Magazine Culture

Dans l’or du temps

Publié le 02 septembre 2025 par Adtraviata
Dans l’or temps

Quatrième de couverture :

Un été en Normandie. Pris dans les filets d’une vie de famille, le narrateur rencontre une vieille dame singulière, Alice. Entre cet homme taciturne et cette femme trop longtemps silencieuse se noue une relation puissante, au fil des récits que fait Alice de sa jeunesse, dans le sillage des surréalistes et dans la mémoire de la tribu indienne Hopi. La vie du narrateur sera bouleversée devant « la misère, la beauté, tout cela intimement lié ».

Après la Normandie du Débarquement et Saint-Malo en Bretagne, retour aux falaises normandes à Fécamp, avec ce roman au titre inspiré d’un vers d’André Breton gravé sur sa tombe : « Je cherche l’or du temps. » Au cours de vacances familiales à La Téméraire, le narrateur, un homme dont nous ne connaîtrons pas le prénom ni le nom (tiens, comme les narratrices des Déferlantes et de Seule Venise), un homme qui s’ennuie dans sa vie professionnelle, sa vie de couple et sa vie de père – il n’a sans doute pas toutes les clés ou la volonté pour les prendre à bras le corps (mais ce n’est que mon avis) – rencontre par hasard une vieille dame, Alice, et revient régulièrement dans la maison que celle-ci partage avec sa soeur Clémence. Il y découvre le chat Voltaire, un jardin plein de charme et des kachinhas fascinantes. Ces poupées fétiches viennent de la civilisation des Indiens Hopis, une tribu de l’Arizona que le père d’Alice a achetées en 1941 à Oraïbi, lors d’un voyage en compagnie d’André Breton. Faisant fi du respect dû à ces coutumes ancestrales, les Français ont profité du désir d’émancipation de certains Hopis (incité par les Blancs qui les ont parqués dans une réserve désertique) pour acheter des objets de culte – on passe alors (un peu comme au musée du Quai Branly, non ?) d’objets fonctionnels, cultuels à des objets esthétiques, les détournant de leur usage premier et risquant de dilapider l’héritage spirituel de la tribu – et photographier clandestinement des Hopis. Au fil des rencontres, des virées avec Alice aux alentours de Fécamp, le narrateur découvre peu à peu les secrets de la vieille dame, liés à ce voyage en Arizona, tandis qu’il se détache peu à peu – sans lutter, dirait-on – de sa femme et de ses filles.

De Claudie Gallay, j’avais beaucoup aimé Seule Venise et adoré Les Déferlantes. Ce roman-ci, publié entre ces deux-là, m’a laissée un peu à distance, peut-être parce qu’il naviguait entre la culture et l’histoire des Hopis à travers André Breton, un personnage peu sympathique, et la rencontre entre Alice et le narrateur, un homme qui, certes, est attiré comme un aimant par Alice mais semble très détaché, peu impliqué dans sa vie. Le roman se laisse découvrir : j’avais envie de savoir ce que lui allait faire de sa vie et de mieux connaître Alice et ses secrets mais je me suis moins attachée aux personnages et à l’histoire que dans les deux autres romans de Claudie Gallay découverts il y a plusieurs années (en 2011, bon sang !!). Mais cela ne m’empêchera pas de continuer à découvrir ses romans plus récents !

« Il faut lever la tête. C’est là-haut qu’ils vivent. Près du ciel et des nuages. Oraibi. Hotavilla. Ces hameaux, comme aux premiers temps du monde. De loin, on les dirait en ruine. Des vaisseaux fantômes. La terre est sèche. Ce n’est pas une terre. C’est un espace où survivre est encore plus difficile qu’ailleurs. Ils grimpent à pied, un sentier abrupt à flanc de falaise. Des marches grossièrement taillées dans la roche. Quand ils arrivent, les murs, le soleil sur la paille des murs. Flamboyant. On dirait de l’or. Ils traversent le village. Des femmes sont assises sur le devant des portes. Elles pilent le maïs. Des épis en tas, mis à sécher. Et puis le désert au loin, autour. Breton est fasciné. Dès les premiers instants. Ces indiens. La douceur de leurs visages. Leur fierté mêlée à cette douceur. Et la misère, la beauté, tout cela intimement lié. »

« Les masques sont l’infinie patience de ce peuple des mésas. Ils sont leur poésie.
Mais un jour, un homme regarde un masque et en le regardant, il voit autre chose.
Cette autre chose, c’est le Beau.
Et la beauté s’impose à lui comme une évidence. Avant même la connaissance. Avant même de lui apposer le nom.
Avant toute chose.
Et le regard change.
La chose sacrée devient alors un objet d’art. »

« J’ai ouvert les mains. J’ai vu la grenouille. Et j’ai vu la lumière. La lumière par en dessous. En transparence.
Dans le ventre même de la grenouille. Elle venait de l’intérieur, elle traversait la fine membrane de la peau. J’ai regardé. De plus près. La rainette dans le creux de la main. Elle ne bougeait pas. Je n’ai pas compris tout de suite. C’est après. Cette lumière c’étaient les larves de lucioles qu’elle venait d’avaler. Des larves pas encore mortes mais dans cet entre-deux. Et qui continuaient de briller. »

Claudie GALLAY, Dans l’or du temps, J’ai lu, 2011

Avec ce titre, je ressors enfin un titre de ma très vieille PAL #12pour2025


Retour à La Une de Logo Paperblog