Troisième piste du White Album, « Glass Onion » est une chanson malicieuse où John Lennon s’amuse à truffer ses paroles de références à d’autres morceaux des Beatles. Jeu de miroirs, fausses pistes et allusions cryptées composent ce titre ironique et rythmé, né d’un désir de tourner en dérision les fans obsédés par les lectures à clés. Derrière sa durée brève (2’17), le morceau révèle une richesse d’arrangements (flûte, cordes, effets sonores), une rythmique nerveuse et un humour acide, tout en marquant le retour de Ringo Starr à la batterie.
À mesure que les années 60 avançaient, la pop se faisait plus ambitieuse, et nombre d’auditeurs prirent l’habitude de traquer des significations cachées dans chaque couplet. The Beatles n’ignoraient rien de ce jeu – John Lennon l’observait même avec une ironie mordante. Avec « Glass Onion », troisième piste du White Album (1968), il décida de pousser la logique jusqu’au bout : offrir aux fans une chanson truffée de références à leur propre œuvre, comme un miroir à facettes où chaque allusion renverrait vers une autre. Le résultat est un morceau court, nerveux, drôle – et profondément révélateur de la façon dont le groupe gérait, en 1968, le poids de son propre mythe.
Sommaire
- Genèse : déconstruire la « lecture à clés »
- Un titre transparent… et trompeur
- Images et lieux : du « Cast Iron Shore » aux tulipes recourbées
- « Here’s another clue for you all » : le Walrus, Paul et l’ombre portée d’un canular
- Des démos d’Esher au studio d’Abbey Road : le chemin vers la version définitive
- Les fausses pistes sonores : téléphone, verre brisé… puis cordes
- Une architecture musicale plus retorse qu’elle n’y paraît
- Les paroles, mode d’emploi
- « Paul is dead » : quand la chanson devient pièce à conviction
- La place de « Glass Onion » dans le White Album
- Lennon/McCartney : l’écho d’un duo qui se recompose au studio
- Les prises alternatives : ce que révèlent les versions Anthology et Esher
- Une leçon de pop méta
- Réception et héritage
- Écoute guidée : que tendre l’oreille à la prochaine lecture
- Fiche repère
- Conclusion
Genèse : déconstruire la « lecture à clés »
L’idée de « Glass Onion » naît dans le sillage de « I Am the Walrus », déjà conçu par Lennon comme une farce surréaliste destinée à dérouter ceux qui décortiquaient ses images comme des codes secrets. Un an plus tard, il pousse la malice un cran plus loin : écrire une chanson qui parle explicitement des autres chansons des Beatles, au point de constituer une sorte d’index interne. On y entend, dès l’ouverture, « Strawberry Fields Forever », puis défilent « Fixing a Hole », « The Fool on the Hill », « Lady Madonna », sans oublier le retour du fameux Walrus. Le texte fonctionne comme un hyperlien avant l’heure : « Lady Madonna » citait « I Am the Walrus » (« see how they run »), laquelle glissait déjà « Lucy in the Sky with Diamonds » (« see how they fly like Lucy in the sky »). Lennon tisse ces fils avec jubilation, mais refuse d’accorder à cet entrelacs une « grande » signification : il montre les coutures de la légende, tout en s’en amusant.
Un titre transparent… et trompeur
Le terme « glass onion » a tout d’abord le charme d’une image absurde. Pourtant, l’oignon de verre existe bien : c’est une bouteille ventrue à large base, utilisée autrefois en mer pour qu’elle ne bascule pas. Le double sens plaît à Lennon : la transparence promise par le « verre » est contredite par la multiplicité des couches de l’« oignon ». On croit voir clair, mais chaque pelure en cache une autre. L’expression séduisit tellement Lennon qu’il la proposa même, un instant, comme nom de scène aux Iveys, groupe fraîchement signé chez Apple et bientôt rebaptisé Badfinger. Rien que ce détour montre combien « Glass Onion » joue avec l’idée d’indices : il y en a partout, mais ils n’aboutissent pas à une « vérité » unique.
