Supervisée par Paul McCartney, la compilation WINGS (sortie le 7 novembre 2025) propose une anthologie purement dédiée au groupe Wings. Offrant 32 titres en formats variés (CD, vinyle, Blu-ray Atmos), elle exclut les morceaux solo pour se concentrer sur l’identité du groupe. Entre classiques, raretés et mixages Atmos inédits, ce projet veut réévaluer l’héritage musical de Wings avec exigence sonore et direction artistique soignée.
Annoncée pour le 7 novembre 2025, la collection WINGS se présente comme une anthologie « définitive » consacrée exclusivement au groupe de Paul et Linda McCartney, sans passerelles vers la carrière solo. Pensée et supervisée par Paul McCartney, la parution déclinée en 1 CD, 2 CD, 1 LP, 3 LP (tirage standard et édition limitée colorée) et un Blu-ray audio promet 32 titres couvrant les sept albums studio – de Wild Life à Back to the Egg – plus les 45 tours hors-album, de « Hi, Hi, Hi » à « Goodnight Tonight ». La grande nouveauté technique : l’arrivée des mixages Dolby Atmos des morceaux Wings sur un support physique pour la première fois.
Sommaire
- Une compilation strictement « Wings » – et c’est inédit
- Pour les nouveaux venus comme pour les chevronnés
- Atmos, 5.1 et hi-res : la carotte audiophile
- Objets, graphisme et livret : le soin Hipgnosis, la patte Humphrey Ocean
- Des choix de morceaux qui feront parler
- Et les chansons « de groupe » ?
- Les « manquants » qui interrogent les critères
- Les cas « Maybe I’m Amazed (live) » et « Coming Up (live) »
- Calendrier chargé : McCartney, Lennon, Beatles… et Wings
- Prix et formats : une offre large, un panier qui peut grimper
- Pourquoi ces chansons-là, et pas d’autres ?
- Le débat « Wings-band » vs « Wings-véhicule »
- La cohérence sonore : un puzzle enfin rassemblé
- Une « opportunité » plus qu’un « cash-grab »
- En pratique : ce que contient chaque format
- Verdict provisoire
- Annexes contextuelles : quelques repères utiles
- Pour résumer
Une compilation strictement « Wings » – et c’est inédit
Contrairement à Wingspan (2001) qui brouillait les lignes entre Wings et solo McCartney, WINGS s’impose comme un corpus fermé : uniquement des titres crédités au groupe (albums et singles non-album), y compris « Live and Let Die », « Junior’s Farm », « Mull of Kintyre » ou « Goodnight Tonight ». Pas de « Another Day », pas de « Coming Up » version studio, pas d’extraits de RAM. Ce cadrage répond au vœu d’une partie des fans : obtenir, enfin, une anthologie purement Wings.
Pour les nouveaux venus comme pour les chevronnés
L’édition 2 CD/3 LP aligne 32 morceaux non présentés de façon chronologique ; des chansons d’un même album se retrouvent ainsi réparties sur différents disques. Ce parti-pris brise la linéarité et aime les contrastes : on passe d’un standard – « Band on the Run », « Let ’Em In », « Jet » – à un deep cut comme « Some People Never Know » ou « Deliver Your Children ». Pour celles et ceux qui n’ont pas accumulé les précédents best of (Wings Greatest, Wingspan, Pure McCartney), c’est un point d’entrée à la fois grand public et plus éclectique que la moyenne.
Atmos, 5.1 et hi-res : la carotte audiophile
La version Blu-ray audio – exclusivité McCartney Shop / SDE – propose les 32 titres en Dolby Atmos (48/24), 5.1 (48/24) et stéréo hi-res (96/24), avec des mixes signés Giles Martin et Steve Orchard. Dix-sept chansons apparaissent pour la première fois en Atmos, dont des titres tardifs rarement remasterisés en profondeur (« With a Little Luck », « London Town », « Getting Closer », « Arrow Through Me »). Pour les fans qui n’avaient pas pu s’offrir le coûteux The 7″ Singles Box (2022), cette galette unique à 26,98 $ constitue un raccourci vers des masters cohérents et un saut qualitatif tangible sur les systèmes compatibles.
