Sorti en 1975 sur Venus and Mars, Letting Go marque une évolution dans le son de Wings. Enregistré entre Abbey Road et La Nouvelle-Orléans, ce titre mêle blues-rock et soul avec une énergie captivante. Malgré une performance modeste dans les charts, la chanson a brillé sur scène, notamment lors de la tournée Wings Over America. Aujourd’hui, elle reste un symbole de la quête de liberté musicale de McCartney après les Beatles.
Lorsqu’un artiste aussi emblématique quePaul McCartneyse lance dans un nouveau projet, le monde de la musique n’est jamais loin de l’attente et de la curiosité. Au sein du groupeWings, qui représentait un espace créatif radicalement différent de celui des Beatles, chaque nouvel album suscitait l’intérêt, etVenus and Mars, sorti en 1975, n’échappa pas à la règle. Parmi ses morceaux, « Letting Go », un titre aussi singulier qu’inspirant, se démarque par son approche sonore et son esprit de renouveau. Ce morceau incarne à la fois l’émotion d’un homme libéré des chaînes du passé et la recherche d’une musicalité plus organique, plus personnelle, sans jamais se départir d’un sens aigu du spectacle.
Sommaire
- Une chanson marquée par l’ombre des Beatles
- Une session d’enregistrement d’une ampleur nouvelle
- Un remix audacieux pour le public
- L’ascension mitigée du single
- Les prestations live : une énergie palpable
- Une chanson, un message
- Un héritage qui perdure
Une chanson marquée par l’ombre des Beatles
Bien queWingssoit un groupe distinct, l’ombre desBeatlesplanait toujours surMcCartney. En 1972 et 1973, Paul, dans sa quête de nouveaux horizons musicaux, avait déjà esquissé « Letting Go » sous forme de démo solitaire. à cette époque, le souvenir du groupe légendaire n’était pas encore effacé et McCartney n’avait pas encore retrouvé la voie de l’indépendance créative qu’il allait approfondir au fil des années. Toutefois, cette chanson marquait un tournant. Le solo de la démo, qui donnait déjà une forme de liberté et d’expérimentation, allait se transformer pour devenir un des morceaux phares de l’albumVenus and Mars, mais également l’un des morceaux les plus marquants du répertoire de Wings.
Une session d’enregistrement d’une ampleur nouvelle
L’enregistrement de « Letting Go » se déroula entre novembre 1974 et février 1975, d’abord dans les mythiques studiosAbbey Road, oùWingscommença à poser les bases de la chanson. La présence de la batterie deGeoff Britton– qui marquait sa dernière apparition en studio avec le groupe avant le remplacement parJoe English– donne au morceau une dimension nouvelle. Le rôle deBrittonsur « Letting Go » reste significatif, car il fait partie des rares chansons deVenus and Marsoù sa contribution est notable, aux côtés de « Love In Song » et « Medicine Jar ». Cependant, comme souvent chez McCartney, l’arrangement allait évoluer et gagner en complexité.
C’est lors des sessions suivantes auSea Saint StudiosàLa Nouvelle-Orléans, début 1975, que « Letting Go » prit réellement forme. Une atmosphère plus chaude, influencée par la soul et le funk, s’instaura progressivement avec l’ajout de cuivres et d’une guitare électrique plus marquée. Ce mélange de styles, typique de l’albumVenus and Mars, enrichit la chanson et accentue sa dynamique, tout en préfigurant la direction de plus en plus exploratoire de McCartney dans la décennie suivante.
Un remix audacieux pour le public
Alors que la version initiale de « Letting Go » avait pris racine dans le son robuste du groupe, Paul McCartney se tourna vers un mixage qui allait donner une nouvelle vie à la chanson. Le remix, réalisé parAlan ParsonsàAbbey Road, modifia certains éléments : l’introduction et la conclusion furent raccourcies, l’orgue fut mis en avant et, fait significatif, l’écho de la voix de McCartney fut supprimé. Ce choix créatif apporta à la chanson une clarté nouvelle et renforça la puissance de la prestation vocale de McCartney. Ce remix servit de base pour la version single, qui, bien qu’elle ne parvînt jamais à figurer parmi les premières places des charts britanniques ou américains, conserva une place particulière dans l’univers deWings.
L’ascension mitigée du single
Sorti le30 mai 1975au Royaume-Uni et quelques jours plus tôt aux états-Unis, « Letting Go » devint le deuxième single extrait de l’albumVenus and Mars. La chanson n’atteignit que la 41e place auUK Singles Chart, un rang modeste qui contrastait avec le succès massif de certains singles précédents de McCartney. Aux états-Unis, « Letting Go » fit encore mieux, atteignant la 39e position duBillboard Hot 100, mais là encore, l’accueil critique ne fut pas à la hauteur des attentes initiales. Pourtant, cette chanson avait quelque chose d’exceptionnel, et elle incarna l’essence même de l’album : un mélange de créativité libérée et de recherche musicale en constante évolution.
Les prestations live : une énergie palpable
La scène, avec son pouvoir de transformer la musique en expérience vivante et partagée, s’avéra le terrain d’expression idéal pour « Letting Go ». En 1976,Wingsinterpréta ce titre durant leur célèbre tournéeWings Over America. Un enregistrement de cette période, capturé lors du concert du29 mai 1976auKemper ArenadeKansas City, fut inclus dans lelive albumWings Over America, capturant l’essence de l’époque : un groupe qui s’impose comme un maître de la scène. Lors de cette performance, « Letting Go » se pare d’une énergie brute et d’une liberté scénique qui n’avaient pas pu se révéler pleinement en studio.
Il fallut cependant attendre l’année 2010 pour voir McCartney redonner vie à « Letting Go » dans le cadre de saUp and Coming Tour. Le morceau, bien que moins souvent joué en concert, conservait une aura particulière, une invitation à la liberté qui s’affirmait de plus en plus. Lors de saOne on One Touren 2016, la chanson fut de nouveau interprétée, confirmant qu’elle n’avait pas perdu de son impact, même après des décennies.
Une chanson, un message
Si « Letting Go » est souvent perçue comme une chanson au rythme envoûtant et aux arrangements soignés, elle porte en elle un message essentiel : celui du lâcher-prise, de l’abandon d’un passé encombrant pour s’ouvrir à de nouvelles possibilités. Il n’est pas difficile d’y voir, à travers les paroles et la musique, un écho à l’évolution deMcCartneyaprès la dissolution desBeatles. « Letting Go » représente la transition d’un artiste qui, après avoir été au sommet du monde, se réinvente en fonction de ses propres besoins, tant musicaux que personnels. La chanson est, dans son essence, une libération — une libération de la pression des attentes, une affirmation de la capacité de créer sans contrainte.
Un héritage qui perdure
« Letting Go », loin d’être un simple morceau issu d’un album, s’est imposé au fil des ans comme un témoignage sonore de l’audace créative deMcCartneyet de l’esprit de réinvention desWings. Son passage discret dans les classements ne l’a pas empêchée de demeurer dans l’esprit des fans, et elle continue à illustrer la capacité de McCartney à explorer de nouveaux territoires tout en restant fidèle à son amour pour les mélodies accrocheuses et les arrangements complexes. L’œuvre de Wings, et notamment ce titre, mérite d’être redécouverte pour ceux qui n’en ont pas encore perçu toute la richesse. Car derrière la simplicité apparente de « Letting Go », c’est tout un univers sonore que McCartney et ses complices ont su créer, avec cette volonté de se libérer des chaînes du passé et de s’engager résolument vers l’avenir.
