Paul McCartney et Nancy Shevell investissent 3,5 millions $ pour transformer une maison victorienne près de Sefton Park, à Liverpool, en refuge pour trente jeunes sans-abri. Le projet, conçu avec la mairie et l’association Youth Reach, offrira chambres individuelles, studios de musique, formations numériques, suivi psychologique et navette nocturne gratuite. Prévu pour l’hiver 2026-2027, il s’inscrit dans la tradition philanthropique de McCartney, déjà cofondateur de la LIPA. Face à une crise de l’itinérance juvénile qui touche plus de 1 100 mineurs à Liverpool, le centre McCartney-Shevell veut combiner logement, arts et accompagnement sanitaire pour reconstruire des trajectoires et inspirer d’autres villes britanniques.
Lorsque Paul McCartney a confirmé, fin août 2025, avoir investi l’équivalent de 3,5 millions $ (environ 3 millions £), avec son épouse Nancy Shevell, pour transformer une maison victorienne du sud de Liverpool en foyer d’accueil pour jeunes sans-abri, c’est toute une boucle qui se referme : celle d’un enfant du quartier de Speke devenu icône planétaire et qui choisit aujourd’hui de rendre, pierre après pierre, ce que sa cité lui a offert en notes de musique
Sommaire
- Liverpool, matrice d’une vie et d’une œuvre
- Un abri : de la brique rouge à la chaleur humaine
- « Abriter des rêves » : les mots de Paul McCartney
- Nancy Shevell : discrète alliée d’une cause urgente
- La crise de l’itinérance juvénile sur les rives de la Mersey
- Une tradition de philanthropie bien ancrée
- Partenariats locaux : mairie, université et entreprises
- Des services holistiques pensés pour la jeunesse sans-abri
- De « Blackbird » à « Hope of Deliverance » : la musique comme refuge
- Calendrier et financement complémentaire
- Un modèle reproductible ?
- L’héritage d’un Beatle au-delà des disques
- Quand la charité rime avec responsabilité
Liverpool, matrice d’une vie et d’une œuvre
À chaque tournée, l’ancien Beatle rappelle que sa « vraie salle de répétition » fut la ville même : les bus entre Penny Lane et Woolton, la scène du Cavern Club, les chœurs improvisés de St Barnabas. Né le 18 juin 1942, éduqué à la Liverpool Institute for Boys, il forge avec John Lennon, George Harrison et Ringo Starr les contours sonores d’une révolution pop qui, dès 1963, exporte l’accent scouse aux quatre coins du monde. « Dans chaque accord que je joue, on entend un peu de Liverpool », répète-t-il encore aujourd’hui.
Un abri : de la brique rouge à la chaleur humaine
Le futur refuge, implanté non loin de Sefton Park, comptera trente chambres individuelles, des espaces de formation numérique, deux studios de répétition et un pôle d’accompagnement psychologique. La conception a été élaborée avec la mairie de Liverpool et l’association Youth Reach, déjà partenaire du programme « Housing First » de la région, qui vise à loger durablement les personnes à la rue avant toute autre démarche . Les travaux débuteront début 2026, pour une ouverture espérée à l’hiver 2026-2027.
« Abriter des rêves » : les mots de Paul McCartney
« Cette ville m’a donné ma voix et mes rêves ; offrir un toit à sa jeunesse est la moindre des choses », a-t-il déclaré dans un communiqué. Et d’ajouter : « Je veux que ces garçons et ces filles sachent que ma musique, comme ma maison, leur appartiennent aussi. » Le choix d’une maison plutôt qu’un bâtiment institutionnel n’est pas anodin : Paul évoque la convivialité typique des logements mitoyens de son enfance, où le salon faisait office de scène improvisée.
Nancy Shevell : discrète alliée d’une cause urgente
Vice-présidente du groupe de transports New England Motor Freight puis membre du conseil d’administration du Metropolitan Transportation Authority de New York, Nancy Shevell accompagne depuis 2011 les actions philanthropiques de son mari. À Liverpool, son expertise logistique facilitera l’aménagement d’une navette nocturne gratuite reliant le refuge aux gares de Lime Street et de South Parkway, afin d’éviter que les jeunes ne soient isolés
La crise de l’itinérance juvénile sur les rives de la Mersey
Les derniers chiffres sont alarmants : 1 147 enfants et adolescents de moins de dix-huit ans étaient sans domicile fixe à Liverpool entre octobre et décembre 2024, un record depuis 2019
À l’échelle nationale, 131 140 foyers vivaient en hébergement temporaire au 31 mars 2025, dont près de 48 000 foyers composés d’adolescents isolés. Le futur centre McCartney-Shevell se positionne donc comme une réponse concrète à une urgence sociale que les associations locales peinent à contenir, faute de places et de financements pérennes.