Images et lieux : du « Cast Iron Shore » aux tulipes recourbées
Au-delà des auto‑citations, Lennon sème d’autres images : le « Cast Iron Shore » (la « côte de fonte ») – rivage réel au sud de Liverpool, surnommé « the Cazzy » par les locaux –, la « dovetail joint » (queue‑d’aronde) des menuisiers, ou encore ces tulipes au dos cambré qui intriguent les exégètes. Le confident et attaché de presse Derek Taylor suggérera une lecture prosaïque et délicieuse : on pouvait admirer, dans un restaurant londonien à la mode, des tulipes dont on pliait les pétales vers l’arrière pour en révéler l’envers et les étamines – une manière d’« apprendre à regarder autrement ». « Glass Onion » regorge de ce type d’images : concrètes, mais cadrées de telle sorte qu’elles semblent mystérieuses. C’est l’art du trompe‑l’œil appliqué à la pop.
« Here’s another clue for you all » : le Walrus, Paul et l’ombre portée d’un canular
Le vers le plus fameux – « the walrus was Paul » – fut une étincelle. Lennon l’insère pour « embrouiller » un peu plus les pisteurs de symboles. Paul McCartney, dans Many Years From Now, en donnera une explication terre‑à‑terre : lors des prises de vues de Magical Mystery Tour, il lui arriva d’enfiler la tête de morse pour les photos, quand Lennon portait le costume dans la séquence filmée. John lui‑même, au tournant des années 70, reconnaîtra la dimension malicieusement gratuite de la phrase, tout en confiant qu’elle portait aussi un aveu indirect : la culpabilité d’un homme amoureux de Yoko Ono qui sent qu’il s’éloigne de son partenaire historique. Ambiguïté parfaite : clin d’œil, blague de potache, micro‑hommage et pointe de mélancolie.
Cette ligne allait, hélas, nourrir le plus célèbre mirage de l’histoire du rock : la rumeur « Paul is dead » qui s’enflamme à l’automne 1969. Des auditeurs persuadés que le groupe avait laissé des « indices » disséminés dans les paroles et sur les pochettes scrutent « Glass Onion » comme on décave un roman policier. Absurde – McCartney l’affirme publiquement, photo de famille à l’appui – mais révélateur : la chanson illustre exactement ce qu’elle désamorce, à savoir la tentation paranoïaque de la lecture à clés. Lennon, goguenard, en rajoute une couche quelques mois plus tard dans « God », en martelant « I was the Walrus ». La « vérité » importe peu ; l’important est le jeu du miroir.
Des démos d’Esher au studio d’Abbey Road : le chemin vers la version définitive
Comme une large part du White Album, « Glass Onion » commence sa vie fin mai 1968, lors des démos d’Esher enregistrés chez George Harrison à Kinfauns. Armé d’une guitare acoustique, Lennon pose l’esquisse : une mélodie brute, des paroles encore incomplètes où surgit même du charabia, et surtout une structure qui laisse deviner la forme définitive. À ce stade, la chanson n’est qu’un noyau lancé avec une énergie parlée‑chantée, déjà typique du ton narquois que l’on retrouvera sur l’album.
Le 11 septembre 1968, Chris Thomas – qui remplace provisoirement George Martin parti en vacances – lance l’enregistrement à EMI/Abbey Road, Studio Two. Le groupe enregistre 34 prises du rhythm track, John à la guitare acoustique, George Harrison à l’électrique, Paul McCartney à la basse et Ringo Starr à la batterie. La prise 33 retient l’attention : c’est sur elle que s’empilent, les jours suivants, les overdubs. Le 12 septembre, Lennon double sa voix par endroits et Ringo ajoute un tambourin ; le 13, on enregistre un piano et une seconde piste de batterie ; le 16, McCartney souffle une flûte à bec – clin d’œil instrumental à « The Fool on the Hill » que le texte cite explicitement.
Détail de contexte qui compte : « Glass Onion » est la première chanson du White Album à remettre Ringo derrière les fûts après sa brève désertion d’août 1968, quand « Back in the U.S.S.R. » et « Dear Prudence » avaient été bouclées avec Paul à la batterie. Rien d’ostentatoire dans son jeu ici : une pulsation sèche, des fills économes, et ce motif de caisse claire au début des mesures qui signe l’attaque du morceau.
