À 85 ans, Ringo Starr finalise un nouvel album country prévu pour 2026, en collaboration avec T Bone Burnett. Inspiré par ses racines musicales et l’héritage des Beatles, il y rend hommage à Carl Perkins et poursuit l’exploration amorcée avec « Look Up ». Annoncé à Milwaukee, ce disque s’inscrit dans une démarche collective et une volonté de faire vibrer la scène.
À 85 ans, Ringo Starr ne lève pas le pied. De passage à Milwaukee, où son All‑Starr Band répétait avant de reprendre la route, l’ex‑Beatle a confirmé avoir « terminé [sa] partie » sur un nouvel album country attendu pour 2026. La formule dit deux choses à la fois : d’un côté, l’enthousiasme intact d’un musicien qui revendique une énergie de scène depuis 1989 ; de l’autre, la mécanique d’un projet façonné en équipe, sous la houlette d’un artisan du son américain, T Bone Burnett, avec qui Ringo a déjà collaboré pour Look Up, paru en janvier 2025. L’annonce, faite lors d’une conférence de presse installée au Riverside Theater – la grande salle du centre‑ville utilisée comme quartier général de répétitions – résume bien la trajectoire récente de Starr : un goût prononcé pour la collaboration, une curiosité intacte, et un appétit très net pour un répertoire roots que le batteur‑chanteur a toujours affectionné.
Sommaire
- Un retour prolongé vers les racines américaines
- « J’adore la country » : une profession de foi assumée
- T Bone Burnett, architecte d’un son
- Carl Perkins en filigrane : un clin d’œil à l’ADN Beatles
- Milwaukee comme base arrière : un coup d’envoi symbolique
- Look Up comme jalon : ce que le disque de 2025 a remis en jeu
- Le plaisir de la scène comme moteur
- Anthology restaurée et épisode « Nine » : un autre feuilleton de l’automne
- Sam Mendes et les biopics : Ringo vu par Barry Keoghan
- Ce que l’on peut attendre du disque : matières, tempos, voix
- Le calendrier et l’impatience maîtrisée
- Le miroir Beatles : comment l’actualité solo résonne avec l’héritage
- Sur scène à Milwaukee, demain et après
- Une conclusion provisoire
Un retour prolongé vers les racines américaines
L’axe Nashville/Los Angeles qui a servi de colonne vertébrale à Look Up n’était pas un caprice d’un disque ; il ressemblait bien à un retour. Chez Ringo, l’amour des couleurs country ne date pas d’hier. Au cœur des années 60, les Beatles avaient déjà laissé transparaître leur goût pour la country & western, avec « Act Naturally » (reprise de Buck Owens chantée par Ringo en 1965), ou encore par touches dans le phrasé et la guitare « twang » de certains titres. Cette sensibilité s’est souvent glissée dans la carrière solo de Starr, en pointillés, avant de redevenir, ces derniers mois, un axe esthétique revendiqué.
Le nouvel album en gestation, annoncé comme un successeur direct à Look Up, prolonge cette dynamique. Ringo Starr parle d’un disque façonné main dans la main avec T Bone Burnett, songwriter et producteur dont le goût pour l’acoustique, les textures anciennes et les rythmes sobres sied à la voix médiane, chaleureuse, du batteur. La mention explicite d’une **reprise de Carl Perkins inscrit le projet dans une lignée claire : celle d’un rockabilly aux contours élégants, dont les Beatles de 1963‑1964 s’étaient faits les ambassadeurs britanniques.
« J’adore la country » : une profession de foi assumée
Durant l’échange avec la presse, Ringo Starr l’a répété : « J’adore la country ». Ce n’est pas une posture. Les EP récents, les sessions de Look Up, l’entourage choisi – T Bone Burnett, des musiciens issus de la nouvelle génération americana et bluegrass – témoignent d’une affinité réelle avec cette grammaire : une rythmique amarrée, des instruments acoustiques mis au premier plan (guitares à résonateur, mandolines, violons), des chœurs qui soutiennent les refrains sans emphase. Dans ce cadre, la voix de Ringo prend une patine particulière : légèrement grainée, posée, elle s’accommode d’une écriture où l’histoire prime sur la démonstration.