Une tradition de philanthropie bien ancrée
Le geste n’est pas isolé : en 1996, McCartney co-fondait la Liverpool Institute for Performing Arts (LIPA), installée dans son ancien lycée et devenue l’un des pôles artistiques majeurs d’Europe. Il soutient également l’ONG Streets of London, la campagne #ComeOnHome et, aux États-Unis, la Man/Kind Initiative, à laquelle il a prêté la chanson « One Day a Week » pour sensibiliser au sans-abrisme . Son implication financière directe dans des projets d’hébergement avait déjà atteint 3 millions £ en 2023, selon un communiqué relayé par le Liverpool Echo.
Partenariats locaux : mairie, université et entreprises
La mairie s’est engagée à exonérer de taxe foncière le bâtiment pendant vingt ans, tandis que la société de construction Kier Group fournira à prix coûtant les matériaux isolants. Dans le même temps, la LIPA proposera des ateliers hebdomadaires d’écriture et de MAO, créant ainsi un pont entre formation artistique et réinsertion professionnelle. Des étudiants en master de musicothérapie travailleront sur place pour évaluer l’effet du son comme levier de reconstruction identitaire.
Des services holistiques pensés pour la jeunesse sans-abri
Au-delà des lits, le programme inclura un accompagnement vers la formation, l’accès à un médecin généraliste présent deux matinées par semaine, ainsi qu’un kiosque numérique où les résidents pourront actualiser leurs démarches administratives : inscription au National Insurance, candidature à un apprentissage ou demande d’aide sociale. Un partenariat avec le club de football féminin de Liverpool offrira des séances sportives encadrées, renforçant le sentiment d’appartenance communautaire.
De « Blackbird » à « Hope of Deliverance » : la musique comme refuge
Nombre d’experts soulignent l’impact psychologique des chansons de McCartney sur plusieurs générations. Qu’il s’agisse de la résilience de « Blackbird » ou de l’espoir porté par « Let It Be », les paroles de l’artiste servent de trame aux ateliers d’écriture proposés aux jeunes. « Mettre des mots sur la souffrance est la première étape vers la guérison », affirme la psychologue clinicienne du projet.
Calendrier et financement complémentaire
Si le gros œuvre sera couvert par le don initial, un budget complémentaire de 1,2 million £ doit encore être réuni pour le mobilier, les équipements informatiques et la rémunération des éducateurs spécialisés. Une campagne de mécénat sera lancée en novembre, coordonnée par la fondation britannique Comic Relief, partenaire de longue date de McCartney
Un modèle reproductible ?
Le refuge de Liverpool s’inspire des centres pilotes de la région nordique. La Ville de Stockholm, par exemple, a réduit de 35 % le nombre de mineurs à la rue depuis 2018 grâce à un dispositif « Logement + Mentorat ». Les élus de Manchester et Glasgow observent déjà l’initiative de près, espérant convaincre d’autres mécènes du monde musical de s’engager.
L’héritage d’un Beatle au-delà des disques
À 83 ans, Paul McCartney prouve que sa créativité ne s’exprime pas seulement en studio. La préservation d’un patrimoine urbain, la transmission d’un savoir artistique et l’aide à la jeunesse vulnérable forment désormais un triptyque indissociable de son image. Les murs de briques rouges qui abriteront bientôt trente destins cabossés deviendront, à leur manière, l’équivalent d’un nouveau refrain : simple, fédérateur, immédiatement reconnaissable.
Quand la charité rime avec responsabilité
En ramenant l’espoir là où, jadis, il a trouvé l’inspiration, Paul McCartney rappelle qu’une étoile mondiale peut – et doit – rester le voisin attentif de celle ou celui qui dort sous un porche. Derrière les projecteurs, c’est bien une philosophie de proximité qui s’écrit : donner du temps, de l’argent et un peu de soi pour que chaque jeune de Liverpool, à défaut d’apparaître un jour sur une pochette d’album, puisse au moins graver son nom dans l’avenir.
