sa propre touche. Cet aspect de sa carrière fait partie de son héritage d’artiste inclassable, toujours en quête de nouvelles sonorités, tout en restant profondément attaché à ses racines.
McCartney et la BBC : Un hommage tardif à « Walking In The Park With Eloise »
Dans une interview marquante pour l’émissionDesert Island Discsde la BBC, diffusée en janvier 1982, McCartney révèle avoir inclus « Walking In The Park With Eloise » parmi ses morceaux préférés. Cette redécouverte personnelle du morceau, accompagné de la réédition du single par EMI en 1982, montre à quel point cette chanson est importante dans l’univers de McCartney, même si elle n’a pas connu un grand succès à l’époque de sa sortie.
Malgré son faible impact commercial, ce single, avec ses sonorités rustiques et ses arrangements atypiques, reste un jalon musical dans l’histoire de McCartney. Son retour en 1982 témoigne d’une reconnaissance tardive de l’importance de ces morceaux moins connus, mais essentiels pour saisir la portée de sa créativité.
Une œuvre qui mérite d’être redécouverte
Avec « Bridge Over The River Suite » et « Walking In The Park With Eloise », McCartney ne se contente pas de produire des chansons. Il nous invite à une exploration musicale riche et profonde, où chaque note, chaque instrument, et chaque arrangement semble raconter une histoire. Ces morceaux sont le reflet de l’artiste à un tournant de sa carrière, oscillant entre ses expériences passées avec les Beatles et la recherche de nouvelles voies artistiques. « Bridge Over The River Suite » et son pendant « Walking In The Park With Eloise » n’ont peut-être pas marqué l’histoire des charts, mais ils restent un témoignage du génie créatif de McCartney, capable de toucher à des genres variés tout en restant fidèle à son propre style. À travers ces compositions, il nous montre un artiste en quête d’identité musicale, expérimentant et redéfinissant sans cesse son art.
Ainsi, malgré un échec commercial, ces titres restent parmi les joyaux méconnus du répertoire de McCartney. Ils rappellent, une fois de plus, que la musique de l’ex-Beatle va bien au-delà des succès commerciaux, et que l’œuvre complète de l’artiste mérite d’être redécouverte sous tous ses angles.