Les fausses pistes sonores : téléphone, verre brisé… puis cordes
Au moment du mixage de septembre, Lennon s’amuse à coller, en véritables petites vignettes, des effets de bande : sonnerie de téléphone, verre qui se brise, extrait de commentaire footballistique – la clameur et le fameux « It’s a goal ! » de Kenneth Wolstenholme. Ces fragments éclatés sont même envisagés comme final : on fabrique une queue sonore qu’on épisse dans le corps de la chanson, comme pour souligner le côté collage et « fausses pistes » du texte. Au retour de vacances, George Martin propose une autre idée : remplacer ces effets par un octuor à cordes qui ferait atterrir la chanson sur une descente harmonique étrange, presque cinématographique. La session de cordes, sous sa direction, fige la version canonique que l’on connaît : adieu les gadgets sonores, bonjour la tension de cordes glissées qui transforment la chute finale en pan de mystère presque victorien.
L’octuor réunit des instrumentistes londoniens aguerris : aux violons, Henry Datyner, Eric Bowie, Norman Lederman, Ronald Thomas ; aux altos, John Underwood, Keith Cummings ; aux violoncelles, Eldon Fox et Reginald Kilbey. Leur jeu, tenu, sans vibrato appuyé, ajoute une ironie dramatique : la blague de Lennon se termine sur une cadence qui ressemble à la musique d’un générique – parfait pour un morceau qui parle de décryptage et de mise en scène.
Une architecture musicale plus retorse qu’elle n’y paraît
Sous ses 2’17 compactes, « Glass Onion » recèle une écriture harmonique au cordeau. La tonalité d’ensemble est la mineur, mais l’ancrage reste fuyant ; les cadences évitent soigneusement de conclure « classiquement ». Le parcours d’accords – la mineur, Fa7, sol mineur, Do, Ré7 – brouille la carte tonale ; on glisse par instants vers Fa majeur, puis l’ombre de Sol apparaît par l’entremise d’un Ré7 qui ne mène pas vraiment à destination. Ce vagabondage, typique de l’écriture de Lennon lorsqu’il se fait bluesy et modal, participe à la sensation d’instabilité qui colle au texte. La forme est d’une sobriété efficace : couplet | refrain répétés, pont sur pédale de la, puis refrain et coda. Deux détails valent le détour : le glissando des cordes sur l’enchaînement sol mineur → Do, petit éclair orchestral qui ponctue chaque apparition de cette bascule, et le « faux vide » – ce silence tranchant – entre la fin du pont et le retour du dernier couplet, comme une respiration qui se prend juste avant la chute finale.
La rythmique tient, elle, d’un talking‑blues tendu : Lennon parle‑chante, laisse la basse de McCartney tisser des contours mélodiques nerveux, pendant que Harrison strie le spectre d’attaques sèches à la guitare. Le piano renforce, par touches, la carrure du refrain. Et l’astuce instrumentale la plus savoureuse reste cette flûte à bec : elle arrive après que le texte a cité « The Fool on the Hill », comme si la musique jouait, elle aussi, à suivre la piste que le chanteur vient de tracer.
Les paroles, mode d’emploi
Si l’on prend « Glass Onion » comme un manuel de lecture par l’absurde, chaque image « renvoie » à un motif Beatles. « Looking through the glass onion » devient la métaphore d’une transparence impossible : on croit voir la réalité derrière le mythe, mais on n’en distingue que les reflets. « Fixing a hole in the ocean » contredit la logique ; « The Fool on the Hill » et « Lady Madonna » se croisent comme des personnages récurrents dans un feuilleton. Et puis il y a ce « Cast Iron Shore », qui « ancre » le morceau à Liverpool, rappelant que les Beatles sont aussi des enfants de la ville, pas seulement des icônes de studio.
Le Walrus, bien sûr, fait écran : figure‑totem héritée de Lewis Carroll, devenue chez Lennon un symbole faussement profond. En déclarant que « le Walrus, c’était Paul », John déplace la cible ; les auditeurs qui cherchaient des messages cachés se retrouvent face à un message sur les messages. Le procédé est brillant : Glass Onion ne dévoile rien, il montre le regard des autres sur les Beatles – et le renvoie à son propre narcissisme.