T Bone Burnett, architecte d’un son
Dans l’ombre discrète du projet, T Bone Burnett tient le rôle d’architecte sonore. Son parcours – de Jakob Dylan à Robert Plant & Alison Krauss, de Roy Orbison à la bande originale de O Brother, Where Art Thou? – dessine une signature : restituer des ambiances américaines sans céder au pastisme. Avec Ringo, cette manière de dépouiller les arrangements pour laisser respirer batterie, basse et guitares a déjà produit ses effets sur Look Up. On y entendait une basse chantante, des batteries à la frappe feutrée, des cuivres économes, et cette clarté qu’affectionne Burnett, privilégiant le médium et les attaques naturelles plutôt que la compression à outrance.
Le nouvel album s’annonce cohérent avec cette démarche. Ringo Starr insiste d’ailleurs sur la dimension collective de l’entreprise : « J’ai terminé ma partie », dit‑il, sous‑entendant un calendrier où d’autres contributions s’achèvent en parallèle. La méthode – maquettes, enregistrements par pôles à Nashville et à Los Angeles, aller‑retours de fichiers puis mises en commun – est devenue la norme d’une production internationale qui permet à des artistes dispersés de façonner un son commun sans perdre l’élan d’ensemble.
Carl Perkins en filigrane : un clin d’œil à l’ADN Beatles
L’annonce d’une relecture de Carl Perkins n’a rien d’anecdotique. Au temps des cavernes de Liverpool, puis à Hambourg, les Beatles ont pris l’habitude de conclure leurs sets par des classiques de Perkins – « Matchbox », « Honey Don’t », « Everybody’s Trying to Be My Baby » –, trois titres dont Ringo fut souvent la voix sur disque comme sur scène. Perkins, c’était le pont entre le rhythm’n’blues et la country, entre l’élasticité d’un swing rural et le tranchant du rock. Y revenir aujourd’hui, c’est boucler une boucle : dans un album qui assume son identité country, Ringo retrouve un répertoire qu’il connaît intimement, où il peut jouer avec autorité sans pasticher.
Ce choix de répertoire a une vertu supplémentaire : il raconte une histoire. Celle d’un batteur‑chanteur qui, de « Act Naturally » à « Photograph », n’a jamais renié le goût des chansons droites, carrées, portées par des refrains clairs et des images simples. Perkins, c’est la sobriété dans l’attaque, la syncope juste, et un sourire dans la voix que Ringo sait faire passer comme peu d’autres.
Milwaukee comme base arrière : un coup d’envoi symbolique
Choisir Milwaukee pour installer les répétitions puis lancer le concert du 12 septembre au Miller High Life Theatre n’est pas qu’une commodité logistique. La ville, habituée aux grandes tournées classiques, a l’infrastructure qui convient au format All‑Starr Band : une scène ample, un public fidèle aux sagas rock, un réseau de salles proches pour les balances et les filages. En installant le Q&A médiatique au Riverside Theater, Ringo a aussi voulu signifier que ce tour d’automne s’ancrait dans une réalité de groupe : on répète, on ajuste les transitions, on tisse les connexions entre les morceaux de Ringo et les titres phares des All‑Starrs.
Le line‑up 2025 a pris ses marques au fil des dernières saisons : Steve Lukather (guitares, Toto), Colin Hay (guitares et chant, Men at Work), Hamish Stuart (basse/guitare, Average White Band et ex‑Paul McCartney), Warren Ham (saxophones, flûte, harmonica, claviers), Buck Johnson (claviers) et Gregg Bissonette (batterie). La formule demeure : alterner les morceaux‑signature des invités avec le répertoire de Ringo, des Beatles aux singles solo, en ménageant quelques surprises liées à l’actualité – on a vu ces derniers mois des titres de Look Up glisser dans la setlist, preuve que l’option country trouve sa place sur scène.
Look Up comme jalon : ce que le disque de 2025 a remis en jeu
Le succès public de Look Up, premier long format studio depuis 2019, a agi comme un test réussi. L’album, présenté comme une plongée assumée dans un registre country, réunissait une équipe transgénérationnelle : jeunes virtuoses du bluegrass (comme Billy Strings ou Molly Tuttle), duos vocaux indie (Lucius), sœurs roots‑rock (Larkin Poe), et des harmonies venues d’autres horizons. Le tout, produit et souvent co‑écrit par T Bone Burnett, avait révélé un Ringo en confiance, capable d’occuper le centre d’un son roots tout en gardant son élégance de batteur qui écoute la chanson.
