« Good Morning Good Morning » de John Lennon semble être bien plus qu’un simple titre excentrique de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Derrière son ton enjoué, il exprime la lassitude et l’ennui d’un homme piégé dans un quotidien fade. Inspiré par la routine de Lennon et son malaise conjugal, ce morceau révèle un état d’esprit morose et une quête de renouveau, prémices de son émancipation artistique et personnelle.
Lorsqu’un artiste compose une chanson, il arrive qu’il y glisse, consciemment ou non, une part intime de lui-même. Dans le cas de John Lennon et de son morceau « Good Morning Good Morning », issu de l’albumSgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Banddes Beatles, ce sentiment d’enfermement dans une existence monotone transparaît avec une clarté troublante. Si l’auteur lui-même n’a jamais explicitement relié son texte à son état d’esprit du moment, son partenaire de toujours, Paul McCartney, a su y déceler un message personnel, celui d’un homme piégé dans un quotidien dénué de saveur.
Sommaire
- Un album sans véritable fil conducteur, mais aux thèmes récurrents
- Une lassitude sourde transparaît dans les paroles
- Un éclat de lumière dans la monotonie
- Une œuvre révélatrice d’une crise personnelle
Un album sans véritable fil conducteur, mais aux thèmes récurrents
L’un des débats éternels parmi les amateurs de musique concerne la nature même deSgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band. Peut-on réellement le qualifier de concept-album ? À bien des égards, il n’en a pas la structure traditionnelle, en dehors de l’ouverture et de la reprise finale qui encadrent l’album comme une performance scénique. Pourtant, à défaut d’un récit linéaire,Sgt. Pepperdéveloppe des thématiques communes, notamment celle du quotidien, de la vie ordinaire et de ses petits riens qui façonnent une existence.
C’est dans cet esprit que s’inscrit « Good Morning Good Morning ». Inspiré d’un simple slogan publicitaire pour des céréales, le morceau pourrait passer pour une curiosité, un simple interlude excentrique parmi d’autres expérimentations du disque. Cependant, une écoute plus attentive, et surtout une lecture minutieuse de ses paroles, révèlent une œuvre bien plus intime et introspective qu’il n’y paraît.
Une lassitude sourde transparaît dans les paroles
Dans ses mémoires, Paul McCartney est revenu sur cette chanson en affirmant que John Lennon y exprimait en creux son mal-être conjugal et sa frustration face à une vie trop cadrée :
« John se sentait piégé dans la banlieue et traversait des problèmes avec Cynthia. La chanson parle de sa vie ennuyeuse à l’époque – il y a une référence dans les paroles à ‘rien à faire’ et ‘meet the wife’. Il y avait un soap de l’après-midi intituléMeet the Wifeque John regardait, il s’ennuyait à ce point-là, mais je pense aussi que des signaux d’alarme commençaient à s’allumer. »
Ce que souligne McCartney, c’est une impression de vide et de répétition dans les paroles de Lennon. Dès le premier vers, cette sensation de désenchantement se manifeste avec une pointe d’humour noir :Nothing to do to save his life / Call his wife in. La routine s’impose comme un carcan, et le choix des mots est révélateur. « Nothing », un mot-clé qui revient plusieurs fois dans la chanson, symbolise cette absence de nouveauté, cette inertie qui ronge Lennon à cette période de sa vie.
Dans un passage où la mélodie devient plus syncopée, les paroles dressent un tableau morose de son environnement :Everybody knows there’s nothing doing / Everything is closed, it’s like a ruin / Everyone you see is half asleep.Même le retour aux souvenirs d’enfance n’offre aucun répit :Then you decide to take a walk by the old school / Nothing has changed, it’s still the same.Cette insistance sur la stagnation, sur un monde figé où rien ne semble évoluer, traduit avec force le ressenti d’un homme prisonnier de sa propre existence.
Un éclat de lumière dans la monotonie
Pourtant, tout n’est pas entièrement sombre dans « Good Morning Good Morning ». Si le début du morceau évoque un quotidien morne et sans relief, la fin semble offrir une lueur d’espoir. À mesure que la journée s’achève, l’énergie reprend ses droits :Now the time is getting late / The crowds are in the street. L’activité renaît, et même la plus insignifiante des interactions devient une source de réconfort :Somebody needs to know the time, glad that I’m here.
Lennon introduit même une touche de romantisme, comme une tentative de retrouver un peu d’enthousiasme :Go to a show you hope she goes.Si la lassitude domine la chanson, cette dernière ligne laisse entrevoir un désir de connexion, d’émotion, qui se fraye un chemin à travers la morosité ambiante.
Une œuvre révélatrice d’une crise personnelle
Bien que Lennon ait souvent minimisé l’importance de « Good Morning Good Morning », la chanson est en réalité une pièce maîtresse de la compréhension de son état d’esprit en 1967. Coincé dans une vie domestique qui ne lui correspondait plus, frustré par le décalage entre son succès phénoménal et son quotidien ordinaire, il traduisait ce mal-être dans ses compositions.
Quelques mois plus tard, Lennon trouverait une échappatoire avec Yoko Ono, qui deviendrait sa muse et le pousserait à remettre en question les conventions de son existence. « Good Morning Good Morning » s’écoute alors comme un cri du cœur d’un homme qui, sous une apparente légèreté musicale, exprime une douleur plus profonde.
Ainsi, au-delà de ses cuivres éclatants et de son excentricité sonore, cette chanson se révèle être l’un des témoignages les plus sincères de la lassitude de John Lennon face à une vie qui ne lui convenait plus. Elle s’inscrit alors pleinement dans la tradition du rock comme vecteur de révolte et d’introspection, même sous les dehors d’une simple ritournelle matinale.