« Paul is dead » : quand la chanson devient pièce à conviction
La rumeur d’un Paul McCartney mort et remplacé par un sosie enfle à l’automne 1969, jusqu’à envahir la presse et les ondes. « Glass Onion » y est mobilisée comme pièce à conviction : les « indices » y seraient, dit‑on, partout. L’ironie est totale, car la chanson se moque précisément de cette manie. La contre‑attaque sera pragmatique : McCartney consent à une interview et à une couverture dans Life, posant avec sa famille en Écosse – et le fameux « Paul is still with us » aide à désamorcer la rumeur. La force mémétique du couplet « le Walrus était Paul » survivra pourtant, au point d’entrer dans le folklore pop.
La place de « Glass Onion » dans le White Album
Sur le White Album, « Glass Onion » arrive après la parenthèse rêveuse de « Dear Prudence » et avant l’entrain feutré d’« Ob‑La‑Di, Ob‑La‑Da ». L’effet de montage est saisissant : troisième piste, 2 minutes 17, un goût d’éclat sec qui tranche avec l’ampleur de certaines plages du double album. C’est d’ailleurs une signature de ce disque : l’hétérogénéité assumée, la juxtaposition de miniatures et d’épopées, de croquis et de pièces orchestrées. « Glass Onion » est du côté du croquis, mais c’est un croquis de maître : il dit beaucoup en peu de traits.
La chanson refait surface à plusieurs moments de la postérité Beatles. Dans le spectacle LOVE du Cirque du Soleil (et sur l’album Love codirigé par George Martin et Giles Martin), « Glass Onion » apparaît en fragment : un segment qui s’imbrique avec d’autres titres dans une mosaïque sonore – procédé qui rappelle, ironiquement, l’esprit de collage des faux indices initialement envisagés au mixage. En 2018, pour les 50 ans du White Album, un nouveau mix signé Giles Martin et Sam Okell remet en lumière les arêtes du morceau et s’accompagne d’un clip promotionnel truffé de clins d’œil visuels à ses paroles : le costume de morse, la Sea of Holes de Yellow Submarine, des références glissées comme autant de Easter eggs contemporains.
Lennon/McCartney : l’écho d’un duo qui se recompose au studio
Bien que « Glass Onion » soit une pièce de Lennon, McCartney n’y est pas un figurant. Son jeu de basse nerveux, ses idées de texture (la flûte à bec), ses gestes d’arrangeur contribuent au relief du titre, comme souvent dans cette période où chacun intervient dans l’atelier de l’autre. L’époque n’est pas au consensus béat ; les tensions s’aiguisent. Mais la chanson témoigne d’un savoir‑faire commun : on sait bâtir vite, réécrire en studio, remplacer une idée par une autre – ici, des loops bruitistes par des cordes –, sans perdre la ligne d’humeur voulue par l’auteur.
On l’oublie parfois, mais la discipline de travail reste impressionnante : quatre journées éparses en septembre pour poser l’ossature et les overdubs, une session de cordes en octobre, et la piste est prête pour le montage final de l’album. À l’écoute, on sent la vitesse : tout est resserré, presque sarcastique dans la brièveté. On est loin du studio‑laboratoire d’« A Day in the Life » ; ici, c’est la vigueur d’un pastiche qui prime – un pastiche de l’univers Beatles… par les Beatles eux‑mêmes.
Les prises alternatives : ce que révèlent les versions Anthology et Esher
Les compilations Anthology ont dévoilé deux visages précieux de « Glass Onion ». La démo d’Esher montre la mélodie nue et le verbe en chantier, avec ces syllabes fantômes que Lennon lance quand les mots lui manquent encore. L’autre version – un mix alternatif – conserve les effets de bande dont on a parlé : téléphone, verre brisé, exclamation de but. Entendre la chanson sans cordes permet de mesurer ce qu’a apporté George Martin : non pas un vernis, mais un angle dramatique. Là où la fin bruitiste soulignait la farce, les cordes donnent une conclusion ambiguë, presque noire. Le morceau peut finir sur un éclat de rire ou sur un fondu au noir ; « Glass Onion » sait faire les deux.
