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À 83 ans, Paul McCartney déjoue les listes et prouve son influence : Bowery, Wings, Got Back 2025

Publié le 07 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

À 83 ans, Paul McCartney rappelle que l’influence ne se mesure pas à une entrée dans le TIME100. Absent de 2025, il a pourtant rythmé l’année : concerts surprises au Bowery Ballroom en février (575 places, billets à 50$), annonce d’un livre clé, Wings: The Story of a Band on the Run (4 novembre 2025), et relectures exigeantes avec le film/album One Hand Clapping (2024) et la réédition half-speed de Venus and Mars (21 mars 2025). À l’automne, la tournée nord-américaine Got Back 2025 prolonge l’élan. De « Now and Then » aux clubs intimistes, McCartney agit en passeur : il relie mémoire et innovation, et maintient un dialogue vivant entre générations. Plus qu’un palmarès, ses actes racontent une influence concrète, partagée sur scène et au disque. Le présent s’y conjugue à la mémoire.


À l’heure où les classements d’influence se succèdent et captent notre attention, une rumeur a circulé ces dernières semaines : Paul McCartney aurait été distingué par TIME parmi les « 100 personnalités les plus influentes de la musique ». Précision indispensable pour commencer : le magazine américain publie chaque année le TIME100, liste transversale de personnalités qui marquent le monde dans des domaines variés (politique, sciences, arts, sport, économie), et non un palmarès exclusivement dédié à la musique. En 2025, plusieurs artistes y figuraient — de Snoop Dogg à Ed Sheeran — mais McCartney n’en faisait pas partie. Cela n’enlève rien à l’essentiel : à 83 ans, l’ex-Beatle demeure une force artistique et culturelle rare, capable de parler au présent sans renier la mémoire. L’influence n’est pas qu’un trophée annuel ; c’est une empreinte durable, une conversation qui continue.

Sommaire

  • Clarifier le rôle de TIME… et prendre la mesure de l’influence réelle
  • Un conteur et un passeur : la singularité McCartney
  • Bowery Ballroom, New York : la preuve par la scène
  • Un automne sous le signe de Wings : le livre évènement
  • One Hand Clapping : l’atelier rendu visible
  • Venus and Mars à 50 ans : la remasterisation comme acte critique
  • Got Back 2025 : le retour à la route, avec des premières historiques
  • Maintenir le lien : de la surprise à l’anticipation
  • « Now and Then » : la tradition au prisme des technologies
  • De la mémoire à l’actualité : quand les fêtes de fin d’année ravivent la discothèque
  • L’éthique d’un catalogue : cohérence, ouverture, transmission
  • Le récit comme geste musical
  • La vérité des salles : un langage partagé
  • Wings, enfin regardés à la bonne distance
  • L’influence, ce n’est pas qu’un label
  • Une année 2025 charnière, entre mémoire et projection
  • En guise de conclusion : l’unité par la musique, au-delà des étiquettes

Clarifier le rôle de TIME… et prendre la mesure de l’influence réelle

Rétablissons donc les faits. TIME a construit, au fil des années, des sélections thématiques (TIME100, TIME100 Next, TIME100 Companies, TIME100 AI), où la musique est bien représentée mais jamais isolée en un « top 100 musique » autonome. La confusion provient de publications virales qui simplifient la formule. En 2025, l’édition annuelle a mis en avant des artistes majeurs, confirmant que la musique irrigue la culture générale autant que la politique ou l’économie. Si Paul McCartney ne figurait pas dans la cuvée 2025, c’est moins un jugement sur sa portée qu’un instantané d’actualité. L’ironie, c’est qu’il a passé l’année à rappeler, par ses actes, pourquoi son nom reste synonyme d’influence vivante et agissante.