Objets, graphisme et livret : le soin Hipgnosis, la patte Humphrey Ocean
La direction artistique a été conçue par Paul McCartney avec Aubrey « Po » Powell (Hipgnosis), studio historique à l’œuvre sur Band on the Run, Venus and Mars ou Wings Greatest. Les éditions physiques incluent une introduction de Paul, des portraits signés Humphrey Ocean (artiste en résidence de la tournée 1976) et, sur les formats étendus (2 CD, 3 LP), un livret de 32 pages avec des notes d’album par Po et un éditorial de Pete Paphides. L’édition 3 LP limitée en coffret hardback ajoute poster et planche de stickers.
Des choix de morceaux qui feront parler
La sélection assume un éclectisme parfois déroutant : « Mamunia » et « Bluebird » tempèrent la fougue de « Hi, Hi, Hi » ou « Letting Go », tandis que « C Moon » – double face-A avec « Hi, Hi, Hi » en 1972 – et « Soily » (version One Hand Clapping) installent une couleur live/reggae-rock inhabituelle pour une anthologie généraliste. « C Moon », porté par un reggae beat, avait atteint la 5e place au Royaume-Uni (où « Hi, Hi, Hi » fut brièvement banni) ; « Soily » n’existe pas en prise studio officielle et trouve ici une vitrine grand public, clin d’œil aux setlists 1975-76. Ces partis pris nourriront forcément le débat : doit-on privilégier les incontournables radio ou dessiner le portrait complet d’un groupe aux humeurs changeantes ?
Et les chansons « de groupe » ?
Derrière l’étiquette Wings, la question de la représentation des autres membres revient souvent. La tracklist retient « Deliver Your Children » (Denny Laine lead), mais pas « Time to Hide » (Laine), « Again and Again and Again » (Laine), « Medicine Jar » (Jimmy McCulloch/Colin Allen) ou « Must Do Something About It » (chantée par le batteur Joe English). Or ces titres racontent une réalité : Wings n’est pas qu’un backing band, c’est un atelier collectif où Laine apporte des compositions et des voix marquantes, McCulloch un nerf rock flamboyant, English une couleur vocale rare dans la discographie. Leur absence, au regard du titre-programme WINGS, pourra sembler frustrante à celles et ceux qui espéraient une anthologie mettant davantage en scène l’identité plurielle de la formation.
Les « manquants » qui interrogent les critères
L’autre reproche attendu concerne l’oubli de 45 tours qui ont compté dans les charts : « Mary Had a Little Lamb » (UK n° 9, US n° 28), « Give Ireland Back to the Irish » (UK n° 16, US n° 21) ou « Girls’ School » (US n° 33), pourtant partie du double n° 1 UK avec « Mull of Kintyre » durant neuf semaines. Côté logique curatoriale, on peut arguer que WINGS privilégie l’écoute-album et l’ADN esthétique plutôt qu’un relevé exhaustif des Top 40. Reste que, pour une anthologie « définitive », ces absences font tache aux yeux des discographes.
Les cas « Maybe I’m Amazed (live) » et « Coming Up (live) »
Deux tubes souvent associés à Wings ne figurent pas ici pour une raison juridico-discographique simple : « Maybe I’m Amazed » est une chanson solo (1970) devenue un Top 10 US via sa version live de 1977 sur Wings over America, mais elle reste cataloguée McCartney. « Coming Up » est, lui aussi, un titre solo (1980) dont la face B live à Glasgow – créditée Paul McCartney & Wings – a atteint le n° 1 US, sans faire de la prise studio une chanson de Wings pour autant. Dans une anthologie strictement Wings, ces morceaux restent hors-périmètre, même si leur aura a longtemps nourri l’image scénique du groupe.
