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Martha My Dear : Paul McCartney, son piano et une muse à quatre pattes

Publié le 16 septembre 2025 par John Lenmac @yellowsubnet

En 1968, alors que les tensions au sein des Beatles commencent à poindre, Paul McCartney offre une respiration légère et enjouée avec « Martha My Dear », une valse pop au piano qui semble tout droit sortie d’un vieux film hollywoodien. Derrière cette ballade entraînante se cache une source d’inspiration pour le moins inattendue : une chienne, un amour indéfectible et une mélodie née presque par accident.

Sommaire

Une chanson née d’un défi pianistique

Paul McCartney n’a jamais prétendu être un virtuose du piano. Pourtant, en autodidacte passionné, il aimait explorer l’instrument et se lancer des défis. « Martha My Dear » est née d’un exercice de style, d’un jeu de mains qui dépassait même ses compétences habituelles.

« Quand j’ai appris le piano, j’aimais voir jusqu’où je pouvais aller. C’était comme une leçon, une pièce que l’on pourrait apprendre en cours. » – Paul McCartney (Many Years From Now de Barry Miles)

Loin des accords simples et efficaces qui faisaient la force des compositions des Beatles, McCartney s’amuse ici avec des harmonies plus complexes, créant une mélodie virevoltante qui évoque autant la musique classique que la tradition des standards de Tin Pan Alley. C’est une danse, un ruban qui tournoie au gré des notes, une échappée belle dans un monde où tout semble encore innocent.

Martha, une muse à poils longs

Si « Martha My Dear » sonne comme une déclaration amoureuse, elle est souvent interprétée à tort comme un message caché à Jane Asher, la comédienne avec qui McCartney était en couple à l’époque. La vérité est bien plus touchante et surprenante : la Martha du titre n’est autre que son chien, une adorable Old English Sheepdog qu’il avait adoptée en 1965.

« J’avais toujours aimé les Bobtails. Je suis allé dans un élevage près de Milton Keynes et j’ai choisi cette petite chienne. Je l’ai appelée Martha. » – Paul McCartney

Loin d’être un simple animal de compagnie, Martha devient une confidente silencieuse, une présence réconfortante dans la vie de McCartney. Il évoque même une complicité qui aurait attendri John Lennon, d’ordinaire plus distant.

« Quand John me voyait jouer avec Martha, il s’adoucissait. Il était très méfiant de nature, mais voir mon attachement pour elle l’a touché. »

C’est une image magnifique : au cœur du tourbillon Beatles, une simple chienne devient un pont entre deux amis dont la relation se fissurait.

Un enregistrement au cordeau

Bien que « Martha My Dear » ait été composée et jouée par McCartney seul, elle a bénéficié d’un enregistrement sophistiqué, réalisé en deux jours dans les studios Trident à Soho. Contrairement à d’autres titres du White Album, où les tensions régnaient, cette session fut fluide et organisée.

Le 4 octobre 1968, McCartney enregistre le piano et la voix, avant qu’un orchestre de quatorze musiciens n’ajoute un éclat cuivré et des cordes élégantes. George Martin, fidèle architecte sonore des Beatles, orchestre ces arrangements avec le talent d’un horloger réglant un mécanisme délicat.

La touche rock du morceau vient de George Harrison, qui ajoute une guitare électrique discrète mais subtile, notamment sur la section « Take a good look around you ». Ringo Starr, lui, accompagne avec une batterie feutrée, apportant ce groove caractéristique qui donne au morceau son énergie sautillante.

Enfin, Paul McCartney perfectionne sa création en ajoutant la basse et la guitare solo le lendemain, peaufinant une chanson qui, sous ses airs légers, est une véritable prouesse musicale.

Un éclat de lumière sur le White Album

Sorti en novembre 1968, le White Album est souvent décrit comme l’œuvre la plus éclectique et expérimentale des Beatles. Entre les tensions internes, les styles éclatés et les influences variées, l’album peut ressembler à une mosaïque parfois chaotique.

Mais « Martha My Dear » fait office de respiration, une bulle d’optimisme et de douceur dans un disque parfois sombre. Comme une pause café au milieu d’une longue journée de travail, elle rappelle que derrière les explorations psychédéliques et les riffs abrasifs, les Beatles étaient aussi capables d’un classicisme élégant et intemporel.

Plus qu’un chien, un symbole

Si Martha a inspiré cette chanson, elle a surtout été une figure clé dans la vie de McCartney. Elle a traversé avec lui les années Beatles, l’a vu composer dans son salon de Cavendish Avenue, l’a accompagné dans ses instants de solitude. Après la séparation du groupe, elle restera son fidèle compagnon jusqu’à sa mort en 1981.

Aujourd’hui, « Martha My Dear » n’est pas seulement une chanson sur un chien, c’est une ode à l’affection pure et sincère, celle qui dépasse les mots et les interprétations. Un instant de grâce, où la musique devient le langage d’un amour indéfectible.

Un morceau écrit pour un chien, mais qui résonne dans le cœur de chacun. C’est ça, la magie McCartney.


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