Un conteur et un passeur : la singularité McCartney

Ce qui distingue McCartney, c’est cette faculté de relier des mondes qui s’ignorent parfois : la pop de stade et l’intimité d’un club, la mémoire des Beatles et les préoccupations d’aujourd’hui, l’ingénuité mélodique et l’invention sonore. On le présente souvent comme un conteur ; c’est juste, mais c’est incomplet. Chez lui, la narration n’est pas seulement textuelle, elle est aussi harmonique et structurelle : un pont (bridge) qui ménage l’espace où la chanson bascule vers autre chose — souvent l’unisson d’un public entier. L’« influence » au sens socioculturel se mesure peu à l’applaudimètre : elle se lit dans la constance avec laquelle une œuvre traverse les générations, se reconfigure dans de nouveaux contextes et ressurgit quand on ne l’attend plus. En 2025, cette dynamique a pris une forme très concrète.

Bowery Ballroom, New York : la preuve par la scène

Après des tournées de stades, McCartney a choisi, en février 2025, la voie à contre-courant : un concert surprise dans une salle intimiste, le Bowery Ballroom, à Manhattan. Billets à 50 dollars, annonce le jour même, téléphones verrouillés dans des pochettes : une liturgie de la présence pure. Devant quelque 575 personnes, il a mêlé standards et respirations acoustiques, « A Hard Day’s Night », « Let It Be », « Blackbird », et cette manière inimitable de transformer un chœur de fortune en communion réglée. L’événement a été suffisamment marquant pour engendrer un second soir, la file s’étirant sur Delancey Street comme un clin d’œil à une Beatlemania renaissante. À défaut de trophées, voilà de l’influence incarnée : un octogénaire qui, en une journée, réorganise le calendrier émotionnel d’une ville entière.

Un automne sous le signe de Wings : le livre évènement

Cette saison aura aussi l’accent du papier. Le 4 novembre 2025, paraît Wings: The Story of a Band on the Run, nouveau livre signé Paul McCartney (avec une introduction de l’historien Ted Widmer). L’ouvrage — riche de photographies pour beaucoup inédites — remonte la décennie 1970, de la construction parfois chaotique du groupe à son apogée, puis à sa dissolution en 1981. Ce projet s’inscrit dans une relecture plus vaste : One Hand Clapping, film de studio et album longtemps mythiques, a été restauré et sorti en 2024, tandis que la campagne d’anniversaires s’est poursuivie avec un « half-speed master » pour les 50 ans de Venus and Mars (mars 2025). Ici, l’influence devient archéologie vivante : on ne fige pas un mythe, on le documente, on le rend à nouveau partageable.

One Hand Clapping : l’atelier rendu visible

Ce qui fascine, dans One Hand Clapping, c’est la sensation d’atelier : Wings à Abbey Road en 1974, captés sans apprêt, là où la mise en place et la couleur sonore racontent autant que les chansons. Sortir le film en salles, puis l’album en 2024, ce n’est pas flatter la nostalgie, c’est offrir aux nouvelles oreilles les conditions matérielles de la création — le rythme d’une prise, la souplesse d’un timbre, l’économie d’un arrangement. Quand l’histoire est rendue auditivement tangible, les débats abstraits sur l’« héritage » laissent la place à une écoute active. À l’échelle d’une culture, c’est une petite révolution pédagogique : on comprend mieux pourquoi ces chansons tiennent encore debout.

Venus and Mars à 50 ans : la remasterisation comme acte critique

La réédition « half-speed » de Venus and Mars (21 mars 2025) n’est pas un simple exercice de vitrine. En soignant la gravure, en restituant l’image stéréophonique et les textures de l’époque, on replace Wings là où le groupe a parfois été incompris : au croisement d’une pop ambitieuse et d’une écriture de studio qui assume pleinement l’expérimentation. De « Letting Go » à « Rock Show », l’album rappelle à quel point McCartney a su réinventer sa manière de groover après Band on the Run. La réédition confirme surtout une idée simple : l’influence, pour durer, exige des supports à la hauteur — de belles éditions, donc, mais aussi des récits, des contextes, des clés d’écoute.