À l’échelle de la carrière de Starr, Look Up a clarifié un point : le registre médium de sa voix, débarrassé des excès, peut porter des récits au tempo modéré où le swing vient de la section rythmique et des contre‑chants. Cette découverte – ou redécouverte – explique en partie la rapidité avec laquelle un second volet s’est imposé. D’où l’annonce, à Milwaukee, d’un disque terminé côté Ringo et attendu l’an prochain, qui promet d’approfondir la palette inaugurée en 2025.
Le plaisir de la scène comme moteur
« Je suis toujours en tournée », dit Ringo Starr. La phrase pourrait sonner comme une coquetterie ; chez lui, c’est une éthique. Depuis 1989, le All‑Starr Band joue le rôle d’une coopérative en mouvement, où la joie de partager les morceaux des uns et des autres prime. Ce plaisir visuel et collectif explique la longévité du format : Ringo y tient la batterie avec une autorité tranquille, s’avance au micro quand il faut, laisse respirer ses partenaires, et s’assure que le spectacle tienne à la fois du concert et de la célébration.
Cette joie‑là nourrit l’écriture. On l’a constaté sur Look Up : les morceaux semblent taillés pour la scène, avec des ponts propices aux échanges, des refrains à l’énonciation nette, des coda qui peuvent s’étirer selon la salle. Le nouvel album devrait logiquement hériter de cette conception : penser la chanson comme une forme vivante, faite pour être jouée chaque soir un peu autrement.
Anthology restaurée et épisode « Nine » : un autre feuilleton de l’automne
Au‑delà de l’annonce discographique, la conférence de Milwaukee a été l’occasion d’évoquer l’actualité plus large du Beatlesverse. L’énorme chantier de restauration de la série documentaire « The Beatles Anthology » s’achève, avec la promesse d’une mise en ligne sur Disney+ à partir du 26 novembre 2025 et l’ajout d’un épisode inédit, « Nine ». Ringo, qui n’avait pas encore découvert ce nouveau chapitre au moment de s’exprimer, a glissé qu’on lui en avait dit « du bien », et qu’il s’attendait à être « surpris » comme les spectateurs.
Cette réapparition d’Anthology a une portée double. Pour un public qui a découvert les Beatles via Get Back et les rééditions récentes, c’est l’occasion de reconnecter le récit dans la longue durée. Pour des musiciens comme Ringo, c’est un miroir qui renvoie l’image d’une aventure collective, et rappelle que chaque nouveau projet – même très situé comme un album country – s’inscrit dans un continuum qu’un documentaire de référence vient désormais réactualiser.
Sam Mendes et les biopics : Ringo vu par Barry Keoghan
Autre sujet abordé par Ringo Starr : le cycle de films que prépare Sam Mendes, un long projet en quatre volets qui racontera, chacun depuis le point de vue d’un Beatle, l’ascension et la vie du groupe. Barry Keoghan est pressenti pour incarner Ringo. Les deux hommes se sont rencontrés, et Ringo s’en amuse : l’Irlandais sera « très occupé à être [lui] ». Au‑delà de la plaisanterie, l’idée de voir Ringo interprété par un acteur de sa génération témoigne d’une transmission qui dépasse le simple culte. C’est une relecture potentiellement audacieuse : montrer, côté coulisses, un batteur souvent perçu comme le « modeste pilier » et lui donner l’épaisseur dramatique qu’il mérite.
Ce que l’on peut attendre du disque : matières, tempos, voix
Les indices glanés laissent imaginer un album qui creuse trois pistes. D’abord, un travail de matières : guitares acoustiques nerveuses, slide mesurée, banjo et mandoline en touches, percussions brossées plutôt que martelées, et des chœurs mixtes qui épaulent le lead sans le recouvrir. Ensuite, une science du tempo modéré : ni balades larmoyantes, ni cavalcades, mais cette zone médiane où l’on raconte sans pesanteur. Enfin, une mise en valeur de la voix de Ringo : parlando discret quand l’histoire s’y prête, timbre plus chanté quand le refrain le demande, et ce sourire audible qui a toujours été sa marque.