Calendrier chargé : McCartney, Lennon, Beatles… et Wings
Le timing interroge : WINGS tombe entre la sortie du coffret John & Yoko – Power to the People (10 octobre 2025) et le grand retour de The Beatles Anthology en musique (21 novembre 2025, avec un nouveau volume « Anthology 4 » dans l’édition 8 CD) et en vidéo (docu restauré et épisode inédit attendu fin novembre sur Disney+). L’attention et le budget des fans seront sollicités de toutes parts. L’autre jalon à garder en tête : la parution, le 4 novembre, du livre Wings: The Story of a Band on the Run de Paul McCartney (Liveright), histoire orale de la formation éditée par Ted Widmer. Sur le plan marketing, WINGS constitue donc le pendant audio d’un automne entièrement consacré à réévaluer l’héritage du groupe.
Prix et formats : une offre large, un panier qui peut grimper
Côté tarifs officiels, la boutique McCartney affiche des prix plutôt sages pour l’entrée de gamme : 1 CD 13,98 $, 2 CD 24,98 $, 1 LP 29,98 $, 3 LP 79,98 $, Blu-ray 26,98 $ aux États-Unis. L’édition 3 LP limitée colorée est listée £ 104,99 au Royaume-Uni, soit un positionnement premium qui rejoint le ressenti de certains fans : la note monte vite si l’on vise le vinyle en multiples éditions. En termes de contenus, l’édition simple (LP/CD) rassemble 12 titres, quand les versions 2 CD/3 LP/Blu-ray proposent l’intégralité des 32 pistes.
Pourquoi ces chansons-là, et pas d’autres ?
À la lecture de la tracklist complète, on devine plusieurs fils rouges éditoriaux : 1) embrasser tout l’arc 1971-79 (chaque album est représenté), 2) mêler les grands singles et des coups de sonde plus caractérisants de la palette Wings, 3) donner corps à une écoute longue qui évite l’effet « radio hits back-to-back », d’où l’intégration de « Soily », « C Moon », « Love Is Strange » ou « Wild Life ». Cette courbe dramatique peut décevoir un public en quête d’un best of « tout-schuss », mais elle gagne en **portrait ». C’est l’éternel compromis : anthologie contre compilation de hits.
Le débat « Wings-band » vs « Wings-véhicule »
Que « Medicine Jar », « Time to Hide » ou « Again and Again and Again » restent à la porte, cela ravive un désaccord ancien : Wings fut-il un groupe ou un écrin ? Denny Laine (disparu en 2023) a fourni des chansons structurantes, Jimmy McCulloch une électricité unique, Joe English une voix invitée qui surprend. En miroir, WINGS assume clairement le canon McCartney : focaliser la signature de Paul, ses mélodies-étendards et une poignée de pièces de caractère. Aux fans des faces B, il restera la liberté d’imaginer leur « WINGS augmenté » en playlist, en attendant d’éventuelles archives finales (London Town, Back to the Egg) que le public réclame depuis des années mais qui, à l’heure où ces lignes sont écrites, n’ont pas d’annonce officielle.
La cohérence sonore : un puzzle enfin rassemblé
Autre intérêt d’une anthologie moderne : la cohérence des remasters. Entre les campagnes Archive Collection (2010-2018), des singles remasterisés ponctuellement et des parutions isolées, l’oreille naviguait parfois entre des niveaux et textures hétérogènes. WINGS uniformise l’étalonnage ; la couche Atmos/5.1 ajoute ampleur et espaces – utile pour des arrangements très organique-studio (les guitares Chris Thomas-era de Back to the Egg, les cuivres de Wings at the Speed of Sound, les cordes Abbey Road). Pour les discophiles qui avaient laissé passer le 7″ Singles Box (boîtier 80 singles, 3000 exemplaires), la proposition 2025 est une porte d’entrée audiophile raisonnable et pérenne.
Une « opportunité » plus qu’un « cash-grab »
Reste l’éternelle question de la prolifération des compilations. Oui, il existe Wings Greatest, Wingspan, Pure McCartney. Mais aucune n’agrège ainsi le matériel Wings en se tenant à la stricte identité du groupe et en offrant un canal Atmos physique. D’un point de vue éditorial, WINGS vend donc deux promesses : un récit resserré (Wings only) et un bond technologique lisible (Atmos). Libre à chacun d’y voir une compilation de plus… ou une opportunité de réécouter ce répertoire autrement, dans une mise au net qui le rafraîchit sans le réécrire.
