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« La Famille de Pascal Duarte » de Camilo José Cela

Par Etcetera
Famille Pascal Duarte Camilo José Cela

Ce roman est un grand classique de la littérature espagnole : il s’agit du livre en castillan traduit dans le plus grand nombre de langues après Don Quichotte, d’après Wikipédia.
S’il m’arrive parfois de lire des écrivains ou des poètes d’Amérique latine, mes connaissances en littérature espagnole sont très limitées. Aussi, j’étais heureuse que notre Cercle de lecture attire notre attention vers ce roman. L’occasion, aussi, de découvrir un auteur de premier plan, Camilo José Cela (1916-2002) lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1989.
J’ai lu que Camilo José Cela avait inventé le tremendisme, avec ce livre-ci, c’est-à-dire une esthétique littéraire basée sur des descriptions sordides, la misère, la violence, le crime.

Comme je n’avais encore jamais rien lu de ce grand écrivain du 20e siècle, cet article participe au défi « un classique par mois » organisé par Etienne Ruhaud du blog Page Paysage.

Note Pratique sur le livre

Editeur : Points
Année de publication (initiale) : 1942 ; (de cette traduction française) 1948
Traduit de l’espagnol par Jean Viet
Nombre de pages : 145

Mon Avis

C’est un roman qui raconte la vie d’un homme – une vie malheureuse et misérable du début à la fin, sur laquelle semble peser la main du destin. Le moins qu’on puisse dire de Pascal Duarte c’est qu’il n’a pas de chance et que ses proches non plus n’ont pas de chance. Tableau d’une région d’Espagne très déshéritée, où l’alcool, la prostitution, les bagarres, l’analphabétisme, font rage.
On sait dès le début que le héros est un criminel et qu’il a été condamné à mort pour ce crime (sans savoir qui il a tué) et, de ce point de vue, il n’y a pas de réel suspens : on sait comment finira Pascal Duarte mais on ignore par quel chemin il va parvenir à cette fin. Une sorte de tragédie, donc.
Comme on nous le dit également dès les premières pages, la vie de Pascal Duarte est exemplaire car elle représente « un modèle à ne pas suivre ». Et on peut penser que l’auteur cherche en quelque sorte à nous édifier, à fortifier peut-être notre sens moral ou, sans aller jusque là, à nous faire réfléchir sur les conduites et les situations plus ou moins dangereuses, à éviter.
Tout ce que je viens de raconter à propos de ce roman peut paraître à première vue très austère et rébarbatif – pour ne pas dire lugubre ! Mais, justement, il ne faut pas s’arrêter à ce résumé peu engageant car il y a une chose terriblement attrayante, qui permet de passer au-dessus de tout le reste : une écriture poétique, fine, délicate, pleine de superbes métaphores qui illuminent totalement ce texte.
La vie de Pascal Duarte pourrait être caricaturale, avec son affreuse famille et les multiples tares dont ils sont tous lourdement accablés, et pourtant, par la grâce de cette magnifique écriture, nous sommes à chaque fois touchés, ces êtres nous semblent proches, nous nous attachons à leurs pas.
Je me suis demandé à plusieurs reprises si on pouvait qualifier ce livre de réaliste. J’ai eu du mal à répondre à cette question. Sur certains plans, on a l’impression que la grande misère décrite, la psychologie des personnages, suivent de très près la réalité plausible de l’époque. Mais ce réalisme prend parfois des formes outrancières. L’accumulation de malheurs finit par sembler peu naturelle et, là encore, destinée à servir d’exemple édifiant.
Un roman vraiment très beau, que je conseillerais sans aucun doute, d’autant plus que les membres de notre Cercle de lecture l’ont presque tous aimé.

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Un extrait page 27

Mes parents s’entendaient mal ; ils n’avaient guère d’éducation, moins encore de vertus et n’observaient pas les commandements de Dieu – tous défauts que, pour mon malheur, j’héritai, – aussi se souciaient-ils fort peu d’appliquer des principes ou de réfréner leurs instincts, et il suffisait d’un rien pour déchaîner une tempête, qui se prolongeait ensuite des jours et des jours, sans qu’on en vît la fin. En général, je ne prenais pas parti, car vraiment pour moi c’était pareil de les voir l’un ou l’autre écoper ; quelquefois je me réjouissais parce que mon père cognait, d’autres fois parce que c’était ma mère, mais jamais je n’en fis une affaire d’État.
Ma mère ne savait ni lire ni écrire ; mon père oui, et il en était si fier qu’il le lui jetait à la figure à tout bout de champ et l’appelait sans cesse, avec ou sans raison, pauvre ignorante, injure très grave pour ma mère, qui devenait comme un dragon. Quelquefois mon père s’en venait l’après-midi à la maison, un papier à la main, et, bon gré mal gré, nous faisait asseoir tous les deux dans la cuisine pour nous lire les nouvelles ; il les commentait ensuite et je me mettais à trembler, car ainsi commençaient les disputes. (…)

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