Got Back 2025 : le retour à la route, avec des premières historiques

Autre signal très contemporain : McCartney relance une grande tournée nord-américaine à l’automne 2025, de Palm Desert (29 septembre) à Chicago (fin novembre), en passant par Las Vegas, Denver, Nashville, Montréal ou La Nouvelle-Orléans — avec des premières attendues à Albuquerque et dans la région de Palm Springs. On aurait pu croire le circuit des stades derrière lui ; c’est l’inverse qui se produit. La scène reste pour McCartney la matrice de l’influence : l’endroit où les classiques reprennent sens au contact de publics qui n’étaient pas nés quand ils ont été écrits. Là encore, l’actualité corrige les rumeurs : pas besoin d’une médaille ponctuelle quand l’agenda lui-même raconte la pertinence du moment.

Maintenir le lien : de la surprise à l’anticipation

Ces deux pôles — l’intimité d’un club new-yorkais et l’échelle d’une tournée continentale — forment un arc cohérent. L’un donne à voir le craft, l’autre l’impact. L’un réactive la légende du storyteller, l’autre valide la capillarité d’un catalogue qui, en deux heures de concert, saute de « Maybe I’m Amazed » à « Hey Jude », de Wings aux Beatles. On comprend mieux, alors, pourquoi la notion de passeur colle à McCartney : il déplace les frontières sans effet d’annonce, par des actes concrets, presque modestes. Un petit concert improvisé, une large tournée bien pensée, un livre solide : l’addition fait sens.

« Now and Then » : la tradition au prisme des technologies

Pour mesurer cette influence qui relie et réinvente, impossible d’ignorer le phénomène « Now and Then » (2023), dernière chanson des Beatles portée au sommet des charts britanniques et devenue, en un instant, un objet de discussions sur l’IA en musique. Le procédé mis en œuvre — désentrelacer la voix de John Lennon d’une démo ancienne grâce à un outil de séparation de sources développé autour du projet Get Back — n’a rien d’un artifice : il sert la lisibilité d’une performance existante, sans créer de voix artificielle. La chanson a grimpé au numéro un au Royaume-Uni et a battu plusieurs records, devenant aussi un symbole : l’archive n’est pas un mausolée, c’est une matière que l’on peut traiter éthiquement pour la rendre à l’écoute. Qui a coordonné ce geste, en tant que musicien, producteur et passeur ? McCartney.

De la mémoire à l’actualité : quand les fêtes de fin d’année ravivent la discothèque

Le début de 2025 avait d’ailleurs offert un autre clin d’œil : « Wonderful Christmastime », single solo de McCartney publié en 1979, a connu un regain de visibilité dans les classements américains au cœur de l’hiver. La longévité de ces standards — parfois discutés, toujours repris — signale une qualité rare : des chansons capables de réapparaître sans tutelle marketing lourde, par simple usure-douce de l’écoute collective. C’est aussi cela, l’influence : laisser des échos dans la mémoire culturelle, que l’époque réactive à sa façon.

L’éthique d’un catalogue : cohérence, ouverture, transmission

On ne maintient pas une telle présence sans éthique de travail. Depuis des décennies, McCartney veille à l’intégrité de son catalogue, réédite avec soin, contextualise, collabore avec des ingénieurs du son qui respectent l’ADN des bandes. Il est de ceux qui ont compris très tôt que la qualité des supports (vinyle, numérique haute résolution, cinéma) compte autant que la qualité des chansons. Ce souci de transmission explique l’aura intacte : être entendu dans de bonnes conditions est une forme de respect envers l’auditeur et envers l’œuvre. Les projets récents autour de Wings vont dans cette direction, articulant restitution historique et curiosité présente.

Le récit comme geste musical

On l’a écrit : McCartney est un conteur. Mais qu’est-ce que cela signifie, concrètement, pour un musicien ? D’abord, une attention aux personnages, même esquissés, et à leurs trajectoires émotionnelles. Ensuite, un art du pont harmonique — ce moment où la chanson se déplace et élargit la perspective. Enfin, une science de la coda (pensez « Hey Jude ») où le motif se dilate et invite le public à entrer physiquement dans la pièce. Ce sont des procédés compositionnels, et ils portent un message : la musique peut rassembler. Les concerts de 2025 et les projets éditoriaux de l’année témoignent d’une même volonté : réactiver ce lien, ici et maintenant.

