Le répertoire des Beatles regorge de classiques incontournables, mais certains morceaux plus intimistes, bien que moins célèbres, témoignent tout autant de leur talent exceptionnel. « I’ll Follow The Sun » en fait partie. Cette ballade délicate, écrite par un très jeune Paul McCartney avant même la formation définitive des Beatles, est l’un des joyaux cachés de l’album Beatles For Sale, sorti en décembre 1964.
Sommaire
- Une composition née sous les rideaux de Forthlin Road
- Un enregistrement tardif mais une signature McCartney évidente
- Un succès discret mais une reconnaissance tardive
- Un titre remis en lumière par McCartney lui-même
Une composition née sous les rideaux de Forthlin Road
Paul McCartney a souvent raconté l’histoire de cette chanson avec une tendresse teintée de nostalgie. En 1959, alors qu’il n’est encore qu’un adolescent de 16 ans, il compose « I’ll Follow The Sun » dans le salon de sa maison familiale, au 20 Forthlin Road, à Liverpool. Se remettant d’une grippe, il se souvient précisément du moment où il a griffonné les paroles et trouvé la mélodie, guitare en main, en regardant à travers les rideaux de dentelle.
Le titre ne correspond pas encore à l’image du groupe naissant. À la fin des années 50 et au début des années 60, les Beatles, encore en gestation, se forgent une réputation de rockeurs énergiques, notamment à Hambourg où leur son se veut brut, influencé par le rock ‘n’ roll et le rhythm and blues. Dans ce contexte, une ballade douce comme « I’ll Follow The Sun » n’a pas sa place dans leur répertoire scénique.
Même Pete Best, le premier batteur du groupe, se souvient avoir entendu McCartney la jouer sur un piano dans les coulisses des clubs hambourgeois, mais sans jamais l’intégrer aux setlists. Paul lui-même confiera plus tard que le titre aurait été jugé « trop doux » pour leur image d’alors.
Un enregistrement tardif mais une signature McCartney évidente
C’est en octobre 1964, alors que les Beatles travaillent dans l’urgence pour compléter l’album Beatles For Sale, que « I’ll Follow The Sun » refait surface. Le morceau, qui n’avait jamais été réellement exploité, se révèle être une solution idéale pour étoffer la tracklist.
L’enregistrement, effectué le 18 octobre aux studios d’Abbey Road, se déroule en huit prises. Le choix d’une instrumentation sobre et d’une structure épurée confère à la chanson une légèreté poignante. Le solo de guitare, joué par George Harrison, était initialement acoustique avant d’être remplacé par une version électrique, tandis que Ringo Starr, dans un souci d’originalité sonore, se contente de taper sur un carton ou ses genoux, une technique inhabituelle pour lui.
Le titre, publié au Royaume-Uni sur Beatles For Sale et aux États-Unis sur Beatles ’65, se distingue par sa simplicité et son émotion contenue. John Lennon, en 1980, le décrira comme un pur produit McCartney, notant que Paul avait déjà « beaucoup de chansons de ce type avant même que les Beatles ne deviennent les Beatles ».
Un succès discret mais une reconnaissance tardive
Contrairement à d’autres morceaux plus emblématiques de l’album, « I’ll Follow The Sun » ne sort pas en single et ne connaît pas un succès commercial immédiat. Cependant, il reçoit un accueil chaleureux en Suède, atteignant la première place du classement Tio i Topp et la quatrième position du Kvällstoppen Chart.
La chanson réapparaît plusieurs fois au fil des ans, notamment lors d’une session enregistrée pour la BBC en novembre 1964 et diffusée dans l’émission Top Gear. Toutefois, ce n’est qu’en 1995, avec la sortie du single « Baby It’s You », que cette version voit officiellement le jour.
En 2008, une bande inédite contenant un enregistrement de travail de « I’ll Follow The Sun » est mise aux enchères. Estimée entre 8 000 et 12 000 livres sterling, elle est finalement vendue pour 9 800 livres. Cet enregistrement, aux côtés d’autres titres comme « I Feel Fine » et « She’s A Woman », constitue un témoignage précieux du processus créatif des Beatles en studio.
Un titre remis en lumière par McCartney lui-même
Si « I’ll Follow The Sun » reste une chanson discrète du répertoire des Beatles, elle bénéficie d’une seconde vie grâce à Paul McCartney. Lors de ses tournées solo, l’ex-Beatle choisit régulièrement de l’interpréter, notamment en 2007 à l’Olympia à Paris, en 2008 lors de son concert gratuit à Québec, ou encore en 2015 à New York lors d’un gala de charité pour la Robin Hood Foundation.
Sa simplicité et son message intemporel en font une œuvre à part, un pont entre l’innocence des premières compositions de McCartney et la maturité de son songwriting futur. Loin d’être un simple « remplissage » d’album, « I’ll Follow The Sun » révèle l’âme mélodique d’un groupe qui, même dans ses moments les plus légers, laissait entrevoir son génie.