Une leçon de pop méta
Au fond, pourquoi cette petite chanson tient‑elle une place si nette dans l’imaginaire Beatles ? Parce qu’elle parle de la pop en train de se regarder. Lennon y démonte l’illusion d’une herméneutique totale – cette croyance que chaque image cache une clé – tout en exploitant la délectation que nous avons à suivre les indices. C’est une mise en abyme modeste et très britannique : le mystère est surtout dans le regard que l’on porte, pas dans l’énigme elle‑même. La musique, avec ses accords latéraux et sa tonalité esquivée, dit la même chose : rien ne se résout, tout glisse et dérive avec élégance.
Réception et héritage
À sa sortie, « Glass Onion » n’est pas un single, et reste longtemps une perle d’album chérie des auditeurs attentifs. Les musiciens, eux, reconnaissent sa malice structurelle : ce refrain aux accords tournants, cette coda aux dominantes chromatiques qui s’enchevêtrent et disparaissent dans le fondu, ont influencé quantité d’auteurs férus de pastiches et de clins d’œil intertextuels. La chanson a aussi légué son titre à d’autres récits de mystère contemporains, preuve que l’image de l’« oignon de verre » parle encore à notre époque obsédée de strates, de transparence et de masques.
Quant aux Beatles eux‑mêmes, ils ont souvent rééclairé la piste par fragments : on croise « Glass Onion » dans les montages de Love, on le redécouvre dans les mix remasterisés, on l’entend respirer autrement dans les prises d’archives. Le morceau gagnera toujours à être écouté en contexte, coincé entre « Dear Prudence » et « Ob‑La‑Di, Ob‑La‑Da », où sa brusquerie fait merveille.
Écoute guidée : que tendre l’oreille à la prochaine lecture
La prochaine fois que vous lancerez « Glass Onion », amusez‑vous à guetter :
– le coup de sifflet rythmique de Ringo au tout début, ce petit accroc de caisse claire qui ouvre le rideau ;
– la réplique instrumentale de la flûte à bec après la mention « Fool on the Hill » ;
– les glissandi de cordes sur sol mineur → Do, comme une sirène orchestrale que George Martin laisse filer ;
– la chute harmonique de la coda, où des accords de dominante se succèdent en miroitements avant de s’éteindre ;
– la façon dont Lennon mord certaines consonnes, donnant à son parlé‑chanté une acidité qui sied au propos.
Reste alors à sourire devant le pouvoir qu’a eu, et qu’a encore, une simple ligne – « the walrus was Paul » – à déclencher des lectures, des débats, des légendes. « Glass Onion » n’est pas là pour livrer une clé ; elle est là pour nous montrer comment fonctionne notre désir de clé.
Fiche repère
Titre : « Glass Onion »
Auteurs : John Lennon (Lennon‑McCartney)
Interprètes : The Beatles
Album : The Beatles (White Album), 1968
Enregistrement : 11, 12, 13, 16 septembre puis 10 octobre 1968, EMI/Abbey Road (Londres)
Production : Chris Thomas (sessions de base), George Martin (arrangement et session de cordes)
Personnel principal : John Lennon (chant, guitare acoustique), Paul McCartney (basse, piano, flûte à bec), George Harrison (guitare solo), Ringo Starr (batterie, tambourin) ; octuor à cordes dirigé par George Martin (violons : Henry Datyner, Eric Bowie, Norman Lederman, Ronald Thomas ; altos : John Underwood, Keith Cummings ; violoncelles : Eldon Fox, Reginald Kilbey).
Durée : 2’17
Particularités : texte auto‑référentiel, fausses pistes sonores abandonnées au profit d’un final aux cordes, premier titre du White Album à remettre Ringo à la batterie après son absence d’août 1968.
Conclusion
Petit par la durée, grand par l’idée, « Glass Onion » capte l’instant où les Beatles se savent devenus leur propre sujet. Lennon, au lieu de fermer la porte à l’interprétation, l’ouvre en grand – mais pour révéler non pas une vérité cachée, plutôt un jeu de piste. On suit les indices, on croit tenir un fil, et l’on découvre que le plaisir était justement dans la chasse. C’est peut‑être la meilleure définition de l’art des Beatles : une musique qui nous embarque, nous déroute, et nous renvoie – malicieusement, tendrement – à notre gourmandise d’énigmes.