La présence d’une **reprise de Carl Perkins donnera envie de numériser les vieux réflexes : on écoutera la guitare rythmique sur le temps, le trampoline de la contrebasse ou de la basse électrique, les réponses de piano droit et les petits fills de batterie signés Ringo, jamais bavards. Si Look Up avait déjà placé une esthétique de sobriété lumineuse, on peut s’attendre à un cran de maturité supplémentaire : des arrangements plus aérés, des ponts qui laissent de la place aux solistes, et une prise de son qui privilégie la proximité.
Le calendrier et l’impatience maîtrisée
Un album « terminé côté Ringo » en septembre 2025, une sortie annoncée pour 2026 : le décalage s’explique par des enjeux de calendrier. Entre la tournée de l’automne, la rampe de lancement de Anthology sur Disney+, et le tempo des mises en marché internationales, la fenêtre printemps/été 2026 s’impose logiquement. Cette attente n’a rien d’un vide : la route occupe Ringo et ses All‑Starrs, les plateformes relaient Look Up, les radios adult contemporary gardent en rotation ses singles récents, et la conversation autour des biopics et d’Anthology entretient la curiosité.
Dans cet entre‑deux, Ringo rappelle l’évidence : tant qu’il aura l’envie et la santé, il jouera. « On ne pense pas qu’on ira si loin », dit‑il, presque surpris de pouvoir encore tenir ce rythme. S’il y a un message à tirer de cette fin d’été, c’est peut‑être celui‑ci : la longévité n’est pas un concept, c’est une pratique.
Le miroir Beatles : comment l’actualité solo résonne avec l’héritage
Toute actualité d’un ex‑Beatle invite à un jeu de miroir. Dans le cas de Ringo, le registre country n’est pas un détour excentrique ; c’est une ligne qui traverse l’œuvre. En 1965, confier à Ringo « Act Naturally », c’était déjà reconnaître en lui un interprète capable de porter une histoire simple et humaine. En 1968, on l’entendait derrière des titres où la batterie racontait autant que les paroles ; plus tard, sur « It Don’t Come Easy », il avait posé un manifeste de résilience et de groove.
Qu’il revienne aujourd’hui avec un album country, épaulé par T Bone Burnett, avec un clin d’œil à Carl Perkins, c’est renouer avec ce fil. C’est rappeler que le sens du tempo, du rebond, de la relance – ces qualités qui font un grand batteur – peuvent aussi faire un raconteur. Et si l’on veut chercher une cohérence dans la trajectoire récente, elle est là : un musicien qui préfère la coopération à la démonstration, qui cultive l’assise plutôt que la prouesse, et qui trouve, dans la country, un cadre idéal pour laisser parler l’équilibre.
Sur scène à Milwaukee, demain et après
Le rendez‑vous du 12 septembre au Miller High Life Theatre fait figure de coup d’envoi pour la séquence d’automne. Les salles suivantes accueilleront un spectacle rodé, où la construction du set alterne judicieusement titres Beatles, classiques de Ringo et numéros signature des All‑Starrs. On peut s’attendre à ce que la couleur country irrigue discrètement la mise en son : une guitare un peu plus boisée, un orgue plus présent sur certains ponts, et peut‑être un nouveau titre glissé en test auprès du public.
Les fans auront l’œil sur les détails : la batterie de Ringo, souvent ouverte pour laisser respirer le timbre de la caisse claire ; la basse qui prend des chemins mélodiques au lieu d’un simple ancrage ; la discussion entre Lukather et Hay sur les guitares, avec Warren Ham en factotum des vents et des textures. C’est dans ces interstices que se lit la vitalité d’un groupe.
Une conclusion provisoire
L’annonce de Milwaukee n’est ni un coup de théâtre, ni une simple note de tournée. Elle balise la feuille de route d’un Ringo Starr au long cours : un album country achevé de son côté, qui attend son heure en 2026 ; un partenariat solidifié avec T Bone Burnett, qui a trouvé le ton juste ; un hommage à Carl Perkins qui remet en perspective l’ADN Beatles ; un automne nourri par la tournée, la mise en ligne d’Anthology sur Disney+ et le bruit déjà perceptible autour des biopics de Sam Mendes.
Dans ce paysage, Ringo garde son cap : jouer, raconter, tenir le tempo. La country lui offre un terrain où le sens de l’assise et le sourire dans la voix font merveille. Et si l’on cherche une image pour résumer ce moment, on pourrait dire que Ringo Starr, à Milwaukee, a frappé exactement comme il fallait : droit, clair, et avec ce rebond qui donne envie d’entendre la suite.