La vérité des salles : un langage partagé

Ce qui s’est produit au Bowery Ballroom tient presque de l’atelier public : on y a vu un musicien régler la balance entre récit et partage, entre intimité et exubérance collective. Le choix d’interdire les téléphones a accentué ce sentiment d’instant. À l’inverse, la tournée d’automne s’annonce comme un marathon de grandeur assumée, et ce contraste raconte l’un des secrets de longévité de McCartney : ne pas s’enfermer dans un format, refuser de devenir sa propre parodie, surprendre l’auditeur autant que possible sans rompre le contrat affectif. Voilà pourquoi l’on croise, dans ses salles, des adolescents, des parents, des grands-parents — et parfois les trois ensemble.

Wings, enfin regardés à la bonne distance

Longtemps, Wings ont souffert d’un angle mort critique : pris en étau entre la mythologie Beatles et l’immense trajectoire solo, ils ont été regardés comme une parenthèse plus commerciale qu’esthétique. Les ressorties, le film One Hand Clapping, l’édition anniversaire de Venus and Mars et le futur livre rééquilibrent le récit. On y mesure l’audace des arrangements, la place accordée à Linda McCartney, la virtuosité de Denny Laine, l’énergie de Jimmy McCulloch. La décennie 1970, avec son éclectisme, apparaît non plus comme un compromis mais comme un laboratoireMcCartney a fait peau neuve sans renier ses fondamentaux.

L’influence, ce n’est pas qu’un label

Il y a, dans le réflexe de vérifier qui « est dans la liste » cette année, une tentation de confondre influence et visibilité. Or l’influence est un flux : on ne la possède pas, on l’exerce, parfois sans bruit, par le concert d’un soir ou la patience d’un projet éditorial mené à terme. Les réseaux sociaux, qui ont relayé à tort l’idée d’un « TIME100 musique » incluant McCartney, mettent bien en évidence ce glissement : l’algorithme adore les mots-clefs, la réalité demande des dates, des preuves, des liens. Le travail du journalisme musical consiste à revenir à ces éléments concrets — et, ce faisant, on retombe immanquablement sur ce constat : l’influence de Paul McCartney n’a pas besoin d’être re-certifiée chaque printemps. Elle s’éprouve, elle se mesure à la scène, au disque, aux rééditions soignées, aux projets qui donnent envie de réécouter.

Une année 2025 charnière, entre mémoire et projection

En agrégeant concerts surprises, tournée, rééditions et livre, 2025 dessine un moment fertile. Le futur long métrage documentaire confié à Morgan Neville sur les années solo et Wings (annoncé dans l’orbite du livre) promet d’ajouter une strate supplémentaire à ce travail de contextualisation. On peut parier qu’il s’agira moins de sanctifier un mythe que d’ouvrir des portes d’écoute, d’expliquer comment ces chansons s’écrivent, se réécrivent et circulent. Là se joue la vraie transmission : expliquer les gestes, les processus, les choix. Et donner à entendre.

En guise de conclusion : l’unité par la musique, au-delà des étiquettes

Le récit de Paul McCartney en 2025 tient en quelques mots : continuité, curiosité, générosité. Continuité : parce que l’histoire ne s’est jamais arrêtée et qu’elle se nourrit d’elle-même sans se répéter. Curiosité : parce qu’il accepte de rejouer les cartes — un club ici, un stade là, un livre ailleurs — pour ré-interpeller ses propres chansons. Générosité : parce qu’au fond, l’objectif est de rassembler — dans une salle, à la maison, autour d’un vinyle nouvellement gravé. Les palmarès, même les plus prestigieux, ne captent qu’une partie de cette réalité. L’influence véritable se vérifie quand un artiste réactive les liens, suscite des écoutes attentives, provoque des conversations entre générations. En cela, McCartney demeure — qu’on le formalise ou non dans un classement — un passeur de tout premier ordre, unificateur et conteur au long cours. Et si l’on tenait absolument à un label, on choisirait peut-être celui-ci : musicien.


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