En pratique : ce que contient chaque format
Pour mémoire, l’édition 2 CD et le 3 LP déroulent la séquence intégrale de 32 titres, dont « Band on the Run », « Silly Love Songs », « Letting Go », « Nineteen Hundred and Eighty-Five », « Helen Wheels », « Let ’Em In », « Call Me Back Again », « Listen to What the Man Said », « I’ve Had Enough », « London Town », « Arrow Through Me », « Venus and Mars/Rock Show », « Bluebird », « Deliver Your Children », « Let Me Roll It », « Mull of Kintyre », « Wild Life », « C Moon », « With a Little Luck », « Soily » et « Goodnight Tonight ». L’édition 1 CD/1 LP condense 12 morceaux phares. Le Blu-ray regroupe les 32 en Atmos/5.1/hi-res, livret 16 pages. Le 3 LP limité ajoute objets et habillage premium.
Verdict provisoire
Sur le fond, WINGS coche l’essentiel : périmètre clair (Wings, rien que Wings), mixes contemporains (Atmos/5.1), objet soigné (Hipgnosis, Ocean), prix d’entrée abordables, vision narrative plus panoramique que « best of des best of ». Sur la forme, on peut regretter le taux de titres « de groupe » laissés de côté (Laine, McCulloch, English) et l’absence de certains singles historiques (« Girls’ School », « Mary Had a Little Lamb », « Give Ireland Back to the Irish »). Quant au calendrier, il expose Wings à une concurrence frontale : Lennon et The Beatles occupent le terrain au même moment, tandis que le livre de Paul impose une narration parallèle qui, toutefois, renforce la réévaluation publique de cette période 1971-79. En somme, plus qu’une nouvelle compile, WINGS ressemble à une mise en perspective : rappeler que la décennie Wings ne fut ni un simple appendice ni une parenthèse mais un chapitre autonome, fait d’immenses succès et de recoins qui, même aujourd’hui, ont des choses à dire.
Annexes contextuelles : quelques repères utiles
La double face-A « Mull of Kintyre » / « Girls’ School » demeure un phénomène britannique : 9 semaines n° 1 au Royaume-Uni, premier single à dépasser les 2 millions d’exemplaires vendus au pays, quand « Girls’ School » plafonne à n° 33 aux États-Unis. Ces asymétries transatlantiques expliquent aussi certains angles de WINGS : l’album cherche un équilibre mondial, pas uniquement l’évidence UK.
Le 7″ Singles Box (2022) rappelait, de son côté, l’étendue du catalogue post-Beatles : 80 singles, 163 pistes, tirage limité à 3000 exemplaires… et un prix dissuasif. WINGS n’a pas la rareté d’un coffret-objet de collection, mais il normalise en 2025 une écoute-catalogue de haute tenue technique sur un support accessible.
Enfin, pour lever un malentendu fréquent : si la version live de « Maybe I’m Amazed » (1977) est bien Wings sur le papier et un Top 10 US, la chanson elle-même reste un titre solo McCartney de 1970 ; « Coming Up (Live at Glasgow) » (1980) a été n° 1 US en tant que prise live créditée Paul McCartney & Wings, mais son studio demeure solo. Ces nuances justifient l’exclusion des deux titres d’une anthologie Wings-only.
Pour résumer
WINGS n’est ni une redite de Wingspan, ni un caprice de calendrier. C’est une anthologie-manifeste : Wings, au centre, dans un son mis à jour (Atmos/5.1/hi-res), avec un design qui convoque la mythologie visuelle du groupe. On peut contester des oublis et regretter un sous-dosage de titres signés/sautés par Laine, McCulloch, English ; on ne peut nier que l’objet propose une relecture sérieuse d’un répertoire devenu, au fil des décennies, plus riche que la poignée d’incontournables qu’on lui colle trop souvent. À chacun de décider s’il saisira – ou non – cette opportunité.
